Archi Militant :En manque d’inspiration? Lisez Baudelaire
“Choisissons un architecte connu et laissons-le tout raser pour repartir d’une page blanche, en lui épargnant toutes les contraintes matérielles et financières. Il nous sortira assurément un beau projet qui fera parler de lui”. Que n’ai-je entendu cette phrase dans la bouche des maîtres d'œuvre ?
En particulier, ce sentiment est souvent celui que l’on retrouve chez certains donneurs d’ordres publics qui caressent peut-être le rêve secret de partager un moment de gloire avec l’architecte-star désigné. Parfois, ça marche. Parfois, donc pas tout le temps… Je me garderai bien ici de citer des noms ou de donner des exemples, mais ils sont légion.
Comme nous approchons de Noël, et que je tiens à ma paix, je privilégierai une approche constructive en m’interrogeant sur ces maîtres d’ouvrage et sur ces architectes qui choisissent non pas de faire table rase, mais qui décident de changer un seul élément du bâtiment, parfois très anecdotique: une brèche que l’on n’attendait pas dans une façade, une plateforme inclinée à un endroit où l’on n’aurait imaginé qu’un espace plan, un escalier bardant une façade à front de rue comme devant cette petite librairie de la place Emile de Lalieu à Nivelles qui permet fort habilement et fort esthétiquement de donner un accès au logement situé à l’étage sans passer par le commerce installé au rez-de-chaussée.
Cette approche est celle qui correspond à la catégorie “micro-architecture” de la dernière édition du concours organisé dans le cadre Prix de l’Architecture et de l’Urbanisme organisé par la Ville de Liège. Au contraire des autres catégories où j’ai trouvé des projets nominés parfois intéressants, mais plus souvent passables, la catégorie “micro” ne m’a donné à voir que des projets à la créativité remarquable. J’en suis arrivé à la conclusion que l’architecte qui se plie aux contraintes du “maintien de l’existant” arrivait peut-être à un résultat plus intéressant sur le plan conceptuel, et paradoxalement plus marquant par sa personnalité, que nombre d’autres projets où les architectes ont travaillé sans aucune contrainte.
C’est là que je me suis souvenu de mes anciens cours de déclamation et du grand Charles Baudelaire qui ne semblait éprouver un plaisir qu’en se forçant au travail effectué sous la “contrainte”, en se pliant par exemple aux dures exigences de l’écriture en rimes. Une habitude que le grand Charles a en quelque sorte théorisée à travers une phrase restée célèbre dans le monde de la poésie: “Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense!”. Puisse cette maxime inspirer plus souvent les superstars de l’architecture et leurs donneurs d’ordres.