Archi-militant : Goldfinger VS Bond
Je l’avoue sans fard, je suis un fervent amateur de James Bond et je ne rate jamais aucune des sorties de la saga. Depuis tout petit, j’ai toujours été impressionné par ce mélange curieux de désinvolture, de flegme et d’humour si britannique.
Au-delà du personnage et des intrigues, j’ai souvent été frappé par les réalisations architecturales emblématiques qui ont pris une place importante dans chacun des longs métrages inspirés par la production littéraire de Ian Fleming, père de Bond : le Festival House Bregenz dans Quantum of solace, le musée Guggenheim de Bilbao dans The world is not enough... Ce que je ne savais pas, c’est qu’au-delà du choix de décors architecturaux marquants pour faire évoluer son agent 007, le créateur de la saga avait des avis très tranchés sur l’architecture. Attention : j’ai écrit ‘tranchés’, pas ‘éclairés’.
A la faveur de la lecture d’une excellente biographie de Ian Fleming, j’ai ainsi appris que l’auteur avait décidé de prénommer Goldfinger un affreux méchant qui allait donner du fil à retordre à Bond. Ce Goldfinger, Fleming ne l’a pas choisi au hasard. Il s’est inspiré de l’architecte hongrois Ernő Goldfinger, exilé à Londres, où ce dernier a entre autres signé la Trellick Tower et la Balfron Tower, deux édifices iconiques du paysage londonien. Bien qu’iconiques, ces deux réalisations ont valu à leur père d’être pastiché dans l’un des épisodes de la saga Bond.
En réalité, l’auteur Fleming qui raille l’architecte Goldfinger, c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité. Car bien que distrayante, l’œuvre de Fleming n’arrive pas au millième de la cheville d’un architecte comme Goldfinger. Christian Destremau, le biographe le plus clairvoyant de Ian Fleming, a d’ailleurs su déceler chez l’homme toutes les faiblesses (tabac, alcool...), complétées par la rancœur, failles qui l’ont amené à jeter sur ses contemporains (surtout sur les femmes et sur Goldfinger) un regard méprisant, si pas condescendant. Heureusement, dans le monde des arts, il y a des ‘vrais de vrais’, comme le groupe anglais pop Blur qui n’a pas hésité un instant à intégrer les œuvres de l’architecte dans les paroles de la chanson For tomorrow. Ou ces Londoniens qui paient aujourd’hui des fortunes pour avoir le privilège d’habiter dans les appartements londoniens dessinés par l’architecte. En définitive, en lieu et place de Goldfinger VS Bond, et malgré tout l’amour que j’ai pour l’agent secret, j’aurais en fin de compte pu titrer: ‘Bond VS Goldfinger : ne mélangeons pas torchons et serviettes’.