Archi-militant | "Le changement (…) c'est une opportunité d'amélioration" dixit Kristiaan Borret
Ce début de semaine, j'ai appris que la direction d'Audi Bruxelles a éconduit une délégation chinoise venue visiter le site en vue de l'acheter, au grand dam des syndicats. La direction a pour ainsi dire scellé de manière quasi définitive le sort du site. Peut-être devait-il en être ainsi?
Une bonne nouvelle que de voir le site Audi de Forest fermer? Peut-être, car après tout, pour le sujet qui nous occupe, cette usine à alimenter les embouteillages n'est pas un modèle du genre en matière architecturale. Au risque de me mettre à la fois sur le dos les amoureux de la marque aux quatre ronds, les commerces anderlechtois qui profitaient de l'usine, les équipementiers belges (peu nombreux, il faut bien le dire) qui y écoulaient leurs pièces détachées, et les ouvriers qui y ont passé des années à serrer des écrous, je dis donc tant mieux.
Je dis aussi tant mieux car, même à Forest et chez sa voisine Anderlecht, même avec une population qui reste dans son ensemble farouchement attachée aux grosses routières allemandes d'occase bien polluantes, ce site n'était rien moins qu'une balafre dans le paysage. Tant mieux parce que même électrique, une voiture est polluante. Tant mieux parce que Bruxelles vaut assurément mieux qu'une chaîne d'assemblage. Et en fin de compte aussi, tant mieux parce qu'à l'instar d'un Toyota ou d'un Stellantis, l'empire Audi récompense plus ses actionnaires que n'importe quel autre stakeholder (30% des bénéfices leur sont reversés en moyenne).
Loin de moi l'idée de faire de la ville un désert économique. La vraie question est: pourquoi une usine d'assemblage aurait-elle sa place dans une ville comme Bruxelles? Le site aurait encore la grâce de l'usine turinoise de Fiat, on aurait pu discuter, mais Audi Forest, ses hangars beige fade, ses trémies longilignes, ses hautes barrières en acier… Où est le charme de Lingotto, l'usine turinoise historique de Fiat, avec sa piste d'essai construite au sommet du bâtiment? Où est le génie de Giovanni Agnelli? Le maître architecte de Bruxelles Kristiaan Borret ne s'y trompe pas. Alors qu'on lui demande ce qu'il pense de la fermeture du site, et, avec la franchise qu'on lui connaît, il répond tout de go que c'est une bonne chose…: "Le changement, c’est (…) une opportunité d’amélioration".
Et de la place pour l'amélioration, c'est vrai qu'il va y en avoir à Forest: 57 hectares si mes chiffres sont exacts. Bien sûr, il faudra dépolluer le site. Bien sûr, tout ne se fera pas d'un coup de cuillère à pot. Et bien sûr, tout cela ne nous rendra pas le Congo, mais si le scénario d'une vente par lots à de petits acteurs économiques ou si la reconversion en résidentiel se concrétise, cela permettra enfin potentiellement d'apporter une réponse à deux problèmes patents de Bruxelles: le manque de logements et l'éjection des artisans et des micro-industries.