Archi-militant : Sanatorium de Borgoumont, s’allonger ou rebondir

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On ne m’enlèvera pas de l’idée que des pires cataclysmes naissent les concepts et les projets les plus salutaires. Il en va ainsi de l’ancien sanatorium de Borgoumont.

 

Le sanatorium de Borgoumont est bien connu des Ardennais et en particulier des Stoumontois. Construit au début du 20e siècle pour accueillir des patients atteints d'affections pulmonaires, essentiellement de tuberculose, cet établissement imposant a été conçu par l’architecte liégeois Emile Remouchamps sur commande du docteur Ernest Malvoz, directeur du Laboratoire bactériologique provincial. Pour rendre le confinement des patients un peu moins rude, le concepteur et le maître d’ouvrage ont accordé une importance particulière autant à l’environnement qu’à l’enveloppe : sur place, c’est nature et grand air jusqu’à plus soif. Avec une densité de 28 habitants par kilomètre carré, il est vrai que ce n’est pas l’espace qui manque dans cet endroit ; l’enveloppe, elle, révèle dans ses moindres détails le soin avec lequel l’architecte s’est appliqué pour faciliter la guérison des malades. Comme avec cette canalisation générale dans laquelle les expectorations des malades étaient déversées avant d’aboutir dans des cuves de désinfection. Un détail qui ne s’invente pas.

Vendu au CHR de Verviers en 2010 par la province de Liège pour l’euro symbolique, le bâtiment a arrêté ses activités de soins et a été loué à FEDASIL qui y a hébergé des demandeurs d’asile jusqu’en 2013. Depuis, le bâtiment est resté à l’abandon. En 2013, un premier projet de réaffectation en hôtel de luxe complété par 102 appartements de tourisme porté par la société de promotion Di Matteo prévoyait de rendre au bâtiment tout son aspect d’antan et même d’effacer les erreurs de gestion manifestes dont se sont rendus coupables pouvoirs locaux, intercommunaux et provinciaux (entretien inexistant, réparations bricolées au mépris du respect de l’intégrité architecturale du site). Malheureusement, ce premier projet a fait long feu. Les squatteurs et les amateurs d’urbex ont alors investi les lieux avec des conséquences au moins aussi destructrices que celles qui ont été opérées par la tutelle publique : tags, dégradations…

Bien décidée à se débarrasser de ce qu’elle considère comme un boulet, la direction du CHR a relancé le processus de vente. Et un nouveau candidat s’est manifesté : le directeur de l’hôtel Van der Valk de Verviers, dont l’hôtel présente d’ailleurs pas mal de similitudes avec le sanatorium de Borgoumont : construction tout en longueur au début du siècle passé, nombreuses baies vitrées à l’avant… Fin avril, un incendie – sans doute causé par des squatteurs – s’est déclaré dans la toiture du sanatorium, ce qui laissait présager une fin funeste pour le bâtiment. C’était sous-estimer son incroyable pouvoir de résilience : les pompiers ont été les premiers surpris en voyant que la structure de la toiture, en béton, avait parfaitement supporté ce nouvel assaut. Résultat des courses : ce bâtiment, autrefois dédié à la lutte contre une maladie infectieuse qui a marqué le siècle passé, va peut-être enfin permettre au secteur hôtelier de prendre sa revanche sur une pandémie qui a marqué le siècle suivant, celle du COVID-19. Morale de l’histoire, comme le dit le rappeur Ousmane Badara : « Quand on touche le fond, il y a deux possibilités : s'allonger ou rebondir ».

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