Autoportrait : Patrick Genard (Patrick Genard & Asociados)
À l'occasion du choix de son projet pour le pavillon belge à l'Expo 2015 à Milan, Architectura a interviewé Patrick Genard, belge de naissance et catalan d'adoption. Né à Namur en 1954, diplômé Ingénieur Civil et Architecte de l´UCL en 1978, il entre la même année dans l´atelier « Taller de Arquitectura » de Ricardo Bofill ou il exerce en tant que Directeur de Conception de projets sur plusieurs continents. En 1994, il crée son atelier d´architecture, urbanisme et architecture intérieure à Barcelone avec des ateliers associés à Bruxelles et Paris.
Parmi les projets que vous avez réalisés, quels sont ceux qui vous procurent le plus de fierté, et pourquoi ?
« J'aurais tendance à répondre tous. Mais si je devais en choisir un en particulier, je choisirais le siège de Mediapro à Barcelone avec lequel j'ai remporté de nombreux prix, dont le prix d'architecture et d'urbanisme de la ville de Barcelone en 2009. Ce prix n'est en effet décerné qu'à des projets qui font progresser la ville. » A l'époque, Patrick Genard déclarait déjà : « Ce prix, c'est le plus beau compliment que la ville de Barcelone pouvait me faire, en tant qu'architecte immigré non catalan. Je suis comblé. »
Pour quel projet en cours ou en préparation avez-vous des attentes élevées ?
« Très clairement le pavillon belge à l'Expo 2015. Nous avons abordé ce concours en y croyant vraiment mais en même temps avec une part de circonspection. J'ai quitté la Belgique depuis si longtemps que nous n'étions pas sûrs de maîtriser tous les enjeux. Et, de plus, c'est pour nous une première en Italie. »
Quel projet d’un autre architecte belge est selon vous un coup dans le mille ?
« Là, je dois avouer mon ignorance. Je suis depuis trop longtemps éloigné de la Belgique pour vous répondre. Je vais citer Yves Lepère, qui était mon professeur d'architecture à l'UCL et à qui l'on doit les halles universitaires et la gare de Louvain-la-Neuve. Mais cela ne répond pas à votre question... »
Quels architectes étrangers sont pour vous une grande source d’inspiration ?
« Je répondrais tous les architectes humanistes, ce qui en élimine déjà beaucoup. Pour en citer quelques-uns, je pense par exemple à Louis Kahn et Frank Lloyd Wright. Parmi les achitectes qui sont encore de ce monde : Renzo Piano, Glenn Murcutt, Peter Zumthor, Norman Foster, ... .»
Quels projets récents construits à l’étranger considérez-vous comme particulièrement réussis ?
« Ce n'est pas à proprement parler un projet architectural mais je tiens à le mentionner ici : le Highline de New York, un parc urbain suspendu à Manhattan, aménagé sur d'anciennes voies ferrées aériennes. Dans un autre registre, je mettrais volontiers en exergue toute l'architecture contemporaine du Vorarlberg, en Autriche. Bien avant que l'on ne parle chez nous de construction durable, ils ont commencé là-bas à construire bâtiments publics et privés, en ce compris des usines, en bois de la région, dans un moule que j'apprécie beaucoup. »
Quel jeune architecte belge vous impressionne le plus pour le moment ?
« Ici aussi, impossible de vous répondre. Je vais donc remplacer "belge" par "catalan", pour citer le nom de Jordi Badia. »
Quels aspects du métier d’architecte trouvez-vous passionnants ? Inciteriez-vous vos enfants à vous suivre dans cette voie ?
« Absolument. C'est un métier formidable. Je suis ravi de l'avoir choisi. Il y a une dimension spirituelle que j'ai découverte en mûrissant. C'est un métier qui demande des qualités venant de nos deux cerveaux, l'analytique et l'intuitif. Il s'agit de concilier les contraires, le côté artistique avec l'aspect ingénieur. C'est un métier complet, une intégration de la polarité. Quand la magie commence à agir, la matière se retire au profit de l'espace. »
Quelle rencontre fut décisive pour votre épanouissement en tant qu’architecte ?
« C'est le moment de rendre hommage à Ricardo Bofill, qui m'a fait confiance alors que je n'avais que 24 ans et qui m'a donné cette incroyable opportunité d'apprendre le métier sur le tas. J'ai fait un master de 15 ans chez lui. Cela m'a fait mûrir, jusqu'à me rendre compte de ce que je voulais vraiment faire. C'était alors le moment de partir. »
Vous reconnaissez-vous encore dans le jeune étudiant ambitieux que vous avez été ? Rêve et réalité se sont-ils rejoints ?
« Sans aucun doute. Je fais de la poésie durable. Je vous conseille de lire ce qu'a écrit Claudio Naranjo, mon maître spirituel. Cela donne un autre sens à votre vie. »
Un peu de tout
Quel autre métier auriez-vous voulu exercer ?
« Sans hésitation, jardinier ou photographe. »
Où avez-vous suivi votre formation en architecture ?
« À l'Université catholique de Louvain. »
Chez qui avez-vous été stagiaire ?
« Chez Ricardo Bofill, chez qui je suis resté 15 ans après mon stage de 6 mois. »
Quel était le titre de votre travail de fin d’études ?
« Ma mémoire me fait défaut pour vous citer le titre exact, mais cela devait être : Revendication de l'imaginaire en architecture. »
Votre livre d’architecture favori ?
« Éloge de l'ombre, par l'écrivain japonais Jun'ichirō Tanizaki. »
Votre livre favori (hors architecture) ?
« La danse de la réalité, de Jodorowsky. Ou alors le Tao de la physique, de Fritjof Capra et tous les autres titres de cet auteur. »
Votre film préféré ?
« La grande belleza, de Paolo Sorrentino, un film récent (2013) qui a été couronné par de nombreux prix dont l'oscar du meilleur film en langue étrangère. »
Votre programme tv préféré ?
« Je ne regarde jamais la télé, sauf de temps à autre un match du Barça. »
Votre musique favorite ?
« Du jazz, de la musique classique, de la black music. J'ai découvert récemment la chanteuse de jazz belge Mélanie de Biasio. »
Que faites-vous volontiers dans vos temps libres (si vous en avez) ?
« Me balader dans la nature. De ce point de vue, habitant Barcelone, je suis privilégié : la mer et la montagne sont proches. »
La ville belge que vous préférez ?
« Bruxelles, ce melting pot, pour son côté décalé, surréaliste, son art de vivre. »
La ville européenne que vous préférez ?
« Barcelone »
Dans quel pays auriez-vous voulu naître et grandir ?
« En Italie à la Renaissance, et avoir Léonard De Vinci comme professeur »
Êtes–vous sportif, actif ou passif ? Quel sport ?
« Je fais du sport comme tout le monde, pour me maintenir en forme : tennis, ski, étirements, ... »
Votre site d’architecture favori ?
« Dezeen »