Avec l’ICA, l’architecture au pouvoir ?
Porté sur les fonts baptismaux voici quelques mois, l’Institut Culturel d’Architecture Wallonie-Bruxelles – mieux connu sous son petit nom ICA-WB – a fait ce 26 novembre sa première sortie officielle. Présentation à la presse, conférences et performances artistiques étaient au menu de cette journée.
Selon l’agence de communication chargée de l’événement, l’ICA/WB est ‘le chaînon manquant de la culture architecturale en Fédération Wallonie-Bruxelles’. Il doit devenir à terme l’organisme culturel de référence en architecture en FWB et développer un réseau de référence dans le domaine. L’idée est de créer, principalement via les centres culturels, un espace de rencontre entre les citoyens et les donneurs d’ordre, chacun étant acteurs et utilisateurs du territoire. Au futur menu de l’ICA : expositions, installations, visites, conférences, ateliers, animations…
Une centaine de personnes, dont quelques architectes et une grosse poignée d’étudiants en architecture, étaient rassemblés ce mardi 26 novembre dans le pimpant centre culturel de Namur, l’ancienne halle rénovée des abattoirs de Bomel. D’architectes par contre, il y en avait peu dans les deux panels de professionnels amenés à s’exprimer sur deux questions mettant en scène culture et architecture : « A-t-on toujours peur de l’architecture contemporaine en FWB ? » et « Comment mettre en œuvre une architecture de qualité et nourrir la culture architecturale sur le territoire Wallonie-Bruxelles ? »
La peur de l’architecture contemporaine
La première table ronde se basait sur un manifeste datant de 2004, « Qui a peur de l’architecture ? Livre blanc de l’architecture contemporaine en communauté française de Belgique ». Un ouvrage dont, assez bizarrement, peu de personnes ont entendu parler. C’est le cas notamment de l’une des membres du panel, Roxane Le Grelle, qui a pourtant démarré ses études d’architecte à La Cambre quatre ans après la parution du Livre blanc et aurait donc dû ou pu travailler sur les recommandations de ce manifeste dans le cadre de plusieurs cours ou travaux.
Combien de recommandations de ce Livre Blanc ont-elles été suivies d’effet ? On en parle peu lors de la table ronde, si ce n’est pour évoquer la formation des étudiants et la recherche. Seul un constat est fait et il n’est pas brillant : en 2004, le Livre Blanc ne parlait ni de durabilité ni de souci environnemental, et n’évoquait pas non plus le monde de la construction, pourtant intrinsèquement lié à celui de l’architecture.
Une architecture de qualité
La première table ronde nous ramenait 15 ans en arrière, la seconde jette un œil dans un passé récent, celui de la Déclaration de Davos (2018). Celle-ci, qui concerne ‘une culture du bâti de qualité pour l’Europe’ mettait l’accent sur la ‘nécessaire coopération intersectorielle à différents niveaux entre les responsables politiques, les autorités compétentes et les professionnels’ mais aussi sur ‘la participation de la société civile’, avec ‘un public pleinement informé, qualifié et sensibilisé.’ L’ICA a d’ailleurs, aux dires de ses promoteurs, été mis en place pour répondre aux recommandations de Davos.
A travers différents projets concrets, la plupart des intervenants de la deuxième table ronde ont tenté d’approcher la notion de qualité en architecture. Sans arriver à ou sans vouloir la définir… Un sujet trop sensible ou trop complexe en Wallonie ? Notons à ce sujet que la Région bruxelloise a créé une ‘Chambre de qualité’ censée estimer la qualité architecturale des projets rendus et que la Flandre devrait suivre d’ici peu…
La culture du projet, la sensibilisation des politiques, la participation citoyenne et le travail en coopération sont des éléments essentiels pour garantir une architecture de qualité, estime Chantal Dassonville, Directrice de la Cellule Architecture de la FWB. Pour Aline Verbist, Responsable du bureau d’étude des infrastructures du TEC, promouvoir la qualité architecturale doit se faire « en incluant à des projets techniques des volets urbanistiques et paysagers », en jouant sur « la simplicité des espaces, dans lesquels les vides sont aussi importants que les pleins. » Quant à Joël Polus, Directeur prospection et développement chez Thomas & Piron Bâtiment, il reconnaît qu’« il y a un intérêt commercial évident à avoir des projets architecturaux de qualité. »
Le rôle réel de l’ICA
Le rôle de l’ICA, même s’il paraît bien défini sur papier, reste encore flou dans la pratique. Il faudra, comme l’a dit Roxane Le Grelle, « définir précisément ce qu’est la culture architecturale, en distinguant les différentes disciplines qui y participent, en créant du contenu et en médiatisant celui-ci, et en permettant à l’ICA d’être une plateforme de débats et de discussions. »
Le risque est également, comme l’a souligné Pablo Lhoas, Doyen de la Faculté d’Architecture de l’ULB, « que, tel le créateur de Frankenstein, nous ayons engendré un monstre, une structure qui aura du mal à trouver sa place parmi les autres acteurs du secteur, comme par exemple urban.brussels. » Pour que l’ICA-WB et urban puissent travailler à Bruxelles, « une nécessaire collaboration s’impose. »
L’ICA-WB est donc sur les rails. Il est à espérer que le grand public (un nouveau public ?) s’intéressera aux différents projets culturels mis en œuvre. Mais il n’est pas certain que les architectes trouveront le temps de s’y intéresser ou y trouveront même de l’intérêt tout court...