Beaucoup d'intérêt pour le film The competition et sa table ronde à Luxembourg
Ce lundi 7 décembre 2015 à Luxembourg, Architectura organisait avec l’OAI (Ordre des Architectes et Ingénieurs-Conseils) la projection du film The Competition, suivie d’une table ronde sur le thème des concours. Près de 150 architectes et ingénieurs, essentiellement grand-ducaux, s’étaient inscrits pour ne rien rater de cette soirée, rendue possible grâce au soutien des partenaires suivants : Eternit, Reynaers Aluminium, Rockwool, Desso, Modular Lighting Instruments et Lalux assurances.
Après Namur, Anvers, Liège, Louvain et en même temps qu’Hasselt, c’était au tour de Luxembourg de découvrir ce documentaire, œuvre de l’architecte et réalisateur espagnol Angel Borrego Cubero, qui montre comment Jean Nouvel, Frank Gehry, Zaha Hadid, Dominique Perrault et Norman Foster concourent pour la réalisation du Musée national d’Andorre.
Un documentaire aux traits caricaturaux
Des interventions pendant la table ronde et des discussions lors du verre de l’amitié qui a suivi, nous retenons que de nombreux architectes et ingénieurs ont été choqués par le caractère caricatural de ce que le documentaire donne à montrer, notamment sur le fonctionnement du jury. Plusieurs participants ont qualifié le film de « farce », se demandant comment ces hauts responsables de la Principauté d’Andorre et ces architectes de renom avaient accepté « de jouer dans ce jeu ». Jean-Luc Wagner (WW+ architektur + management) : « J’espère que ce film n’est jamais montré au grand public car il est ridicule et donc dangereux pour l’image de la profession et des concours d’architecture ».
Et, en effet, le but poursuivi par ce film, que nous présentons toujours à un public initié en l’accompagnant chaque fois d’une table ronde, est de susciter le débat sur la façon dont sont organisés les concours d’architecture, dans leurs différents aspects. Objectif atteint à Luxembourg, grâce à la composition intelligente du panel, rassemblant des architectes ayant une riche expérience en la matière, et ce dans différents pays : Grand-Duché bien entendu, mais également Belgique, France, Allemagne et même Suisse.
Table ronde
Le panel était constitué pour l’occasion de Nadine Gutenstein (architecte, architecture + aménagement, Luxembourg), Rena Wandel-Hoefer (architecte, responsable construction à la Ville de Saarbrücken, Allemagne), Pierre Hebbelinck (architecte, atelier d’architecture Pierre Hebbelinck et Pierre de Wit, Liège), Thomas Weckerle (architecte, Bruck +Weckerle Architekten, Luxembourg) et Jean-Luc Wagner (WW+ architektur + management », Esch-sur-Alzette).
De l’importance du jury
L’un des points chauds de la soirée fut la composition idéale du jury. Le film montre un jury composé uniquement de responsables politiques et représentants de l’administration, sans aucune expérience architecturale. Si certains préconisent une composition équitablement répartie entre hommes de métier, responsables politiques et administration (un tiers de chaque catégorie), d’autres estiment que la part des architectes dans le jury devrait s’élever à 50%. Rena Wandel-Hoefer complexifie encore les choses en ajoutant une catégorie supplémentaire à celles des « hommes de métier » (les architectes) et « hommes de dossier » (administration) : les citoyens ! Elle relate un projet important mené au niveau de sa ville, pour lequel 200 citoyens ont été choisis (au sort), avec pour mission de définir les critères d’attribution sur base de tâches très précisément définies. Et cela marche ! Après une première sélection par les hommes de métier uniquement, la représentation citoyenne en est venue à recommander l’une des 6 équipes en lice, rejoignant en de nombreux points l’avis des hommes de métier. Les responsables politiques n’avaient plus qu’à suivre leurs concitoyens !
Des concours accessibles à tous ?
Autre point de discussion : comment faire en sorte que des bureaux peu expérimentés puissent aussi avoir leur chance de participer aux concours ? Alors que le film présente un concours visiblement organisé sur invitation avec pour but de faire parler de la Principauté en réunissant une belle palette de « stararchitectes », on a largement évoqué la méthodologie des concours et son influence sur l’accessibilité pour les plus petits bureaux. Nadine Gutenstein constate qu’au Grand-Duché, les critères de sélection sont devenus tellement contraignants que les bureaux locaux se sentent de plus en plus exclus. Les concours ouverts sur le modèle européen génèrent souvent des dizaines voire des centaines de candidatures, qu’il est ensuite impossible de traiter valablement (exemple d'actualité : le musée du Bauhaus à Dessau a reçu plus de 800 candidatures au concours pour la construction d’un nouveau bâtiment). Un compromis possible, pour Rena Wandel-Hoefer, serait de procéder à une première phase ouverte à tous, avec un seuil d’accès volontairement très bas, d’effectuer une première sélection sur base de critères clairs, puis de tirer au sort quelques projets qui poursuivront dans la seconde phase et seront rétribués sur la base d’honoraires.
Le Grand-Duché, exemple à suivre ?
De l’expérience accumulée par les participants à la table ronde, il ressort que l’Allemagne et la Suisse ont une organisation très professionnelle en matière de concours, alors que Belgique (francophone, du moins) et France connaissent souvent des ratés, la politisation étant encore trop présente. Le Grand-Duché se trouve au milieu de toutes ces influences mais semble s’inspirer davantage des pratiques venues d’Allemagne. L’organisation des concours y est strictement règlementée depuis 2011 et l’OAI veille au grain. L’Ordre a d'ailleurs dans ses cartons un manuel pratique sur les concours d’architecture, en précisant tous les aspects. Il sera rendu public au printemps 2016, accompagné d’une offre de formations et de la mise à disposition de règlements-types pour les différents cas de figure.
A suivre, assurément.