Echos de la conférence de Rudy Ricciotti à Architect@Work Liège
L'événement Architect@Work accueillait Rudy Ricciotti le 28 mai. Lors d'une conférence très logiquement intitulée "Sans titre", l'architecte et ingénieur français captiva l'assemblée en faisant passer un message de solidarité entre architectes, de respect des entrepreneurs, ingénieurs et chefs de chantier, et ce au fil des projets qu'il projetait à l'écran en les commentant. Difficile de faire un compte rendu structuré, nous vous proposons donc quelques extraits choisis pour vous faire (re)vivre l'ambiance. Sans l'accent malheureusement.
Sur le métier d'architecte
« Il y a une posture absolument criticable aujourd'hui dans ce métier, c'est celle de baver au bistrot, au comptoir, à la maison, à table. Mais au contact de l'adversité, il n'y a plus personne... »
« Un des secrets de ce métier, c'est faire briller les autres : les ingénieurs, l'entrepreneur, ... Il faut savoir mettre de l'eau dans le vin, savoir écouter, savoir travailler avec les autres. »
« Il y a des mots magiques pour arriver à cela. Le premier : s'il vous plaît. Le deuxième : merci. Il faut bien admettre que nous, architectes, nous ne savons pas tout faire. Je suis capable de tout pour obtenir un truc que je ne sais pas faire. »
« Je le dis pour les jeunes confrères qui sont un peu fragiles de santé : soyez urbaniste, c'est moins secouant que d'être architecte. »
« Je vous encourage à être des architectes réactionnaires, maniéristes, provinciaux, sans ambition, dociles aux informations cachées que le site vous envoie. C'est très important de ne pas avoir d'imagination, de ne pas avoir d'ambition et d'accepter d'être soumis à une émotion. Pour accepter cela, il faut refuser de dire "Je suis aujourd'hui à Rotterdam, demain à New York, après demain à London, puis à Shanghai, Pékin... Je vous encourage à vous comporter comme des architectes provinciaux, qui ont l'instinct de survie. Et dire non à la barbarie de la fragmentation, de la déconstruction, de la vocifération architecturale consécutivement au consumérisme le plus vulgaire. Vous comprenez cela ? Je ne peux pas être seul à comprendre cela, ce n'est pas possible... »
Sur sa vision de l'architecture
« A l'époque, je fréquentais les milieux de l'art contemporain. Aujourd'hui, je m'en protège (...). Je pense qu'une des conditions de la ressource aujourd'hui, c'est de s'éviter d'être contaminé par les lieux de gentrification culturelle. »
« Je ne dessine jamais à la main. On fait des modèles numériques. C'est toujours fait à l'ordinateur. Ce n'est pas l'ordinateur qui donne la réponse, quand même. Je ne fais jamais de maquette. »
(A propos de ce projet datant de 2002) « Je voulais un peu régler le compte à la question minimaliste, montrer l'intransigeance du minimum par rapport à la miévrerie du minimal. »
« Mon processus de création, c'est un renoncement. Un renoncement au voyage global. C'est l'idée de trouver des référénces à proximité. Se comporter comme un cuisinier qui ramasse un peu d'herbes, un peu d'ail sauvage. Sutout éviter d'être colonisé par les mythologies internationales... »
« Dans les propositions que je fais, il y a souvent une attitude d'abandon de la logique d'échelle.(...) Je pense que l'on peut survivre sans échelle. »
« Je tiens immédiatement à dire la très grande opinion que j'ai du mot maniériste. Je partage le regard de Barbey d'Aurevilly sur la vulgarité de notre époque. Pour reprendre la phrase de Jean-Paul Curnier, philosophe, nous sommes dans la prospérité du désastre. On ne peut pas continuer sur l'exil de la beauté, de l'amour, de la tendresse, de l'intelligence. Cette idée d'esthétiser, c'est la moindre de nos contributions politiques. Refusons ensemble l'exil de la beauté ! »
« J'ai découvert que le langage des structures pouvait être porteur d'un récit, d'une narration. »
« Je suis assez fasciné par cette idée d'avoir un maximum de résultats et d'intelligence avec un mininum de moyens. C'est mieux qu'un minimum de résultat avec un grand maximum de moyens. »
« L'identité en architecture, ce n'est pas un complot d'extrême droite, cela existe. Le plaisir identitaire, cela existe. En tous cas, moi je le sais depuis longtemps. C'est pour cela que j'arrive à ne pas devenir fou. »
« Cela sert à quoi de poursuivre la vague de la modernité ? »
Au sujet du béton
« C'est une bonne mère, le béton. Sauf que cela oblige les hommes à réfléchir davantage. 12 ingénieurs pour calculer tout cela et 6 ouvriers pour le placer. Attention, il faut prendre des gants avec le béton. Il accepte tous les coups mais il faut lui parler bien. »
« On est envahi par des bétons spécifiques aujourd'hui, pour x raisons, sociales, confort d'usage, qualité d'image, etc... mais je reste convaincu que le plus beau béton, c'est du béton traditionnel. Un béton dans lequel on met un vibreur. Et on arrive à avoir une texture incroyable. »
« Par rapport à d'autres matériaux comme l'acier, dans tous les cas de figure, le béton a une meilleure empreinte environnementale. Que l'on cesse de dire des conneries sur le béton ! Le béton est une ressource territorialisée, partagée, non spéculative. Quand on coule du béton à Liège, il ne vient pas de Marseille. »
Pour conclure
« On est dans une espèce de pétocratie de l'architecture en ce moment. Vous n'allez pas me faire ch... parce que je ne fais pas ma conférence en anglais ? Je ne recherche pas la sympathie mais ce que j'ai à vous dire, c'est que je refuse d'être colonisé, c'est tout. »
« Qu'est-ce que je raconte ? Heureusement que je me sens en liberté à Liège.(...) Je vous remercie de m'inviter à Liège. Si un jour, je fais trop en France, je viendrais me réfugier ici mais je vous promets de ne pas travailler pour ne pas piquer le boulot à mes collègues. »