Hiéroglyphes et finition acidée pour la Maison d’Égypte à Paris
La Cité Internationale Universitaire de Paris est un campus unique au monde. Elle accueille chaque année 12.000 étudiants, chercheurs et artistes de 150 nationalités dans ses 45 maisons. Elle ne propose pas d’enseignement mais un modèle original de vie collective. La Cité Internationale n’avait pas connu d’accroissement de sa capacité d’accueil depuis la construction de la Maison de l’Iran en 1969. La République Arabe d’Égypte est le troisième pays à s’engager dans le projet de développement Cité 2025 après la République de Corée et la République populaire de Chine.
Livrée en juillet 2023 par SICRA IDF (VINCI Construction sa), la Maison d’Égypte, conçue par les agences Sam Architecture sa et Dar Arafa Architecture, comprend 185 chambres avec sanitaires, 7 studios et 3 appartements. L’ensemble est complété par 8 cuisines (une par étage), un foyer pour les étudiants, deux salles d’études, une salle de sport, deux studios de musique et une salle polyvalente de 200 places. Cette dernière servira notamment au centre culturel égyptien pour organiser des événements. Le bâtiment en forme d’arc a en effet été financé par l’État égyptien, avec l’ambassade d’Égypte en France comme maître d’ouvrage. La Maison d’Égypte se veut un symbole de l’échange culturel et éducatif entre l’Égypte et la France, tout en offrant un cadre de vie adapté aux étudiants internationaux.
Christophe Gobert, Responsable de Travaux chez SICRA IDF: « DECOMO nv a fourni l’ensemble des éléments préfabriqués en béton pour ce chantier, que l’on va retrouver sur les façades nord, sud et ouest, la façade étant réalisée et fermée par un mur-rideau donnant sur l’atrium. Cette entreprise belge a prouvé par le passé, sur différents chantiers, qu’elle était capable de répondre aux souhaits de la maîtrise d’œuvre, notamment en termes de finition. Dans ce cas, il s’agissait d’une finition acidée et non sablée, que très peu de producteurs proposent. Avant même la signature du marché, DECOMO a réalisé plusieurs échantillons pour valider la finition et la couleur des panneaux, et c’est sur cette base que nous avons pu satisfaire les demandes de l’architecte. Deux semaines à peu près après la signature du marché a eu lieu une réunion de présentation des échantillons à la maîtrise d’œuvre, aux architectes des Bâtiments de France, et à la Cité Internationale Universitaire, de manière à choisir la finition que nous allions présenter pour le prototype et celle à appliquer à l’ensemble du bâtiment. »
Finition acidée et hiéroglyphes
La façade en béton couleur sable s’inscrit dans l’esprit minéral et monolithique des constructions égyptiennes. Fait remarquable, elle est gravée sur ses pignons nord et sud d’anciens textes égyptiens, traitant de la quête du savoir.
Les façades sont ainsi composées de deux types d’éléments produits en usine et livrés sur chantier par DECOMO : d’une part, sur les façades aveugles, de grands éléments rectangulaires porteurs, affichant des cartouches d’hiéroglyphes, et d’autre part, des éléments rapportés encadrant les fenêtres en façade ouest. Christophe Gobert : « Pour le bon déroulement du chantier, la priorité était de valider, sur base d’un prototype à l’échelle 1/1, et puis de lancer en fabrication tous les éléments porteurs pour nous permettre d’avancer suivant la rotation envisagée. »
Patrick Smessaert, Ingénieur de projet chez DECOMO, explique comment les hiéroglyphes ont été réalisés : « A partir de modèles que nous avons reçus directement d’Égypte, nous avons créé des négatifs que nous avons placés dans les gabarits afin de reproduire fidèlement les hiéroglyphes sur les panneaux. Ces derniers ont été fabriqués sur une dizaine de mois, au rythme imposé par le chantier. »
Christophe Gobert relève quant à lui le caractère exceptionnel de ces impressionnants éléments préfabriqués : « Ces éléments porteurs pèsent 10 tonnes chacun, voire 15 tonnes pour les éléments supérieurs intégrant l’acrotère, ce qui a nécessité des moyens de levage adaptés, comme une grue dimensionnée pour les travaux de génie civil, capable de lever 8 tonnes à 50 mètres en bout de flèche, ce qui est très peu courant en construction résidentielle. Certains éléments ont dû être divisés en trois parties lors de leur production pour faciliter la pose, en raison de leur poids et des contraintes de levage. »
Corbeaux en béton
Outre ces éléments porteurs qui participent grandement à l’attrait visuel du bâtiment, DECOMO a produit et livré les éléments rapportés encadrant les fenêtres des chambres d’étudiant sur la façade ouest. Ces éléments viennent s’appuyer sur des corbeaux en béton destinés à reprendre les efforts verticaux. Leur pose débute sur un élément porteur pour progresser au fur et à mesure à l’horizontale en appuyant un élément sur l’autre.
Patrick Smessaert explique plus en détail : « Nous avons d’abord étudié les systèmes d’ancrage traditionnels, avant de nous rendre compte que le béton était véritablement le matériau constitutif du bâtiment et qu’il fallait donc l’utiliser pleinement, également pour le système de support des éléments non porteurs. C’est donc notre béton qui pose directement sur les corbeaux et qui fait le travail. Autrement dit, c’est le béton qui reprend le poids propre des éléments préfabriqués tandis que les ancrages reprennent les efforts du refend, c’est-à-dire les efforts horizontaux. Doublement inclinés, les éléments non porteurs sont également creux, pour limiter leur poids, ce qui a encore ajouté de la complexité en production. »
Contraintes de temps et d’espace
Christophe Gobert se souvient : « Nous étions quand même sur une opération assez atypique. Nous avons reçu l’ordre de service en juillet, et nous devions déjà poser les premiers éléments préfabriqués en décembre, et ce en intercalant le processus de validation sur base du prototype. Comme tout chantier parisien avec des éléments préfabriqués, nous avons été confrontés à des contraintes logistiques, liées à la localisation du chantier, situé à seulement 4 m du Périphérique et n’offrant qu’un espace limité autour du bâtiment. La présence d’un arbre centenaire au cœur du site, patrimoine naturel remarquable à préserver, n’a pas facilité les opérations. Enfin, nous avons dû faire face à des contraintes liées à la production des éléments en béton, définis par un processus d’usine, qui ne sont pas forcément en phase avec les contraintes et dates définies par le chantier. »
De l’intérêt de la concertation
En effet, la logique de production, basée sur l’utilisation des différents moules, ne suit pas forcément celle qu’impose le déroulement du chantier. Quand DECOMO souhaitait produire à partir d’un même moule les 8 éléments rapportés que l’on va retrouver sur le bâtiment les uns au-dessus des autres, la logique de chantier imposait de travailler dans l’horizontalité, en plaçant les éléments les uns à côté des autres sur un même niveau. En se concertant soit à l’usine, soit sur chantier, fabricant et entrepreneur ont compris leurs motivations respectives, pour aboutir finalement à un planning de production et de livraison qui tienne compte des impératifs de chacun.
Sur ce projet comme sur tant d’autres, une excellente collaboration entre les différents acteurs, y compris les architectes, les ingénieurs et les fournisseurs, s’est révélée essentielle pour le succès de l’opération. Lieu de vie pour une jeunesse engagée dans la construction d’un monde nouveau, la maison d’Égypte, au même titre que les autres Maisons de la CIUP, est aussi un espace de débat où se conçoivent des solutions aux enjeux de notre époque. DECOMO peut être fière d’avoir apporté sa pierre à l’édifice. (PS)