Info technique : Comparaison de systèmes de climatisation durables
Il est possible de réduire fortement les besoins de climatisation d’un bâtiment par une conception appropriée et l’application de stratégies de refroidissement passives. Malgré tout, il est souvent nécessaire de recourir à un système de climatisation pour garantir le confort thermique durant nos étés de plus en plus chauds. Les systèmes existants présentent toutefois d’importantes disparités en matière de puissance de froid, de confort thermique, de consommation énergétique, de coût et d’impact environnemental. Il est donc essentiel d’en connaître les possibilités et les limites. Un article de Jeroen Van der Veken, ir., chef de projet au laboratoire ‘Chauffage et ventilation’ du CSTC, paru dans le magazine Contact n°76.
Qu’est-ce qu’un ‘système de climatisation durable’ ?
Le concept de durabilité étant très vaste, divers systèmes de climatisation ont été comparés dans le cadre du projet CORNET intitulé SCoolS. L’accent a été mis sur les systèmes atteignant un haut degré d’efficacité sur le plan énergétique et comportant le moins possible de fluide caloporteur. En l’absence de compresseur ou de fluide caloporteur, on parle également de free cooling.
Il existe différents types de free cooling. Dans les immeubles de bureaux, par exemple, il s’agit souvent d’un système constitué d’échangeurs de chaleur placés sur le toit. Dans les immeubles résidentiels, on a plutôt recours au free geocooling (ou géocooling gratuit), dont le principe requiert l’utilisation d’une pompe à chaleur géothermique, d’un échangeur de chaleur additionnel et d’un système de régulation adapté. Ces dispositifs supplémentaires permettent de ne pas faire fonctionner la pompe à chaleur durant l’été et de transférer le froid stocké dans la source géothermique en hiver vers le système d’émission, et ce via l’échangeur de chaleur et sans composant de refroidissement actif. Dans ce cas, l’installation doit quand même remplir certaines conditions :
- la source géothermique doit être correctement dimensionnée. Un système fermé, en particulier, doit être suffisamment refroidi par la pompe à chaleur en hiver pour assurer un rafraîchissement satisfaisant durant l’été. En effet, la température du sol doit être encore assez basse à la fin de l’été (généralement 16 °C pour le free cooling)
- le système d’émission doit disposer d’une puissance de froid suffisante en cas de températures d’émission plus élevées (généralement 16-18 °C), puisque la source géothermique et l’échangeur de chaleur ne peuvent pas fournir des températures plus basses lors des pics de demande. Selon un principe identique à celui du chauffage, qui veut que le système émette de la chaleur à basse température pour fonctionner de manière optimale, il importe, pour la climatisation, que le système émette la température la plus élevée possible, ce qui réduit en outre le risque de condensation de l’air intérieur humide sur la surface de refroidissement. En revanche, il est impossible de déshumidifier l’air.
La comparaison des systèmes de climatisation reposait sur l’hypothèse d’un dimensionnement correct de la source, mais elle faisait intervenir différents systèmes d’émission, à savoir :
- un convecteur ou un radiateur ‘hybride’ ou ‘dynamisé’ également capable de refroidir (voir figure 1 à la page précédente). Néanmoins, étant donné les faibles écarts de température, la puissance d’émission est limitée. Cela signifie, par exemple, qu’un convecteur hybride qui émet en hiver 40 W/m² de chaleur à une température de départ de 40 °C peut émettre en été environ 15 W/m² à une température de 16 °C. Comme ces systèmes ne sont pas conçus pour collecter et évacuer l’eau de condensation, un système de régulation supplémentaire est à prévoir, afin de maintenir la température de l’échangeur de chaleur au-dessus du point de rosée de l’air intérieur. Cette régulation est cependant susceptible de réduire encore davantage la puissance d’émission
- deux systèmes de refroidissement par le sol : un système classique, dit humide, constitué de tuyaux intégrés dans la chape et un système sec, dont la puissance de froid maximale varie entre 30 et 40 W/m² à une température de départ de 16 °C. Pour éviter la condensation sur le sol, il faut de nouveau également prévoir un système de régulation permettant d’augmenter la température de départ lorsque l’humidité relative à la surface risque d’être trop élevée
- une batterie froide placée dans l’alimentation d’un système de ventilation double flux. Celle-ci peut être connectée à une source durable à une température plus élevée, telle qu’une boucle géothermique à 16 °C. Cela entraîne toutefois une limitation de la puissance de froid (généralement 0,6 kW pour un débit de 300 m³/h).
La climatisation par évaporation a, elle aussi, été prise en compte lors de la comparaison. Ce processus consiste à extraire la chaleur de l’air ambiant lorsque l’eau s’évapore. Bien que ce principe puisse être appliqué directement en humidifiant l’environnement intérieur, il provoque une augmentation 2 | Principe de la climatisation indirecte par évaporation. de l’humidité relative et peut causer des problèmes d’ordre microbiologique. Par conséquent, seuls les systèmes indirects ont été considérés dans cette étude (voir figure 2). Selon ce principe, l’air extrait traverse le climatiseur, où sa température diminue (de 26 °C à 18 °C, par exemple). Dans l’échangeur de chaleur du système de ventilation, il peut ensuite absorber la chaleur de l’air en provenance de l’extérieur, dont la température diminuera alors à son tour (de 25 °C à 20 °C, par exemple). Bien que ce système reste économe en énergie, sa puissance de froid est faible. Lors d’une journée chaude, sa consommation énergétique sera habituellement inférieure à 0,5 kW pour un débit de ventilation de 300 m³/h.
Enfin, deux autres systèmes de climatisation classiques ont été pris en compte dans la comparaison :
- une batterie froide installée dans un système de ventilation double flux et reliée à un système de climatisation équipé d’un compresseur fonctionnant à basse température. Celui-ci est presque capable de doubler la puissance d’émission par rapport à une batterie froide fonctionnant à haute température. Par contre, cela se produit au détriment de l’efficacité de la production
- un système de climatisation par convection, qui, en principe, peut être dimensionné pour tous les besoins, mais dont la puissance de froid a été plafonnée à 50 W/m² pour cette étude. Il peut s’agir d’une pompe à chaleur air-air réversible reliée à des unités intérieures, mais également de ventiloconvecteurs couplés à une pompe à chaleur air-eau.
Quelles sont les performances de ces systèmes de climatisation en matière de confort et d’énergie ?
Des simulations énergétiques dynamiques ont été réalisées sur 9.200 combinaisons en faisant intervenir :
- cinq types de logements
- deux tailles de fenêtres
- deux niveaux d’inertie
- deux niveaux d’isolation
- quatre orientations
- trois protections solaires différentes
- trois niveaux différents de rafraîchissement par ventilation
- huit systèmes de climatisation différents.
Bien que ces simulations aient été conçues à l’origine pour développer un outil (voir Les Dossiers du CSTC 2021/3.3) et comparer le confort thermique et la consommation énergétique d’un cas spécifique, elles fournissent une idée générale des performances de différents systèmes de climatisation.
La premier graphique indique le niveau de confort thermique pour toutes les combinaisons étudiées. Les niveaux de confort ont été déterminés sur la base de la température maximale admissible dans l’habitation, à savoir 28 °C le jour et 26 °C la nuit. Si la température intérieure simulée dépasse ces températures maximales durant moins de 33 h tout au long de l’été, on peut qualifier le confort d’été d’agréable. Si elle les dépasse sur une durée comprise entre 33 h et 100 h, on dira qu’il est moyen et, jusqu’à 250 h, qu’il est faible. En revanche, au-delà de 250 h, le confort est tout simplement inexistant.
Le graphique montre que, selon la simulation, 60 % des habitations sans système de climatisation ne bénéficient que d’un confort d’été limité et que seule une maison sur huit bénéficie d’un bon confort. Bien que le confort s’améliore avec l’installation d’un système de climatisation indirect par évaporation ou d’une batterie froide placée dans un système de ventilation double flux, trois quarts des combinaisons testées obtiennent de bons résultats après l’installation d’un système disposant d’une puissance de froid plus élevée, tel qu’un convecteur hybride ayant une puissance de froid spécifique de 15 W/m² à des températures de refroidissement plus élevées, un système de refroidissement par le sol (30-40 W/m²) et le système classique de climatisation par convection à basse température de 50 W/m².
Augmenter la puissance de froid entraîne, par ailleurs, une hausse (limitée) de la consommation énergétique. Les systèmes fonctionnant à haute température (convection à haute température ou refroidissement par le sol), en particulier, n’engendrent qu’une faible consommation électrique grâce à la haute efficacité du free cooling. La consommation moyenne des systèmes de climatisation classiques (convection à basse température) est, elle aussi, légèrement inférieure à 1.000 kWh/an.
Nous tenons cependant à souligner que les simulations supposent une régulation idéale, une température de consigne relativement élevée et un comportement logique de l’utilisateur. La consommation d’énergie peut donc être plus élevée dans la réalité.
Le second graphique montre que l’utilisation de protections solaires et la ventilation (de nuit) améliorent le confort thermique de manière spectaculaire. Si l’on tient compte uniquement des combinaisons basées sur ces stratégies de refroidissement passives, on constate que près de la moitié des habitations affichent un confort d’été agréable, et ce même sans système de climatisation.
On observe aussi que la climatisation par évaporation et l’intégration de batteries froides dans le système de ventilation offrent de bien meilleurs résultats. Dans ces cas-là, ce sont principalement les systèmes équipés de corps d’émission distincts (convection ou refroidissement par le sol) qui offrent un confort appréciable. Enfin, la consommation énergétique diminue considérablement, d’environ un tiers en moyenne, par rapport à l’ensemble des habitations (voir le premier graphique).
Systèmes de climatisation durables et mesures passives
Les résultats des simulations révèlent qu’il est effectivement possible de concilier un bon confort d’été et une faible consommation d’énergie. De plus, la combinaison du free cooling et des systèmes d’émission fonctionnant à haute température permet d’éviter l’utilisation de fluides caloporteurs, lesquels sont potentiellement dangereux.
Les systèmes durables ayant souvent une puissance d’émission plus faible, il n’est pas toujours facile de sélectionner le système adéquat et de le dimensionner. En effet, la puissance d’émission nécessaire dépend du volume des locaux et de leur utilisation, des gains solaires et de la compacité du bâtiment. De plus, il est impossible de déshumidifier l’air intérieur si l’humidité relative devient trop élevée.
L’utilisation de protections solaires efficaces et la ventilation de nuit (ouverture des fenêtres ou grilles de ventilation) réduisent les besoins de climatisation et rendent également plus homogène la puissance requise, ce qui facilite le choix du système de climatisation.
Bien que la combinaison du système de ventilation et de ces mesures passives puisse assurer une climatisation suffisante, un confort d’été agréable est surtout procuré par les convecteurs hybrides et le refroidissement par le sol. Ces systèmes d’émission fonctionnent en outre à des températures de régime élevées, ce qui ouvre de nouvelles possibilités pour les sources de climatisation durables (géothermie, réseau de refroidissement et pompe à chaleur réversible fonctionnant de manière optimale).
Source : CSTC Contact 2021/4 (n°76), pp. 18-21.