Info technique : La sécurité incendie, un frein au développement des façades végétalisées ?
Le risque de propagation de l’incendie doit être considéré pour tout type de façade. Bien qu’il ne soit pas facile d’évaluer le comportement au feu des façades végétalisées, celles-ci n’échappent pas à la règle. Un entretien régulier, le choix judicieux des composants et l’application des dispositions constructives supplémentaires abordées dans cet article contribuent à réduire le risque de propagation du feu. Un article d'Yves Martin, ir., coordinateur des Comités techniques et coordinateur ‘Stratégie et innovation’ au CSTC, paru dans le magazine Contact n°75.
En principe, qu’elles soient enracinées dans le sol ou ancrées dans le mur, les façades végétalisées doivent satisfaire aux exigences relatives à la combustibilité des revêtements de façade des bâtiments. Celles-ci sont exprimées par la classe de réaction au feu (voir tableau A des Dossiers du CSTC 2020/3.4) que l’on détermine par un essai normalisé réalisé en laboratoire (voir l’article ‘Evaluation de la réaction au feu’ de l’Antenne Normes Prévention du feu).
Cette méthode d’essai n’est cependant pas tout à fait adaptée aux ‘systèmes vivants’ que sont les façades végétalisées. Par ailleurs, une lame d’air continue est généralement présente derrière ce type de façade. Elle pourrait provoquer un ‘effet cheminée’ et augmenter ainsi le risque de propagation verticale de l’incendie.
Le marché des façades végétalisées évolue rapidement et les demandes se multiplient. Néanmoins, en raison de ce manque d’exigences adaptées (tant en Belgique qu’à l’étranger), des difficultés rencontrées pour réaliser des essais et du peu d’informations techniques concernant le comportement au feu de ces systèmes, les concepteurs et les installateurs sont confrontés à de nombreux problèmes dans la pratique. Ce type de façade peut ainsi se voir refusé par les services d’incendie, notamment faute d’une classe de réaction au feu validée par un essai en laboratoire ou de connaissances quant au risque encouru. Il y a de quoi décourager les auteurs de projets, qui se tourneront alors vers des systèmes plus classiques et répondant plus facilement aux exigences de la réglementation en vigueur.
Inspirées de l’expérience actuelle et, entre autres, des prescriptions développées en ce moment en Autriche à partir de campagnes d’essais récentes, les recommandations présentées ci-après permettent de réduire le risque de propagation de l’incendie via la façade végétalisée.
Bâtiments bas (h < 10 m) et moyens (10 m ≤ h < 25 m)
Il est tout d’abord primordial de maintenir la façade végétalisée dans un état fonctionnel et vital. Un entretien régulier (minimum deux fois par an) et le suivi du bon fonctionnement du système d’irrigation (si présent) sont nécessaires pour préserver la végétation.
Certes, les plantes mortes doivent être éliminées, mais il en est de même pour les plantes desséchées lorsqu’elles sont trop hautes et trop denses. Il est donc souhaitable de souscrire un contrat d’entretien. Le soin et la sélection des plantes requièrent une attention particulière. On optera de préférence pour des espèces à feuilles persistantes ou semi-persistantes.
En ce qui concerne les matériaux, il est recommandé :
- soit de choisir un système de façade végétalisée répondant aux classes de réaction au feu imposées pour les revêtements de façade (via un essai en laboratoire), à savoir : B-s3, d1 pour les bâtiments moyens et D-s3, d1 ou C-s3, d1 pour les bâtiments bas en fonction du type d’utilisateurs
- soit d’utiliser des supports (treillage et structure portante) incombustibles tels que l’aluminium ou l’acier et, pour les murs végétaux, de privilégier des substrats incombustibles ou à faible teneur en matière organique. Si ce n’est pas le cas, il est conseillé d’opter pour des systèmes avec substrat humide en permanence (via un système d’irrigation).
Pour les bâtiments moyens, outre les recommandations précitées, l’adoption de l’une des dispositions constructives suivantes peut être envisagée pour freiner la propagation de l’incendie :
- installer des barrières ‘coupe-feu’ tous les deux niveaux ou au droit de chaque ouverture dans la façade. Ceci permet d’interrompre la végétation et l’éventuelle lame d’air continue située derrière la façade végétalisée (voir figure 1). Il peut s’agir d’un déflecteur réalisé au moyen d’une tôle en acier (pas en aluminium) d’au moins 1 mm d’épaisseur et fixé mécaniquement (voir figure 2). Un dépassement horizontal de 15 cm de la zone végétale est considéré comme sécuritaire. Ces barrières sont placées dans le prolongement de celles nécessaires pour interrompre l’isolation combustible des bâtiments moyens selon la réglementation actuelle (voir Les Dossiers du CSTC 2020/3.4, § 4.2.1)
- veiller à ce qu’il y ait une distance horizontale suffisante (minimum 40 cm) entre les ouvertures et la façade végétalisée pour éloigner les plantes des flammes s’échappant par les fenêtres
- prévoir des zones sans végétation sur une hauteur minimale (1 m, par exemple) sous la toiture (pour éviter que le feu ne se propage de la façade vers la toiture) et au-dessus des ouvertures
- munir le bâtiment de balcons, sans végétation, d’au moins 60 cm de profondeur, par exemple, au droit des ouvertures.
Bâtiments élevés (h ≥ 25 m)
Sur la base des connaissances actuelles, les façades végétalisées ne sont pas recommandées pour les bâtiments élevés. La classe de réaction au feu exigée pour les revêtements de façade de ces bâtiments est en effet A2-s3, d0. Elle ne convient donc pas pour ce type de façade. (...)
La publication de la version intégrale de cet article est annoncée dans le CSTC-Mail (les Dossiers du CSTC 2021/3.4)
Source : CSTC Contact 2021/3 (n°75), pp. 10-11.