La sécurité incendie des bâtiments scolaires

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La sécurité incendie dans les bâtiments scolaires est de la responsabilité des pouvoirs organisateurs.  Ceux-ci sont autonomes dans l’enseignement libre subventionné (qui compte le plus grand nombre d’élèves dans le secondaire), ainsi que dans les communes (qui accueillent la majorité des élèves de l’enseignement fondamental) et les provinces. En ce qui concerne l’enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles (scolarisant 7% des élèves en maternelle, 9% en primaire et 23% en secondaire d’après les dernières données disponibles), c’est celle-ci qui en est l’unique pouvoir organisateur.

 

Il n’existe actuellement en Fédération Wallonie-Bruxelles aucun équivalent du programme flamand « Scholen voor morgen » (écoles de demain). Le système des partenariats public-privé (PPP) pour la rénovation et la construction des bâtiments scolaires, promu à partir de 2005 par la majorité de l’époque, n’a jamais pu réellement aboutir.  Par la suite, un mécanisme financier dit « DBFM » (pour Design, Build, Finance, Maintain), proche du PPP fut également envisagé mais sans plus de succès. Les projets ont par conséquent été redistribués aux Directions régionales du Service des Infrastructures Scolaires, qui les gèrent essentiellement en les externalisant (ces marchés de service sont en cours). D’autres projets (hors liste initiale des « ex DBFM » et « PPP ») sont également suivis soit en interne (directement par le bureau d’études de l’Administration) soit en les externalisant.

 

Quand l’architecte se brûle les ailes

Le métier d’architecte n’est plus ce qu’il était il y a 20 ou 30 ans. Stabilité, techniques spéciales, PEB, coordination sécurité et santé, acoustique, signalétique, prescriptions d’environnement, … sont de plus en plus venus se greffer sur le travail de base de l’architecte. Qui se voit par conséquent confronté à une somme de normes et réglementations sans cesse grandissante, qu’il faut intégrer vaille que vaille… Or, au bout du compte, le bâtiment doit rester fonctionnel et plaire à l’occupant.

Pour y parvenir, tout commence par la rédaction d’un programme des besoins pour bien comprendre le projet (pédagogique) de l’occupant des lieux et également lui faire comprendre qu’on ne transige

pas avec la sécurité. Comment, par exemple, bien penser le compartimentage dans le cas d’un projet pédagogique de type « école ouverte » ? L’atrium est un grand classique, très prisé par les bureaux d’architecture. Caractéristique majeure du projet, il est cependant souvent abandonné dès le premier passage du SIPPT voire des pompiers. Ceux-ci sont également attentifs aux matériaux choisis, certains n’ayant pas la réaction au feu escomptée. Cela limite un peu la palette des architectes.

Autre source de frustration pour certains architectes : la signalétique, qui vient quelque peu gâcher la beauté de leur œuvre. D’où la volonté de certains de l’intégrer pour la rendre moins visible, à l’opposé de ce qui est visé par ces pictogrammes de taille et couleur standardisés.  

 

Une histoire de normes mais pas seulement

La norme scolaire en matière de sécurité incendie date de 1982 et est donc dépassée sur de nombreux aspects. Depuis lors, on applique notamment les euroclasses et eurocodes pour les produits. Elle s’est avérée de plus parfois imprécise et donc sujette à interprétation. Un groupe de travail a été récemment mis en place pour la mettre au goût du jour. Mais cela prendra sans doute des années.

Et puis, il a l’analyse de risques, à laquelle chaque chef d’établissement ou d’entreprise doit se soumettre. Avec elle, on est passé d’une obligation de moyens (une norme technique qui précisait par exemple la RF voulue pour une porte dans un cas précis) à une obligation de résultat : éviter tout accident. L’ancienne façon de travailler était plus confortable parce que les moyens à mettre en œuvre étaient décrits dans la réglementation. L’analyse de risques introduit une part de subjectivité plus ou moins importante. Cette évolution, qui envisage les choses de manière plus globale, va sans doute permettre une plus grande liberté architecturale. Ainsi, par exemple, si on a une détection généralisée, on pourra peut-être se permettre moins d’être moins exigent quant à la réaction au feu des matériaux de construction. Cela permet une discussion saine et constructive entre concepteurs et conseillers en prévention. Mais jusqu’où aller dans l’analyse de risques ? Faut-il tenir compte de l’évolution possible du bâtiment au cours du temps ? Un local, actuellement un réfectoire, pourrait se muer en salle d’archives… Une chose est sûre : pour mener leur analyse de risques, les établissements scolaires devraient commencer par demander l’avis du Service de secours public anciennement dénommé SRI.

La norme scolaire (NBN S 21-204), qui sert de base pour tout projet, prend quant à elle en compte le type d’occupation des bâtiments (traditionnelle, nocturne, enseignement spécialisé, …) pour imposer des exigences supplémentaires par rapport « aux normes de base ».

Dans un service public et compte tenu de l’activité particulière de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le SIPPT (Service Interne pour la Protection et la Prévention au Travail) est tenu de tenir compte non seulement l’ensemble de la réglementation mais également, pour ce qui n’apparaît pas clairement dans les textes de loi, des codes de bonne pratique et normes techniques. Le SIPPT va analyser toutes ces références et prendre ce qui est le plus opportun pour le proposer ensuite aux architectes et bureaux d’études.

Par exemple, la réglementation concernant l’éclairage de sécurité prévoit 1 lux sur l’ensemble des voies d’évacuation et 5 lux au niveau des croisements. Le SIPPT impose un minimum de 5 lux sur l’ensemble des voies d’évacuation, multipliant donc le nombre de blocs autonomes, partant d’une analyse de risque envisageant une réaction de panique d’un grand nombre d’enfants dans des couloirs assombris par la fumée.

Autres exemples : rien dans la réglementation n’oblige à placer des rétenteurs au niveau des portes mais l’expérience montre que, si on veut avoir un système efficace et pérenne, c’est ce qu’il faudra utiliser. Au niveau des vitrages, plutôt que de faire une étude poste par poste, on généralise le vitrage feuilleté en construction neuve. Dans le cas d’une rénovation, on veille à ce que tout le vitrage qui se trouve transversalement aux voies d’évacuation soit du vitrage de sécurité.

 

Allier contraintes techniques multiples et vie de l’école

Le comportement d’un enfant n’est pas celui d’un adulte. Même si le travail de conseiller en prévention ne doit légalement pas en tenir compte dans l’enseignement général, le SIPPT en tient compte de manière intégrée comme facteur d’exploitation du bâtiment. Le cas des portes coupe-feu en est une belle illustration. La circulation dans les écoles est intense. Les portes transversales aux voies d’évacuation sont fortement sollicitées. Combien d’enfants ne donnent-ils pas un coup de pied dans la porte pour l’ouvrir ? En outre l’ouverture régulière de portes sollicitées à la fermeture présente aussi un risque d’accident important pour les enfants.  Il faut donc laisser les portes ouvertes sous rétenteur, sinon vous n’avez plus de portes après trois mois et de cette manière les enfants ne devront pas manipuler ces portes. Pour tout nouveau projet, le SIPPT demande d’avoir une détection dans les voies d’évacuation et locaux à risques pour pouvoir avoir un asservissement au niveau des portes coupe-feu. Elles doivent pouvoir rester ouvertes en temps normal, ce qui est notamment utile pour la surveillance des élèves. Ainsi, les portes sont moins sollicitées, gardent leur efficacité plus longtemps et le risque d’accident dû à leur manipulation est très réduit.

Combiner la sécurité incendie avec les prescriptions urbanistiques, les exigences PEB et autres réglementations relève souvent de la quadrature du cercle. Exemple : les exutoires de fumée. Peu sont conformes (ils doivent pouvoir s’ouvrir en cas de coupure du conducteur d’alimentation) et il n’existe pas encore d’exutoire PEB. Le casse-tête est bien entendu encore plus important quand il s’agit de mettre en conformité d’anciens bâtiments. C’est très difficile à appliquer à la lettre et cela a un coût non négligeable. Il y a ainsi encore dans certains établissements des applications liées à l’amiante mais celles-ci sont bien répertoriées et gérés (programmation périodique de travaux de désamiantage, coating de protection ; inspection périodique).

 

Informer, former et s’entraîner

Pour chaque nouveau projet est établie une note de sécurité, qui va évoluer en fonction des informations que l’on va obtenir du projet, et cette note va permettre aux services compétents de voir très rapidement vers quelle philosophie on se dirige : type de compartimentage utilisé, flux d’évacuation, nombre de personnes calculé par local, … Cette note de sécurité a également une autre utilité : elle met sur papier les décisions prises à chaque étape du projet (les directeurs d’établissement changent avec le temps), par exemple concernant la capacité des locaux ou le type d’activités que l’on y mène. Le bâtiment évoluant, des changements d’affectation de locaux sont possibles et il faut en effet pouvoir tenir compte de ce qui avait été prévu pour la sécurité incendie. Exemple : un tableau répétiteur placé à tel endroit parce qu’il y avait à l’époque présence d’un concierge… Ou encore, pour l’entretien du bâtiment, présence de vitrage RF… qui doit être remplacé par un vitrage de même type en cas de dommage.

D’autres documents administratifs utiles pour pérenniser l’information sur le bâtiment sont le Règlement administratif d’entretien (RAE), qui va mentionner les travaux à charge des Directions régionales des infrastructures scolaires et ceux à charge de l’école, ainsi que le Dossier d'intervention ultérieure (DIU). Ce dernier reprend les éléments utiles en matière de sécurité et de santé à prendre en compte lors d'éventuels travaux ultérieurs et est adapté aux caractéristiques de l'ouvrage (par exemple, pour l’AR de Ath, la coursive équipée d’une ligne de vie et accessible uniquement pour le nettoyage des vitres par une firme spécialisée. Hors de question donc d’y envoyer le personnel d’entretien de l’école non formé).

Comme il n’est pas exceptionnel de découvrir des cales au bas des portes RF, il a également lieu de rappeler régulièrement les règles de fonctionnement. C’est là l’une des missions du SIPPT. Le pouvoir organisateur de la Fédération Wallonie-Bruxelles  communique essentiellement par circulaires proposées par le SIPPT, disponibles à la fois sur le propre site du SIPPT et sur le site enseignement.be. Les circulaires constituent les instructions de «l’employeur » adressées aux membres de la ligne hiérarchique. Conscient cependant que les textes légaux ne sont pas à la portée de tous, le SIPPT réalise un important travail de vulgarisation, traduisant le langage juridique en termes plus compréhensibles.

Outre le chef d’établissement (qui reçoit une formation à la sécurité de 3 jours), le conseiller en prévention présent dans chaque école et dûment formé est le relai du SIPPT. Tant l’enseignement organisé par la FWB que le SEGEC (secrétariat de l’Enseignement catholique) attendent d’ailleurs tous deux que le décret de financement des conseillers en prévention puisse être réactivé, ce qui facilitera les choses sur le terrain. Quant aux enseignants, hormis ceux formant aux métiers techniques, il faut regretter que la sécurité soit quasi absente de leur formation initiale. Le SIPPT a mené campagne sur la sécurité dans les laboratoires de chimie, et n’a pu que constater l’absence de formation à la sécurité adaptée au milieu scolaire dans les cursus universitaires liés à cet enseignement.

Et que dire de la formation des architectes en matière de sécurité incendie, si ce n’est qu’elle est perfectible ? D’aucuns souhaiteraient un enseignement des normes de base sanctionné par un examen. Mais chacun sait que l’architecte est déjà un homme-orchestre…  

Il ne suffit pas d’être informé et formé. Il faut également entraîner les bons comportements pour qu’ils deviennent des automatismes. C’est le but des exercices d’évacuation. Les instructions données par voie de circulaires en préconisent un par trimestre, allant ici aussi plus loin que le seul exercice annuel prévu par le législateur.  L’expérience montre, en effet, que le respect de cette périodicité est indispensable pour que les élèves mémorisent les itinéraires d’évacuation, ceci dans le but d’éviter les phénomènes de panique.

 

Un site web public parce que la sécurité est l’affaire de tous

Le site web du SIPPT, créé en 1999, est devenu extrêmement riche en informations au fil du temps (actuellement plus de 2000 pages). Il a pour vocation de proposer une information de première ligne, les conseillers en prévention étant disponibles pour des questions plus spécifiques. Rigoureusement structuré et actualisé au moins annuellement, il regorge d’informations pratiques et d’outils, comme des documents prêts à l’emploi qu’il suffit de compléter ou un index par mots-clés. Un formulaire de contact envoie le message au Conseiller en prévention compétent dans la matière traitée dans la page sur laquelle on se trouve, quand on fait appel à cette fonctionnalité. Chaque mois, une lettre d’information est envoyée à tous les établissements en guise d’accroche.

Ce site a visiblement rencontré un public intéressé puisqu’il compte plus de 4 millions de pages vues depuis 2009, preuve que nous sommes tous concernés par la sécurité.

 

Cet article est un extrait d'un article plus long publié précédemment dans le numéro 53 (juin 2016) du magazine Fireforum. Des exemples concrets (visite de deux channtiers d'écoles en cours) y sont notamment décrits.

Source Fireforum Magazine

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