Le nouveau film épique et déroutant de Francis Ford Coppola : une réflexion sur le rôle de l'architecture dans la culture contemporaine

Le nouveau film de Francis Ford Coppola, Megalopolis, centré sur la vision d'un architecte révolutionnaire, a été violemment critiqué par les experts du cinéma. Mais que nous révèle cette œuvre sur la place de l'architecture dans la culture populaire actuelle ?

 

Dans le film Synecdoche New York de Charlie Kaufman sorti en 2008, l’un des personnages vit dans une maison en feu. Le bâtiment est déjà en flammes au moment de l’achat, et l’incendie continue de brûler pendant des années, jusqu’à ce qu’il entraîne une fin tragique. La métaphore n’est pas subtile, mais elle laisse une impression indélébile, s’infiltrant sous la peau du spectateur. Quinze ans plus tard, cette image reste marquante.

Megalopolis : une série de métaphores visuelles frappantes mais vides de sens

Critiqué de toute part, Megalopolis est un film dense en métaphores visuelles. Par exemple, on y voit Franklyn Cicero, le maire assiégé de la ville fictive de New Rome, assis à son bureau alors qu’il s’enfonce lentement dans des sables mouvants. C’est une scène magnifique, baignée d’une lumière psychédélique qui imprègne tout le film.

Mais à nouveau, cette image n’est pas particulièrement subtile et ne crée pas de résonance durable chez le spectateur. Contrairement à la maison en feu de Synecdoche New York, ces métaphores superficielles n’ont pas la même profondeur. À l’image des gags visuels d’un film de Zucker Abrahams Zucker, elles sont là pour impressionner, mais n’éveillent pas l’imagination.

Le personnage principal, l’architecte César Catalina, est persécuté injustement, et une statue géante de la Justice trône misérablement dans la rue. Plus tard, Catalina arrête le temps et se retrouve debout sur un cadran d’horloge géant. Visuellement, c’est saisissant, mais l’effet reste similaire à ce que l’on retrouve dans les films Transformers de Michael Bay : spectaculaire mais dépourvu de sens.

Une réflexion sur l’utopie architecturale : entre nostalgie et critique

Le film suit César Catalina, un architecte visionnaire, qui a inventé un matériau miraculeux, le Megalon. Celui-ci doit servir de base pour son projet utopique de Megalopolis, une nouvelle cité qui doit remplacer New Rome. Catalina est opposé par le maire conservateur Cicero et conspiré contre par son cousin Clodio Pulcher, avant d’être sauvé par Julia, la fille de Cicero.

Cependant, l’intrigue de Megalopolis est loin d’être linéaire. Le film se construit comme une série de séquences visuellement riches, mais souvent déconnectées les unes des autres, accentuées par une lumière dorée et des ambiances oniriques.

Sur le plan architectural, la ville idéale proposée par Catalina, faite de tours biomorphiques en Megalon, est floue. L’utopie qu’elle symbolise est aussi insaisissable que l’intérieur de ses bâtiments diaphanes. La matière même du Megalon, ambrée et translucide, et les structures qu’elle forme ressemblent plus aux projets architecturaux spéculatifs et irréalistes qui prolifèrent en ligne qu’à une véritable vision urbaine.

Une utopie architecturale déconnectée des réalités contemporaines

On comprend alors pourquoi Megalopolis peine à convaincre. Conçu initialement dans les années 1970, ce film porte les rêves utopiques d’une époque où l’architecture était encore perçue comme une force de transformation sociale majeure. Le film montre Catalina détruisant de larges zones de logements déprimants pour laisser place à sa ville utopique. Cela rappelle les fantasmes modernistes de l’après-guerre, où la démolition et la reconstruction étaient synonymes de renouveau.

Mais aujourd’hui, ces idéaux ont perdu de leur force. Les projets urbains contemporains se veulent plus prosaïques, s’ancrant dans les besoins des habitants et les contraintes environnementales, plutôt que de s’appuyer sur des visions de réinvention totale.

Une caricature de l’architecte visionnaire

Le personnage de Catalina incarne une version idéalisée de l’architecte, une figure héroïque qui perce les consensus de son époque pour envisager un avenir radicalement différent. Il réunit en lui les traits du Roark d’Ayn Rand dans The Fountainhead et de Hank Rearden dans Atlas Shrugged, deux symboles d’un individualisme visionnaire qui dédaigne les compromis.

Toutefois, Megalopolis ne parvient pas à transcender cette caricature. Le film semble nostalgique d’une époque où l’architecte jouait un rôle de réformateur social, de politicien et d’artiste tout à la fois, une fusion entre le cerveau gauche rationnel et le cerveau droit créatif. Pourtant, les héros architecturaux d’aujourd’hui sont rares, et leurs rêves d’un monde nouveau, plus modestes.

En fin de compte, Megalopolis est un rappel que cette conception héroïque de l’architecte est peut-être passée, mais qu’elle reste irrésistible, prête à ressurgir lorsque la société se tournera à nouveau vers des figures capables de tout reconstruire, littéralement et métaphoriquement.

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