Les institutions et le BIM (Abdelkader Boutemadja)

  • image
  • image
  • image
  • image

Abdelkader Boutemadja est enseignant-chercheur au laboratoire LNA de la faculté d’architecture de Liège. À côté de sa pratique au sein de l’atelier AKB, il participe aux groupes de travail du CAE (Conseil des Architectes d'Europe) et du Conseil National de l'Ordre des Architectes - aile francophone et germanophone - ainsi qu'aux Comités Techniques BIM et Architecture du CSTC. Il prend part ainsi régulièrement à des réunions de travail sur la manière dont les architectes peuvent s’approprier le BIM. 

La dynamique actuelle autour du BIM

Abdelkader Boutemadja : « Le BIM existe depuis fort longtemps, au moins sur le plan de l’intégration de bases de données dans les maquettes et l’échange de ces données. C’est la directive européenne 2014/24/UE sur la passation des marchés publics qui lui a donné de la visibilité (voir en son article 22.4), en s’appuyant sur l’expérience de pays qui ont démontré des gains possibles pour les maîtres d’ouvrages de l'ordre 20 à 30 %. L’aspect économique est donc bien le déclencheur principal du processus. Au mois d'avril de cette année, tous les pays de l'Union sont tenus de dire où ils en sont arrivés. D’un autre côté, les maîtres d’ouvrage ont également compris leur intérêt dans cette méthode et ils ont maintenant leurs propres exigences quant à l’intégration du BIM. L'un des enjeux actuels pour les architectes réside dans le maintien de leur rôle de maître d'oeuvre dans les marchés publics. »

 

Et en Belgique ?

« En Belgique, 30 % des bureaux traitent en moyenne 70 % de l'ensemble des projets. Les grands bureaux voient donc très vite leur intérêt dans la méthode BIM et participent au processus tel qu'il est proposé. Pour les petits bureaux, par contre, il va falloir évaluer le processus, d’autant plus qu’il est en pleine évolution. Ce qui est important est que l’on réfléchisse à la place que peuvent y prendre les architectes : ceux-ci ne devraient-ils pas être les premiers à fournir la maquette ? Le BIM va en tout état de cause permettre de redessiner le paysage de la construction et de redéfinir le rôle des différents acteurs, ainsi que de conscientiser les architectes sur les enjeux de la collaboration. Au début du processus, l’architecte ne doit pas fournir un BIM complet, il ne doit pas non plus forcément tout prendre en charge. Il faut prendre en considération qu'en Belgique, les architectes sont responsables de tous les problèmes d’exécution. L’assurance décennale des entreprises n'y changera rien. De plus, beaucoup d’architectes belges sont attachés à cette façon de faire et aiment concevoir le détail technique, certainement parce qu'il y a beaucoup de frustration sur le reste de la conception mais qu'elle est compensée par ce petit espace de liberté où on ne leur demande pas de rendre des comptes. »

 

Petits bureaux et petits projets

« Le BIM n’est pas un outil spécifique à l’architecte et la question est de savoir comment il peut en profiter plutôt que le subir. Une enquête de 2014 du CAE évalue à 74% la proportion d'architectes européens travaillant seuls. Selon le National BIM Report 2015 de la NBS (National Building Specification) qui porte sur l’utilisation du BIM, le processus est avantageux pour les petits bureaux également. Cette étude permet de rassurer les très petites structures qui ne considèrent pas le BIM comme une opportunité. Les petits bureaux n’ont pourtant pas besoin de revoir fondamentalement leur façon de faire : d'une part, il leur faut implémenter un certain nombre d’informations dont ils ont en fait déjà la maîtrise; d'autre part, ils doivent intégrer que la maquette évoluera en dehors d’eux et reviendra vers eux, avec des modifications; enfin, ils doivent comprendre leur propre fonctionnement et leurs attentes et intentions vis-à-vis du BIM afin de faire les choix qui leur conviennent le mieux. SketchUp peut ainsi être une solution adaptée à certains types d’activités : en 2014 le logiciel incluait le format IFC; aujourd’hui, il a un générateur de rapports intégré et Trimble Connect permet la collaboration en ligne. On peut aussi compter sur de nombreux plug-ins de qualité professionnelle. La solution SketchUp pour le BIM peut donc être gardée à l'esprit. »

 

La formation initiale

« Durant les études, la sensibilisation est très importante également. À Liège, il existe un cours de Bachelier sur le BIM de 24 heures en 12 semaines pour la théorie, plus 24 heures de pratique par groupes. L’objectif se situe au niveau de l’aide à la conception, de l’implémentation des informations et de l’analyse. Il s’agit de rendre l’étudiant capable de prendre de meilleures décisions. Les TIC et le BIM sont de plus intégrés à l’atelier d’architecture au niveau master. On y aborde le choix du logiciel, l’expérimentation du projet à tous les niveaux de détail, la communication à l’aide des technologies collaboratives, par exemple sur tablettes numériques avec la plate-forme Moxtra, qui permet de créer des réunions de travail et de dessiner directement sur les fichiers. L’étudiant peut y voir les annotations des membres du jury et également structurer sa pensée en fonction de ce mode de présentation. Les résultats ont été mis en ligne sur le site dansethorslesmurs.be. Il existe enfin un projet européen pour une formation sur le BIM au travers d’une plate-forme web dont la faculté d’architecture de Liège est partenaire. »

 

Dynamique institutionnelle

« Le BIM n’est peut-être pas si compliqué que ça pour les architectes mais ils devraient par contre devenir acteurs de la généralisation du format IFC. Grâce à ce format d'échange développé par BuildingSMART, qui possède un chapitre pour le Benelux, l’architecte doit être plus libre de ses choix : il s'agit en effet d'éviter que les maîtres d’ouvrage puissent demander l'utilisation d'un logiciel précis, par exemple dans les exigences des marchés publics. L’Ordre a pris conscience de la situation et va sortir la carte des propositions administratives au gouvernement, ce qui fait de toute façon partie de ses missions. À l’UWA, une journée de formation est bientôt programmée. Des workshops vont également être organisés dans les différents Conseils et ceux-ci vont réunir chaque fois une vingtaine d’architectes. Une plaquette sera envoyée à ce propos et on peut imaginer que les choses se mettent en place pour le mois de septembre. »

Source Abdelkader Boutemadja

  • Partager cet article

Nos partenaires