L'étanchéité à l'air des bâtiments : un défi majeur pour l'ensemble des corps de métier
Les réglementations régionales relatives aux performances énergétiques des bâtiments (PEB) se renforcent à un rythme soutenu. Outre une isolation thermique poussée de l'enveloppe du bâtiment et des installations techniques performantes (système de ventilation, par exemple), une bonne étanchéité à l'air deviendra rapidement incontournable : celle-ci peut en effet accroître jusqu'à 15 % la performance énergétique d'un immeuble. Si, à l'image des maisons passives, on réalise d'ores et déjà des bâtiments très étanches à l'air, il faudra cependant généraliser ces principes à l'ensemble des constructions neuves. Cet article du CSTC nous rappelle les règlementations en la matière.
Un tel changement n'est pas sans conséquence pour les entrepreneurs et tous les professionnels du secteur, car ils devront adapter leur façon de concevoir, de coordonner et de réaliser les travaux.
Si l'étanchéité à l'air des bâtiments est une problématique connue depuis plusieurs années, il n'existe à ce jour aucun document propre à notre pays qui préciserait comment la concevoir et la réaliser. Et pour cause, il est impossible de la calculer au moment de la conception : elle doit se mesurer à la fin du chantier, à un stade où il est souvent très difficile d'apporter des améliorations majeures. De plus, si les résultats se révèlent insatisfaisants, il sera particulièrement délicat de déterminer les responsabilités. Débuteront alors des discussions, souvent sans fin, entre les différents intervenants pour savoir à quel(s) stade(s) les fuites sont apparues…
Il existe toutefois un certain nombre de recommandations relatives à la conception, à la mise en œuvre et à la coordination des travaux qui, si elles sont suivies, permettent d'atteindre des performances bien supérieures à celles que l'on rencontre encore fréquemment aujourd'hui. L'objectif de ce CSTC-Contact thématique est de synthétiser ces recommandations, qui concernent pratiquement tous les entrepreneurs. Ces textes constitueront également l'amorce d'une future Note d'information technique et d'une base de données de détails constructifs.
1. L'étanchéité à l'air, simple question de réglementation ?
Au-delà de l'aspect purement réglementaire et des économies d'énergie qu'elle engendre, une bonne étanchéité à l'air permet d'éviter des problèmes de condensation interne au sein des parois, mais peut aussi fortement influencer le niveau de confort thermique et acoustique d'un bâtiment.
Des défauts d'étanchéité à l'air peuvent favoriser la formation de condensation interne. Dans l'exemple de la figure 2 représentant un versant de toiture, la convection apparaît là où les jonctions n'ont pas été étanchéifiées, soit entre les lés de la barrière à l'air ou entre ceux-ci et les pannes. L'air chaud et humide intérieur a donc la possibilité de migrer au travers de la paroi et de se condenser sur la face inférieure de la sous-toiture froide, risquant ainsi d'endommager l'isolant.
L'étanchéité à l'air d'une construction définit sa capacité à empêcher le passage de l'air de l'extérieur vers l'intérieur… et inversement. Elle se quantifie à l'aide du débit de fuite (
) qui traverse l'enveloppe sous un écart de pression donné entre l'extérieur et l'intérieur du bâtiment. En Belgique, on exprime généralement l'étanchéité à l'air pour une différence de pression de 50 Pa.
Les grandeurs suivantes sont souvent utilisées pour exprimer l'étanchéité à l'air :
50 : débit de fuite à travers l'enveloppe du bâtiment [m³/h]
- n50 : taux de renouvellement [vol/h] (débit de fuite rapporté au volume intérieur du bâtiment)
50 : perméabilité de l'enveloppe [m³/(h.m²)] (débit de fuite rapporté à la surface de l'enveloppe).
2. Un trio indissociable
L'étanchéité à l'air de l'enveloppe fait partie d'une stratégie globale visant à réaliser un bâtiment confortable et peu énergivore. Les trois axes de cette stratégie sont :
- l'étanchéité à l'air de l'enveloppe du bâtiment
- une isolation thermique suffisamment épaisse et correctement mise en œuvre
- une ventilation hygiénique contrôlée et maintenue en état par un entretien régulier.
En effet, augmenter les épaisseurs d'isolant dans les parois sans prêter attention à l'étanchéité à l'air est un non-sens en termes d'énergie. De même, rendre un bâtiment étanche sans assurer un renouvellement d'air frais par une ventilation contrôlée pourrait mettre en péril le confort, voire la santé des occupants. Les trois points énumérés ci-avant sont donc indissociablement liés.
Si ce principe est bien entendu d'application pour les constructions neuves, il est primordial de l'appliquer également en cas de rénovation de bâtiments existants.
3. Réglementation PEB et étanchéité à l'air
Les réglementations évoluent toujours plus vite. La refonte de la directive européenne PEB impose à nos trois Régions de prendre les mesures nécessaires afin que la consommation d'énergie des bâtiments neufs soit quasi nulle dès 2020 (*). La déclaration de politique régionale wallonne stipule que tous les bâtiments neufs devront être passifs ou équivalents à partir de 2017. En Région de Bruxelles-Capitale, tous devront l'être à partir de 2015. La Flandre, quant à elle, imposera un niveau d'énergie primaire de maximum E60 dès 2014. Avec ces niveaux d'ambition, que l'exigence soit explicite ou non, l'étanchéité à l'air sera un poste absolument incontournable.
Les réglementations actuelles ne spécifient pas encore d'exigence directe pour l'étanchéité à l'air, mais la prennent en compte dans le calcul de la consommation d'énergie primaire, en évaluant les pertes par infiltration (air froid pénétrant dans le bâtiment et devant être réchauffé) et par exfiltration (air chaud quittant le bâtiment et devant être remplacé). Ces pertes sont à distinguer des déperditions liées à la ventilation hygiénique.
| Comparaison entre les réglementations PEB et le label 'passif'. | |
| Réglementations PEB | Label 'passif' |
| Caractère obligatoire | Démarche volontariste : label demandé par le maître d'ouvrage |
L'exigence d'étanchéité à l'air s'exprime en 50 avec pour unité le m³/(h.m²) |
L'exigence d'étanchéité à l'air s'exprime en n50 avec pour unité le vol/h |
| Pas d'exigence explicite à l'heure actuelle, mais une mesure démontrant des résultats meilleurs que la valeur par défaut (12 m³/(h.m²)) permet d'améliorer le niveau E (10 à 15 points). | Une exigence explicite : n50 ≤ 0,6 vol/h |
| Calcul à l'aide des logiciels PEB | Calcul à l'aide du logiciel PHPP (maisons passives) |
Le tableau ci-dessus présente les principales différences qui existent aujourd'hui entre les réglementations PEB et le label passif.
Une étude de sensibilité menée en Région wallonne dans le cadre du projet 'Construire avec l'énergie' montre que l'obtention d'une perméabilité
50 de 2 m³/(h.m²) permet de gagner 10 à 15 points E (selon les configurations) par rapport à la valeur par défaut utilisée en l'absence de test d'infiltrométrie. Le gain énergétique (et économique) réel qui en découle est de l'ordre de 10 %.
Actuellement, des habitations construites sans prêter d'attention particulière à l'étanchéité à l'air ont généralement un
50 compris entre 6 et 12 m³/(h.m²). On peut atteindre un objectif situé entre 2 et 6 m³/(h.m²) grâce à une conception judicieuse et une mise en œuvre soignée. En deçà de 2 m³/(h.m²), une véritable expertise est nécessaire tant au niveau de la conception que de l'exécution : tous les nœuds constructifs doivent faire l'objet d'une étude adéquate et une sensibilisation de tous les corps de métier impliqués est indispensable. Un essai de pressurisation réalisé en cours de chantier (test d'orientation) constituera également une aide précieuse (cf. 'Contrôle de l'étanchéité de l'air').
4. Comment dès lors atteindre des performances d'étanchéité à l'air élevées ?
4.1. La conception, préliminaire essentiel
Le concepteur peut exiger contractuellement une performance d'étanchéité à l'air et préconiser en même temps les moyens pour y parvenir. Il doit assurer la faisabilité de ce qu'il prescrit et minimiser les points critiques grâce à une étude préalable minutieuse. Il doit également bien sélectionner les matériaux et produits d'étanchéité, et garantir une communication efficace entre les différents corps de métier. Enfin, un contrôle d'orientation de l'étanchéité du bâtiment en cours d'exécution avant la mesure finale permettra de corriger ou d'améliorer certains points d'exécution. Toutefois, ces opérations s'avèrent souvent laborieuses et/ou onéreuses. Certains défauts d'étanchéité situés dans des parties devenues inaccessibles (pare-vapeur d'une toiture dont la finition intérieure est en place, p. ex.) ou inhérents à la conception (intégration du garage au volume protégé, p. ex.) ne pourront plus être corrigés. Il est donc indispensable d'anticiper.
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