OPINION. « De nouvelles règles pour un climat différent »
Architecte chez evr-architecten, Luc Eeckhout travaille également comme professeur invité à la faculté d'architecture de la KU Leuven à Bruxelles et à Gand. Il enseigne aussi dans la ville d'Artevelde dans le cadre du cours postuniversitaire de la KU Leuven sur la construction et l'habitat respectueux de l'homme et de l'environnement. C'est pourquoi il a été invité à collaborer à Good Living in Brussels, un projet qui vise à réécrire le Règlement Régional d'Urbanisme de la capitale en fonction des nombreuses nouvelles exigences climatiques auxquelles une ville doit pouvoir répondre. Selon Luc Eeckhout, cinq règles de base devraient toujours figurer dans un RRU qui tienne compte des conséquences du changement climatique. Il a écrit à ce sujet ce texte d’opinion pour Architectura.
Quand je déambule dans une ville, j'ai un sentiment de malaise. L'environnement bâti est toujours conçu et exécuté de manière traditionnelle, comme si rien n'avait changé. Après une averse, l'eau de pluie disparaît dans les égouts et l'asphalte noir colore la ville. Des maisons dotées de grandes fenêtres noires à la mode avec grille d'aération intégrée, et un rideau qui tente désespérément de protéger du soleil. Plus loin, un arbre solitaire dans une trop petite parcelle végétalisée au milieu d’un désert de pierre imperméable. Le climat urbain et l'effet d'îlot de chaleur semblent être un problème théorique pour de nombreux concepteurs. Un point rouge vif sur une carte avec lequel ils n’ont rien à voir. Les risques liés à l’eau, c'est de la télé, avec beaucoup de misère et de dégâts. C'est pourquoi je demande explicitement à mes étudiants en architecture de rester en contact avec le monde environnant et de sortir lorsqu'il fait trop chaud ou lorsqu'il pleut très fort. Tout cela pour observer comment un climat plus extrême interagit avec notre environnement bâti.
Après ma promenade, j'en conclus que la construction adaptée au climat n'est qu'un terme de plus dans le jargon actuel de la construction. Nous construisons de manière durable et maintenant nous nous adaptons aussi au climat ? Les mots valises sont certes adaptés à l'époque, mais ils ne sont pas suivis d’effet. Il faut une autre catastrophe, ai-je pensé. Quelque chose qui émeut de nombreuses personnes et qui les pousse à agir soudainement. Mais le désastre a déjà eu lieu. Durant l’année 2020 de la pandémie, le troisième pic de surmortalité a eu lieu en août, un pic causé par la chaleur. A l'été 2021, le déluge s'abat sur la Wallonie avec des dégâts sans précédent et des morts. Ce passé récent n'a pas appris grand-chose au monde de la construction et n'a pas su changer ou remettre en question les traditions. Et qu'allons-nous faire des futurs modèles, qui prédisent toujours plus précisément comment notre climat va évoluer ? Nous avons en effet le luxe inouï de pouvoir regarder en arrière et en avant grâce aux données et de nous adapter à temps.
Le monde de la construction a à présent l'occasion de revenir à ses origines, à savoir protéger les gens du climat. L’ensemble des réglementations et des traditions doit cependant être revu et adapté en profondeur à la nouvelle réalité. En bref, la canicule, la sécheresse, les fortes précipitations et l'élévation du niveau de la mer constituent le cadre dans lequel les villes et les bâtiments doivent résister. Des règles de construction claires peuvent en être déduites et adaptées à chaque site. Ces règles n'ont qu'un seul but : protéger efficacement les personnes et éviter encore plus de dégâts. Je vais prendre la liberté d'exposer brièvement 5 règles de base à titre d'exemple. Elles devraient figurer dans chaque code de construction et chaque architecte et constructeur devrait les appliquer.
CINQ Règles de BASE
Règle 1 – Choisissez un site de construction sûr, exempt de tout risque d'inondation, aujourd’hui et dans le futur. Le Portail climatique de la Flandre nous montre où nous devons nous attendre à de l'eau, aujourd'hui et en 2050. Consultez-le en ligne et arrêtez de construire dans ces zones humides.
Règle 2 – Créez de l’espace pour la nature : la nature fait partie de la solution et non du problème. La destruction de la nature doit maintenant être convertie en plus de nature. Cela peut se faire en faisant de la place pour l'eau (voir aussi la règle 1) ou pour des bâtiments respectueux de la nature ou en appliquant la règle 3.
Règle 3 – Limitez l'emprise au sol et construisez plus densément. Les constructions et les voiries doivent être réduites au minimum. Elles doivent être conçues avec une emprise au sol aussi compacte que possible ; dans le cas d'un bâtiment, un étage supplémentaire peut être la solution.
Règle 4 – Arrêtez d'utiliser des surfaces et des matériaux sombres. Ceux-ci entraînent irrémédiablement un échauffement des bâtiments et environnements urbains. L'asphalte noir et les toitures de la même couleur perturbent localement le climat avec des températures supérieures à 70°. Ce sont des pratiques inacceptables.
Règle 5 – Protégez correctement chaque bâtiment du soleil. Les bâtiments devraient redevenir des endroits frais. Sans protection solaire, les bâtiments doivent recourir à un refroidissement coûteux. Les pièces dépassant 30° à 35° deviennent inhabitables et inutilisables.