OPINION : Times are changing

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« Act local, think local » en lieu et place de « act local, think global ». Voilà bien une pensée dont je me sens de plus en plus proche, et qu’il me tarde de voir inspirer tous les acteurs du secteur de la construction.

Dans le domaine de la construction, je vois de plus en plus d'exemples inspirants et fructueux d'entreprises qui ont fait/qui font ce pari de sourcer leurs matériaux localement ET de limiter volontairement et positivement leur zone d'intervention à une région spécifique. C'est le cas de la bien nommée Nido Concept (le nid en italien) qui vient de s'installer à Marche-en-Famenne et qui annonce sa ferme intention de s'y cantonner. Ou encore, plus près de ma zone, comme un Bâtis-moi dont les chantiers se développent certes à un train d'enfer, mais dans une zone géographique très circonscrite. A l'extrême opposé de certains concurrents qui font bouffer du bitume à leurs équipes de maçons pour les mobiliser sur des chantiers aux quatre coins du pays, allant parfois jusqu’à leur payer des nuits d’hôtel sur place ou (pire) en mettant « gracieusement » à leur disposition une caravane pour qu’ils passent leurs nuits sur place dans un confort que l’on imagine évidemment très spartiate.

Forcément, dans ce cas, le nombre de chantiers et donc, le chiffre d’affaires et de travailleurs mobilisés est décuplé, mais qu’en est-il du plaisir de penser un bâtiment, de l’imaginer dans un endroit qui nous est familier et dont on s’est vraiment empreint ? Et qu’en est-il du plaisir de construire ? A quoi bon enchaîner des constructions basse énergie et a fortiori passives à des centaines de kilomètres si l’on gâche un carburant précieux pour y acheminer tous les jours la main d'œuvre nécessaire à leur édification ?

En vérité, je vous le dis : en ces temps où l’on a plus que jamais conscience du caractère fini des ressources (en particulier énergétiques), tout cela n’a plus beaucoup de sens. Certains penseront évidemment que cet épisode du conflit en Ukraine ne durera pas, que les Européens se rabibocheront bien un jour avec les Russes, que Poutine sera peut-être un jour remplacé par un démocrate, et qu’à la disette énergétique succèdera la profusion, mais tout cela est-il bien raisonnable ? Ne devrions-nous pas tirer les leçons de ce fait géopolitique marquant et faire enfin nôtre cette fameuse frugalité dans tous les domaines où cela fait sens, en particulier avec les matériaux de construction et l’énergie ?

Alors, certes, cette approche frugale engendrera des bénéfices qui seront peut-être eux aussi parfois un peu plus frugaux, mais en fin de compte, tout le monde y gagne; les ouvriers du secteur de la construction qui auront la satisfaction de bosser pour une boîte de la région où ils vivent, le maître d'ouvrage qui parlera à un entrepreneur du cru, les pouvoirs locaux et régionaux qui capteront des ressources financières dont elles pourront faire profiter leurs administrés et les patrons des entreprises de construction qui donneront sens à leur carrière.

Un courant que les écoles d'architecture comme Saint-Luc à Liège ou la Cambre incorporent d'ailleurs désormais fièrement dans leur cursus. Et que l'on voit même de plus en plus poindre dans des endroits inattendus comme ces boîtes à penser le libéralisme que sont la Louvain School of Management et Solvay. Alors, pour paraphraser les paroles d’un Bob Dylan, je conclurai en me disant et en écrivant qu’enfin, peut-être, « times are changing ».

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