Paolà Vigano et Bas Smets ensemble à Batibouw pour les étudiants en architecture
Cette année, l’événement Concept and Build for students, organisé avec la collaboration d’Architectura dans le cadre de Batibouw, a donné l’occasion aux étudiants en architecture de tout le pays d’assister à une conférence de Paola Viganò (Studio Associato Bernardo Secchi Paola Viganò) et Bas Smets (bureau Bas Smets). Le soir même, l’architecte et urbaniste italienne se voyait remettre le prix international des Belgian Building Awards.
C’est donc dans un Auditorium 2000 comble et en anglais que les deux architectes ont présenté, ce mercredi 4 mars 2015, le projet anversois Nieuw Zuid qu’ils ont mené ensemble, pour ensuite s’attarder chacun sur un autre de leurs propres projets : la ZAC La Courrouze à Rennes pour Paola Viganò et le nouveau parc à Tour & Taxis pour Bas Smets.
On retiendra de ces deux heures que l’on a beaucoup parlé de nature, d’arbres, de gestion des eaux pluviales et fort peu de bâtiments. Surprise de Paola Viganò donc face à la première (et unique) question posée par le public : Quid de la biodiversité animale ?
Nieuw Zuid, nouvel éco-quartier au Sud d’Anvers
Paola Viganò a commencé par expliquer la réflexion qui a guidé son bureau dans la réalisation d’un masterplan pour ce projet urbanistique de belle taille, en collaboration étroite avec les responsables de la ville (Kristiaan Borret était alors bouwmeester d’Anvers). Outre l’Escaut avec lequel il s’agissait d’établir une nouvelle relation, les éléments d’infrastructure comme les voies de chemin de fer avaient pour conséquence de fragmenter l’espace. Il fallait donc reconnecter les différentes parties du site. Secchi-Viganò s’est inspiré d’un concept de l’architecte japonais Toyo Ito et l’a réinterprété pour créer une nouvelle structure urbaine basée sur les relations entre les blocs bâtis via une trame composée de bandes parallèles (striga), elles-mêmes ponctuées par les tours. Il s’agissait d’obtenir une certaine densité tout en gardant des espaces ouverts fluides, garantissant une vue dégagée à un maximum d’habitants. L’éco-quartier joue avec différentes échelles pour obtenir un mélange de formes urbaines intégrées dans des parcelles de nature. Paola Viganò conclut sa première intervention en indiquant que le résultat de son travail a été de définir un petit ensemble de règles dans le but de garantir la qualité de l’espace.
Bas Smets prend alors la parole. Son rôle, dès 2011, fut de traduire ce masterplan en une réalité tangible en en conservant l’esprit. Il passe en revue quatre éléments constitutifs du projet : la structure du parc, le système de wadis, les rues d’habitat et les deux artères parallèle à l’Escaut. Le parc ouvert « percole tout le long de l’Escaut ». Plusieurs wadis linéaires perpendiculaires à l’Escaut contribuent bon seulement à la gestion des eaux pluviales mais créent autant de milieux propices à une végétation des sols humides, donnant un aspect sauvage au parc. Les rues d’habitat, réservées à la mobilité douce, intègrent une bande de 3 m de large où alternent de façon irrégulière emplacements pour vélos et plantations. L’objectif était notamment de se démarquer des plantations continues typiques des boulevards du XIXe siècle. Enfin, sur les deux grandes artères parallèles à l’Escaut, des emplacements de parking pour les voitures alternent avec des arbres. Bas Smets explique aussi que, par exception, certains arbres non indigènes (ginkgo et sequoia) ont été choisis pour quelques endroits, aucun arbre de chez nous ne convenant pour un tel milieu minéral.
Suite à une question posée par le modérateur Michiel Dehaene, Paola Viganò explique que son masterplan était le seul à laisser une vaste zone non construite pour en faire un parc. « Ce parc n’est pas seulement pour les habitants du quartier, c’est un cadeau à la ville ».
La Courrouze à Rennes
D’une surface deux fois plus importante que Nieuw Zuid, ce projet breton de nouveau quartier sur un ancien site militaire et industriel en est actuellement à la moitié de sa réalisation. Le projet prévoit à terme 4 700 logements pour 10 000 habitants, 115 000m² de bureaux, 30 000m² d'équipements (écoles, transports en site propre, emprise métro), 20 000m² de commerces et 40 ha d'espaces verts. Quand on sait qu’il a été entamé dès 2003 par Secchi-Viganò, cela donne la mesure : il faut une génération pour transformer la ville. Pourtant, les concepteurs sont parti sur l’existant pour économiser un maximum d’interventions et définir un nouveau paysage en tenant compte des zones naturelles en place. Les nouveaux bâtiments sont implantés là où le site était le plus dégradé en termes de nature. Ici aussi, il est beaucoup question de gestion des eaux dans le parc en jouant sur les dénivelés.
Le nouveau parc à Tour & Taxis
Bas Smets présente ce projet en cours de réalisation en partant d’une vue aérienne, « la représentation la plus honnête de la réalité construite ». Sa méthodologie est de partir des éléments naturels (topographie, hydrographie, …) constitutifs d’un paysage afin de resituer le projet au sein de ce paysage. Alors que ces éléments apparaissent très clairement dans de nombreuses grandes villes d’Europe, ils sont quasi invisibles à Bruxelles (La Senne est couverte, par exemple). Malgré tout, il y a moyen de dégager une logique en se basant sur les vallées des affluents de la Senne et sur les anciennes voies ferrées menant à Tour & Taxis (dont les talus vers Bockstael ont conservé une végétation spontanée). Le site fait 45 hectares et il a été demandé d’aménager le parc avant de construire les bâtiments. Plusieurs difficultés se sont présentées, comme la présence de ballast rendant le sol stérile et le budget limité à 25 euros par mètre carré. Le ballast a été réutilisé sur place pour faire des réservoirs permettant la gestion des eaux pluviales. Les essences végétales ont été choisies notamment en fonction de ce qu’elles pouvaient apporter au sol.