Soirée AG de l'UWA : Charleroi fait son cinéma

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Ce jeudi 26 mai au soir, les architectes étaient fort sollicités : ils avaient le choix entre deux duos d'acteurs de premier choix : George Clooney et Julia Roberts à Louvain-la-Neuve ou... Paul Magnette et Georgios Maillis à Charleroi. Si les deux événements organisés en même temps ont fait le plein, Architectura n'était présent qu'au second. Nous vous en rapportons quelques scènes et répliques qui deviendront (peut-être) cultes.

Pour rappel, cette soirée avait été prévue le 22 mars et avait dû être postposée en dernière minute suite aux tragiques événements que l'on connaît. Surprise en arrivant sur place ce 26 mai, les forces de l'ordre sont déployées en nombre, rendant l'accès à Charleroi Danses plus compliqué que prévu. La raison ? La match de play-off entre Charleroi et Genk qui se joue à quelques dizaines de mètres de là.

 

Du rouge quand même

Dans la foulée de son assemblée générale annuelle, l'UWA avait prévu initialement que le repas convivial serait précédé d'un exposé du bouwmeester local Georgios Maillis puis d'un spectace du sommelier Eric Boschman. Vu qu'il s'est avéré impossible de trouver une nouvelle date à laquelle tant le lieu que le sommelier étaient libres, ce dernier a donc fait place à... Paul Magnette, comme l'a annoncé avec humour Robert Treselj, président de l'UWA : « L'exposé-spectacle initialement prévu s'intitulait 'Ni dieux ni maîtres mais du rouge'. Dieu, on l'a laissé dans le Borinage. De maîtres, on n'en veut pas. Mais on a quand même pris du rouge. Ce n'est pas une petite piquette, c'est du rouge qui a du coffre, de la charpente, et qui sait parfois être corsé et piquant. Je veux bien entendu parler de notre ministre-président Paul Magnette. »

 

Vers une architecture d'origine protégée (AOP) ?

Paul Magnette : « En remettant les prix au GPAW, je me suis dit : c'est formidable, on a aujourd'hui, en Wallonie, une architecture de très grande qualité. Les projets primés sont de très beaux projets... Ce qui m'a absolument horrifié, c'est que sur les dix (primés), il n'y avait pas un seul bureau établi en Wallonie ! (...) Je ne sais pas quelles en sont les raisons mais cela demande une sérieuse introspection. J'ai d'ailleurs demandé à Wallonie Bruxelles Architecture de me remettre dans les mois qui viennent un livre blanc. Je voudrais voir des statistiques, des éléments d'explication. Je constate que nous avons une difficulté à promouvoir ce que nous faisons chez nous, et le constat est le même pour le design et d'autres disciplines à la frontière de l'artistique, de l'artisanat et des prestations intellectuelles.

Peut-être y a-t-il aussi une responsabilité de l'autorité publique. Sûrement même. Déjà, dans la DPR, j'avais écrit qu'il fallait promouvoir la qualité architecturale. Aujourd'hui, nous la déclinons, par exemple dans la note sur la politique de la ville du ministre Furlan. Nous allons nous imposer à nous-mêmes, dans les commandes publiques, de mettre en place toutes les procédures qui favorisent la qualité architecturale. Et nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur le formidable travail mené depuis de nombreuses années par le Service Architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui peut déjà travailler pour la Wallonie mais très peu y font appel. Nous allons travailler à former les fonctionnaires, qui doivent enregistrer que la qualité architecturale est quelque chose d'important dans le processus de modernisation et de redressement de la Wallonie. Dans le même esprit, on arrêtera la liste de dix Quartiers Nouveaux en Wallonie sur base d'un jury, et ce pour enclencher le processus vers une croissance démographique qui soit faite de manière rationnelle et stratégique, sans oublier de profiter de l'enjeu pour assurer la promotion d'une architecture de qualité.

Au-delà de cela, je voudrais réfléchir à la manière de promouvoir une architecture de Wallonie, pas seulement une architecture en Wallonie. Il existe une architecture scandinave, un école autrichienne, ... il y a certainement, dans l'architecture qui est produite en Wallonie, aussi un certain nombre de traits communs que l'on aurait intérêt à mettre en évidence pour les renforcer, tant dans le choix des matériaux, d'une certaine esthétique. On dit souvent que quand on a peu d'argent, il faut être créatif pour faire les choses avec peu de moyens. Et souvent, cela conduit à faire des choses de très grande qualité. Quand on a trop d'argent, on fait des choses parfois épouvantables. Peut-être que la tour la plus laide du monde, c'est la tour Donald Trump à Las Vegas. Elle est aussi moche et aussi vulgaire que la coiffure de Donald Trump. En Wallonie, on est habitué à travailler avec des moyens parcimonieux, on a développé quelque chose, une certaine manière de faire qui a de vraies qualités spatiales et esthétiques qui mériteraient d'être mieux mises en évidence. »

 

Une cellule du Bouwmeester pour rendre Charleroi sexy

Paul Magnette : « Ici, à Charleroi, on entamé cette réflexion depuis un certain temps, lorsque j'étais bourgmestre et avant d'être empêché. Sur le modèle d'Anvers et sur le conseil du bourgmestre de l'époque Patrick Janssens, j'ai constitué une cellule du Bouwmeester. Cela n'a pas été simple de convaincre l'Ordre des architectes, l'Administration, les intercommunales, ... Cette cellule n'a aucun pouvoir de décision, c'est une équipe qui vient apporter uniquement du conseil à l'autorité publique, que l'on a voulu profondément inscrite dans le fonctionnement de l'administration elle-même (pas à côté ou contre mais avec). Et c'est enfin une équipe dont on a progressivement étendu le champ d'action et c'est en cela qu'elle est unique. Elle n'est pas la copie de celle d'Anvers ou de celle de Bruxelles. Elle doit veiller à la cohérence des projets architecturaux publics entre eux mais aussi à la cohérence entre les projets publics et privés. Elle a également une approche globale : elle travaille sur le graphisme, l'image, le design des objets urbains, sur l'urbanisme, les paysages, l'intégration de l'art dans la ville et même aujourd'hui sur la scénographie des grands événements urbains. Parce que c'est tout cela qui fait la ville, pas seulement la brique. C'est grâce à cette approche intégrée et transversale que l'on peut regagner un temps d'avance et redonner à la ville une image de cohérence et de modernité. Et susciter des envies en rendant le changement extrêmement visible et sexy. C'est une réussite qui mériterait d'être connue bien au-délà des frontières de Charleroi. »

 

Nous vous proposerons les moments forts de l'intervention de Georgios Maillis dans un prochain épisode.

La soirée s'est achevée par un repas convivial avec vue sur la tour de police de Jean Nouvel/MDW et sous les clameurs du stade du Mambour tout proche. Ce soir-là, Charleroi l'a emporté sur Genk... avant de prendre une raclée lors du match retour.

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