Les 8 balises d'IEW pour encadrer les futurs projets d'urbanisme

Le 'stop au béton' ne figure pas tel quel dans la déclaration de politique régionale que les partis au pouvoir en Wallonie ont signée il y a quelques mois, mais le PS, MR et Ecolo se sont cependant engagés à (continuer à) freiner l'étalement urbain. Le dernier dossier en date d'Inter-Environnement Wallonie est justement consacré à ce 'stop au béton' (auquel nous préférons le terme 'stop à l'urbanisation'). Il fait un état des lieux de l'artificialisation des terres cultivables 'au profit' de l'urbanisation - 10,7 km2 par an en moyenne ces dernières années - et pose des questions essentielles sur l'avenir de notre (petit) territoire. Mais il contient également les jalons d'une réflexion sur la façon dont le territoire wallon peut se mettre au service de l'urgence climatique et sociale. Et met en avant 8 balises pour y arriver.

 

« Le territoire est devenu une marchandise comme une autre, une source de profit sur laquelle spéculer », explique IEW. « L’éparpillement de la résidence, des entreprises et des services publics dans la campagne obligent au recours exclusif à la voiture privée. Les ressources naturelles trinquent. L’activité immobilière est devenue l’économie numéro un de la ruralité. Dans les villes, les habitants subissent depuis des décennies les démolitions, la bétonisation, l’omniprésence des infrastructures vouées aux automobiles, la disparition des espaces verts et le manque d’intimité. L’artificialisation des sols et la dégradation des espaces publics, tant en milieu urbain qu’à la campagne, ne sont pas une fatalité, mais un choix de société. Ce mode de vie a été encouragé, notamment par la fiscalité. Il faut le regarder avec empathie pour mettre en œuvre des solutions qui répondent aux envies de tranquillité, de 'vues vertes' et de nature, tout en pesant moins sur l’environnement. Nettement moins. »

Le contenu du dossier

« Derrière ce titre, 'Stop béton', qui peut générer un certain agacement, il y a la réalité des constats environnementaux et la volonté d’expliquer comment nous en sommes arrivés là, pour comprendre la nécessité de stopper l’urbanisation », explique Hélène Ancion, l'auteur de l'étude. « Il serait temps de s’inquiéter des liens de cause à effet entre l’aménagement du territoire et le climat. »

« Dans le premier volet du dossier, 'Pourquoi stopper le béton ?', j’ai rassemblé des explications historiques à la situation actuelle », continue Hélène Ancion. « Il ne s’agit en effet pas seulement de rendre compte des dégâts causés à l’environnement et à notre santé, ce que fait très bien le 'Rapport sur l’Etat de l’Environnement Wallon'. Il s’agit de comprendre comment nous en sommes arrivés là. L’examen des causes permet de mieux percevoir les inégalités environnementales,  comme par exemple les villes réaménagées pour et par la voiture, avec à la clef des infrastructures agressives, sales et dangereuses que les riverains doivent côtoyer tous les jours. »

Le dossier aborde ensuite un second volet : 'Comment stopper le béton ?'. Hélène Ancion : « J’ai la conviction qu’on arrivera à stopper le béton seulement en regardant attentivement la façon dont on s’y est pris pour bétonner : c’est dans les raisons mêmes de l’éparpillement que nous trouverons des leviers pour aménager autrement et urbaniser mieux. La dégradation des espaces publics et de l’habitat, les sols de plus en plus bétonnés, cela se passe tant en milieu urbain qu’à la campagne. Il est temps d’inverser la tendance. »

8 balises
IEW propose donc 8 balises pour encadrer les projets d’urbanisme et leur permettre de faire autant de bien que possible à l’environnement et au lieu où ils prévoient de s’implanter : 

  1. l’accessibilité piétonne et en transports en commun : si on souhaite atténuer la dépendance à la voiture et aux autres modes de déplacements individuels motorisés, il faut que des alternatives crédibles et confortables soient maintenues et développées ;
  2. l’accessibilité aux cyclistes et aux PMR : regrouper l’accessibilité aux cyclistes, aux malvoyants et aux Personnes à Mobilité Réduite va de soi parce que ces approches requièrent une série d’exigences techniques qui peuvent se compléter et se renforcer ;
  3. l’échelle humaine : concevoir un urbanisme à échelle humaine, c’est regarder les sites et les projets depuis le sol. On réalise alors que les trajets peuvent être bien trop longs, les reculs et les gabarits trop monumentaux. A hauteur d’homme, de femme ou d’enfant, on prend mieux la mesure des constructions et du contexte, on évalue mieux les distances ;
  4. le paysage bâti et non bâti : le paysage champêtre se monnaie aujourd’hui en Wallonie comme une denrée rare. Quant au paysage bâti, on a trop vite fait de le considérer comme un fourre-tout sans intérêt dans lequel on peut faire tout et n’importe quoi, comme par exemple installer des infrastructures d’échelle régionale sans aucun souci pour les riverains ;
  5. le réemploi des matériaux et la restauration des bâtiments : la rénovation à des fins énergétiques est une opportunité pour adapter l’agencement intérieur d’un bâtiment, qu’il soit destiné à du logement ou à toutes autres fonctions. C’est aussi l’occasion idéale pour diviser une maison, ou pour remembrer plusieurs petites maisons en une seule unité. Les bâtiments en rénovation ou en voie de destruction doivent servir quant à eux de stock de matériaux dont chaque élément extrait est capable de resservir et sera ainsi valorisé sur place ;
  6. les aménités existantes : dans un lieu urbanisé, il y a toutes sortes d’aménités, qui profitent à un nombre illimité de personnes et ne s’épuisent pas quand quelqu’un en retire du plaisir ;
  7. les activités économiques existantes : les promoteurs de projets ont tendance à se poser comme solution (apporter des emplois, apporter des impôts locaux), tout en ignorant les richesses et la mixité du contexte dans lequel ils veulent s’implanter. Il ne faut pas les laisser dans l’ignorance ! Ils doivent nouer des synergies avec les entreprises, les commerces et les associations locales, pour s’insérer dans une dynamique, plutôt que pour l’affaiblir ;
  8. la végétation et les espaces verts en place - les continuités entre espaces naturels : il faut transformer les surfaces agricoles, les bois et les espaces verts urbains en vrais maillons d’une trame verte. Si l’on veut des villes et de villages neutres en carbone, il faut y laisser s’épanouir parcs, jardins et espaces verts à hauteur de 80% de la surface.

Des pistes pour l'avenir

L'auteur évoque encore différentes pistes d'avenir, telles que l'habitat léger démontable et déplaçable ou les écoquartiers (qui permettent de reconstruire la ville sur la ville), et propose une 'vision 2050', dans laquelle le Stop-béton est assumé et où « les développements territoriaux et urbanistiques contribuent à l’amélioration de notre environnement. Grâce à un réinvestissement massif dans les structures urbanisées existantes, la pression immobilière sur les espaces ouverts s’est enfin allégée. » Tout cela grâce à un changement de paradigme mis en place dès 2020, dans lequel le périurbain a accepté de ne plus croître indéfiniment et s’est restructuré pour former un réseau résilient face aux changements climatiques, notamment en préservant de vastes zones où la nature, les bois et l’agriculture extensive se développent de manière durable.

Une vision peut-être utopique et qui sera sans nul doute freinée par l'inaction (politique ou autre) et les procédures, mais qui a le mérite d'être écrite noir sur blanc et de laisser des traces, comme autant de petites graines semées qui ne demandent qu'à germer.

Le document complet est à télécharger ici.

 

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