Autoportrait : Charlotte Nys (Origin Architecture & Engineering)

Votre vision de l’architecture

Parmi les projets que vous avez réalisés, quels sont ceux qui vous procurent le plus de fierté, et pourquoi ?

Je suis bien entendu fière de tous les projets que nous avons menés avec Origin, car toutes nos missions concernent des bâtiments surprenants. Il s’agit de bâtiments, tous porteurs d'un passé fascinant, que l'on améliore afin de leur donner un nouveau sens. Si je dois en choisir un seul, ce sera un projet récent, celui de la rénovation du bâtiment Braem de la Vrije Universiteit Brussel. Le bâtiment du rectorat, conçu par l'architecte Braem, est un patrimoine moderniste, protégé depuis 2007, particulièrement fragile en raison de son langage formel, du symbolisme omniprésent et des défauts de construction. Grâce, notamment, à une rénovation de grande ampleur, le bâtiment reçoit aujourd'hui l'attention qu'il mérite et cette architecture globale, avec la symbolique qui l'accompagne, acquiert un nouveau sens grâce à des interventions astucieuses. Il est surprenant de voir comment une symbolique, conçue et intégrée dans la seconde moitié du XXe siècle, peut si facilement être transférée à nos nouvelles générations du XXIe siècle.

Pour quel projet en cours ou en préparation avez-vous des attentes élevées ?

J'attends beaucoup du Beffroi et du complexe des halles à Bruges. Le Beffroi représente la liberté et la démocratie, la responsabilité et la conscience de soi de la ville et du Brugeois. Les halles du Beffroi sont synonymes d'ouverture et d'échange entre les cultures, d'enrichissement mutuel et d'innovation : un lieu où l'humanité se développe. Pourtant, il semble que les Brugeois n’arrivent plus à s'identifier au site et qu’ils aient le sentiment que le bâtiment ne leur appartient plus. Ils doivent pouvoir s'approprier à nouveau ce bâtiment. Sinon, les halles et le Beffroi perdront à jamais leur sens et leur signification.

Dans l'attente du choix d'une réaffectation adéquate des bâtiments, nos études ont récemment été mises en stand-by. Un nouvel équilibre doit être trouvé entre la fonction touristique et les fonctions pour Bruges et les Brugeois. Cela démontre l'importance d'une reconversion adéquate dans laquelle le potentiel que le site a à offrir répondra aux besoins des Brugeois, de la ville et même, plus largement, existera indépendamment de ce qu’il est aujourd'hui. Le bâtiment le mérite.

Quel projet d’un autre architecte belge est selon vous une belle réussite ?

Il y a énormément d’architectes créatifs et engagés en Belgique à l’heure actuelle. Ils sont pour nous des sources d’inspiration évidentes : ALTSTADT, Stéphane Beel, Bovenbouw, Coussée Goris Huyghe, Damien Mathelart, FWWW, HUB, jo taillieu, JUXTA, KADERSTUDIO, MAKER, Marge, noAarchitecten, POOT, OFFICE Kersten Geers David Van Severen, Robbrecht & Daem, Schenk Hattori, URA et beaucoup d’autres encore. Une belle réussite est selon moi un projet récent, discret et harmonieux réalisé par Bovenbouw en 2018, à savoir la rénovation de trois bâtiments historiques éclectiques dans la Leysstraat à Anvers.

Quels architectes étrangers sont pour vous une grande source d’inspiration ?

Ici aussi, les architectes sont nombreux et fascinants. Parmi eux, certains sont passionnés par le patrimoine : Atelier Kempe Thill, Caruso St John, David Chipperfield, francesca torzo, KAAN, OMA, Peter Zumthor, Renzo Piano, Sergison Bates, Studio Paola Viganò, Wessel de Jonge, WITHERFORD WATSON MANN et bien d'autres.

Quels projets récents construits à l’étranger considérez-vous comme particulièrement réussis ?

Un projet patrimonial un peu plus ancien, datant de 2009 : le Neues Museum à Berlin, réalisé par David Chipperfield Architects. Et plus proche de nous – en 2020 – l’Imperial Kiln Museum de Jingdezhen, en Chine, réalisé par le Studio Zhu-Pei

Quel jeune architecte belge vous impressionne le plus pour le moment ?

Thomas Roelandts, de Marge architecten. C’est un jeune architecte qui, à la fois, sait bien concevoir, bien parler et bien écrire.

Quels aspects du métier d’architecte trouvez-vous passionnants ? Inciteriez-vous vos enfants à suivre cette voie ?

D'une part, je trouve fascinant le pouvoir de l'intelligence collective, créative et culturelle basée sur la solidarité et la transmission et, d'autre part, la conviction que l'architecture peut contribuer à être heureux ou à rendre heureux.

Quant à mes enfants, j'ai essayé de les aider à chercher leur propre ‘moi’, mais je ne sais pas si j'ai réussi à le faire. Mes deux fils suivent actuellement des filières d'architecture différentes, à Sint-Lucas et à la VUB, et ils semblent trouver leur voie.

Quelle rencontre fut décisive pour votre épanouissement en tant qu’architecte ?

Celle de Willy Van Der Meeren lors de mes études. Il trouait que notre vision du monde était trop fortement déterminée par un vocabulaire et par des images trop ancrées. Il ne cessait donc de nous donner de petits exercices de conception dans lesquels nous devions penser de la manière la plus large possible et, surtout, être capables de lâcher prise.

Vous reconnaissez-vous encore dans la jeune étudiante ambitieus que vous avez été ? Rêve et réalité se sont-ils rejoints ?

Oui et non… Lorsque j'étais étudiante, je voulais concevoir et construire ma maison. Ce rêve ne s'est jamais réalisé. En revanche, de nombreux autres rêves et souhaits, tant personnels que professionnels, se sont concrétisés.

Un peu de tout

Quel autre métier auriez-vous voulu exercer ? Infirmière ou médecin. Mon père est ingénieur-architecte et ma mère infirmière. A eux deux, ils forment une symbiose particulièrement inspirante entre la rationalité et la bienveillance.

Où avez-vous suivi votre formation en architecture ? A la VUB, où je donne, depuis 1999, un petit cours à des ingénieurs civils et à certains ingénieurs-architectes. C’est un peu comme un retour aux sources.

Chez qui avez-vous été stagiaire ? Chez l’architecte Richard Vermuyten, entretemps décédé.

Quel était le titre de votre travail de fin d’études ? Et de quoi parlait-il ? Des immeubles de bureaux.

Votre livre d’architecture favori : ‘A feeling of history' de Peter Zumthor et Mary Landing, un dialogue entre un architecte et une historienne à propos du processus de conception d’un bâtiment dans un contexte historique.  

Votre livre favori (hors architecture) : ‘De ontdekking van de hemel’ de Harry Mulisch, un des seuls livres que j’ai lu deux fois. Ce livre a également été le seul que j’ai lu en même temps que des amis, ce qui a donné lieu à de grandes et belles conversations.

Votre film préféré : ‘Poets of Mongolia’, un documentaire de Peter Brosens sur des gens ordinaires, leur identité avec le lieu dans lequel ils ont grandi et la façon dont ils peuvent y vivre la poésie à leur manière.

Votre programme tv préféré : ‘De afspraak’ (VRT), mais j’aime aussi énormément les séries policières irlandaises ou nordiques.

Votre musique favorite : Je suis fan du Kronos Quartet.

Que faites-vous volontiers pendant vos temps libres (si vous en avez) ? : J’ai très peu de temps libre, que j’utilise pour me promener à la plage, lire, dessiner et surtout discuter en famille et avec des amis.

La ville belge que vous préférez : Ostende, où la culture va de pair avec la nature.

La ville européenne que vous préférez : Rome et Paris, pour l’architecture et la culture. Deux villes que j'ai visitées récemment et que j'aime découvrir encore et encore.  

Dans quel pays auriez-vous voulu naître et grandir ? La Belgique, et particulièrement Bruxelles, me conviennent parfaitement. J’aime Bruxelles en tant que foyer multiculturel et multilingue, avec des endroits très diversifiés.

Etes-vous sportive, active ou passive ? Si oui, quel sport pratiquez-vous ? Il y a plus de dix ans, j'ai fait du ballet classique. Aujourd'hui, il me reste, de temps à autre, la course à pied, la marche et le cyclisme de loisir.

Votre site d’architecture favori : ArchDaily

D’autres sites web que vous appréciez particulièrement : Aucun, j’utilise internet essentiellement comme moteur de recherche d’informations.