Autoportrait: Nedda El-Asmar
L’inactivité est rarement de mise dans l’atelier de Nedda El-Asmar (51). Elle est à la fois fascinée par l’argenterie et insatiablement curieuse de tous les autres matériaux et techniques. « Les couverts sont mon cheval de bataille, mais tout m'intéresse », dit l'orfèvre, qui utilise toujours les couverts Ikea achetés pendant ses études. Intsite.be étant aussi curieux que Nedda El-Asmar, cela promettait une belle rencontre.
Pour cette rubrique Introspection, intsite.be s'invite dans l'atelier d'un(e) architecte d'intérieur, d'un(e) designer ou d'une agence de design. Aujourd'hui, c'est au tour de Nedda El-Asmar.
Quels sont les projets ou les objets réalisés dont vous êtes la plus fière et pourquoi ?
Je n'ai aucune création personnelle préférée. Je ne suis pas comme ça. Si vous me demandez ce qui m'intéresse, je vous répondrai : ‘tout’. Je suis très curieuse. Lorsque je reçois une commande, je peux généralement réaliser ce dont j’ai envie, ce que je veux. Cette situation est assez confortable et c’est peut-être la raison pour laquelle il m’est difficile de choisir une réalisation en particulier. Je ne peux pas non plus coopérer avec une marque ou une maison avec laquelle le courant ne passe pas. Je dois non seulement comprendre et ‘sentir’ le produit, mais aussi la marque. Si un projet ne se concrétise pas, c'est souvent parce que je n’y trouve pas mon compte.
Pour quel projet, objet, idée en réalisation ou en préparation avez-vous de grandes attentes ?
Après une période où j’ai réalisé beaucoup de commandes, je suis impatiente de me recentrer sur mes propres créations. Je suis très curieuse du résultat et des réactions. Je n'ai pas créé d’objet pour moi-même, sans commande préalable, depuis longtemps. J'ai d'abord travaillé seule pendant quatorze ans, puis dix ans avec Erik Indekeu et maintenant, je travaille à nouveau seule. J’en reviens à mes débuts et c'est très agréable.
Quel(le)s architectes d'intérieur ou designers étrangers sont pour vous source d'inspiration ?
Pour moi, c'est le regretté Tapio Wirkkala. Je suis particulièrement impressionnée par son savoir-faire. Je trouve fascinant le croisement entre, d’une part, la technologie et la recherche, et d’autre part, l’artisanat pur. Je retrouve cette attitude fortement développée chez Wirkkala. La façon dont il aborde les projets m’intéresse beaucoup.
Avec quels matériaux et/ou techniques préférez-vous travailler ?
Je continue à être fascinée par le métal et l'argenterie, mais en réalité, je m’intéresse à tous les matériaux, à toutes les techniques. J'enseigne également et cela me procure une grande satisfaction de guider mes étudiants en leur faisant expérimenter de nombreux styles et matériaux. Que ce soit du métal, du verre, du bois ou du cuir. Apprendre et expérimenter n'est jamais ennuyeux…
Je crois également beaucoup aux nouveaux matériaux, à leur développement et aux recherches qu’ils supposent. Cette collaboration fertile entre chercheurs et designers, artistes et créateurs, ne se produit pas encore suffisamment. Et je veux travailler sur ce sujet. Un chercheur ou un développeur a une certaine façon de penser. Expérimenter ensemble différentes visions peut amener à produire des choses très bénéfiques.
Quel(le) jeune architecte d'intérieur ou designer d'intérieur en Belgique vous impressionne actuellement ?
J’aime énormément Studio Plastiek. Ces designers sont très occupés avec la nature des matériaux et ce que l’on peut en faire. C'est ce qui est important pour le moment, je pense. C'est un duo qui vient de démarrer ; l'un d'entre eux a étudié au département Conception de bijoux et Argenterie à l'académie d’Anvers. Il y a aussi Studio Biskt, un jeune duo de Bruxelles. Lui développe des programmes et construit des imprimantes 3D et elle est céramiste. Technologie et développement versus artisanat, je trouve cette combinaison très belle.Il faut s’intéresser aux nouvelles technologies, mais il ne faut pas pour autant abandonner les techniques anciennes. Elles doivent être préservées et mises en pratique. Il faut pouvoir combiner les deux pour se faire une image globale. Et ne pas oublier que certaines techniques anciennes sont parfois plus durables que des techniques modernes.
Qu'est-ce qui vous fascine dans votre métier de designer ? Encourageriez-vous vos enfants à suivre vos traces ?
Comment les métiers existants peuvent-ils inspirer les jeunes designers à préserver et même à améliorer ces métiers ? C'est ce qui me fascine actuellement. La formation continue me passionne également. J'ai des enfants et ils ne semblent pas suivre le même chemin que moi. Pour moi, ce n’est pas obligatoire. Je communique à mes étudiants que la passion est cruciale. Ils doivent accepter de voir, pendant les 10 premières années de travail, leurs amis acheter une maison ou partir chaque année en vacances alors que, pour eux, ce sera beaucoup plus difficile. S’ils ne le réalisent pas maintenant, cela peut être frustrant.
Quelle rencontre a été décisive pour votre épanouissement professionnel ?
On rencontre en permanence des personnes qui vous ouvrent des portes et vous permettent de vous développer professionnellement. Vous apprenez alors à connaître de nouvelles personnes et ainsi de suite. En ce qui me concerne, mes débuts chez Hermès ont été très importants. C'est le regretté Jean-Louis Dumas (président du groupe Hermès et directeur artistique) qui m'a permis de venir en stage. Le fait que je puisse travailler pour eux à l’époque a été décisif pour moi et m’a véritablement formée.
Vous reconnaissez-vous toujours dans la jeune et ambitieuse étudiante que vous étiez ?
Absolument. Bien sûr, on évolue, mais on continue à chercher, à essayer et à être curieux. Ça, ça ne change pas… Parfois, je me complique la vie parce que je veux faire beaucoup de choses et savoir beaucoup de choses.
Quel est le tout premier objet design que vous avez acheté ?
Des couverts Ikea, achetés intentionnellement lors de ma première année à l’Académie. Quatre fourchettes, quatre couteaux et quatre cuillers, made in Japan. Je les utilise d’ailleurs toujours aujourd'hui.
Quel est actuellement l'objet design le plus important de votre intérieur ?
Ici non plus, je n'ai pas de préférence. Les objets qui m'entourent et qui me plaisent me rendent heureuse. J’en profite énormément. C'est le cas pour beaucoup de gens, mais cela se fait souvent inconsciemment. Si je dois citer un objet, ce serait… ma machine à expresso. Techniquement, ce n’est pas une réussite, car je dois souvent la faire réparer. Mais je la voulais tellement ! J’ai épargné pendant longtemps pour pouvoir me l’offrir. Autant je considère la fonctionnalité comme importante dans mon propre travail, autant ici, c’est l’esthétique qui était prioritaire. Mais je suis consciente de ce que j'achète. Je trouve la durabilité très importante.
Admettons que vous n’ayez pas de limites financières… Quel serait selon vous l'objet design ultime que vous installeriez chez vous ?
Parfois, en voyant un objet, je me dis ‘waw, celui-là, si j’en avais les moyens, je me l’achèterais bien !’. Mais après, je n’y pense plus. Je n’ai pas vraiment d’objet idéal. Je n’en ai pas non plus vraiment besoin… J’ai un toit au-dessus de ma tête, je peux m’acheter à manger et faire ce que je veux. Je suis donc quelqu’un de très heureux. Que vouloir de plus ?
Questions subito presto
Quel métier exerceriez-vous si vous n'étiez pas designer ? Médecin.
Quelle(s) formation(s) avez-vous suivie(s) et où ? Conception de bijoux et Orfèvrerie à l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers, puis un Master en Orfèvrerie Or et Argent, Travail du métal et Bijouterie au Royal College of Art de Londres.
Chez qui avez-vous fait un stage ? Hermès.
Quel était le titre de vos travaux de fin d’études ? Le café dans différentes cultures / Picnic for two.
Votre livre de design ou de déco d’intérieur préféré ? Eye, Hand and Thought, de Tapio Wirkkala.
Votre écrivain préféré ? Julian Barnes.
Votre film préféré ? Aucun.
Votre programme ou série télé préféré ? Peaky blinders.
Votre musique préférée ? Aucun, j’écoute toutes sortes de musiques.
Avez-vous beaucoup de temps libre et comment l’utilisez-vous ? C’est mon grand problème, le temps libre ! Lorsque j’en ai, je voyage.
Votre ville belge préférée ? Aucune en particulier.
Votre ville européenne préférée ? Londres.
Dans quel pays aimeriez-vous être né et avoir grandi ? Un pays comme la Belgique, mais plus chaud et davantage ensoleillé. Cela existe ?
Etes-vous une sportive active ou passive ? Active. Je cours.
Votre site internet professionnel favori ? dezeen.
Un autre site préféré ? Aucun.