Le réseautage : facteur clé du chantier circulaire

Pour illustrer la faisabilité des projets circulaires en Belgique, Arnaud Dawans, Responsable Innovation et Développement Durable des entreprises Jacques Delens s.a. (une filiale de Besix), partage avec nous trois projets de réemploi réussis. Il travaille avec ce qu’on appelle un « valoriste », une personne dédiée au tri des déchets de chantier dans le but de les optimiser et de trouver les bonnes filières pour revaloriser et réutiliser les matériaux.

 

Faites-vous du réemploi in situ dans vos projets ?

La tour à plomb, l’un des projets pour lesquels nous avons été désignés lauréat de « be.circular », a fait l’objet de beaucoup de réemplois sur place. La fonderie comporte une tour du haut de laquelle, jadis, des gouttes de plomb en fusion étaient lâchées. Par un principe physique, quand ces gouttes arrivent dans un bassin d’eau en bas, cela fait des billes parfaitement sphériques – qui étaient utilisées pour la chasse en Europe. Nous avons rénové toute la fonderie et la tour à plomb en testant des méthodes de réemploi de matériau in situ. Plus de 60 m3 de briques ont été récupérées lors des démolitions, nettoyées et remises en œuvre dans le projet lui-même pour des réparations et des fermetures de baies. Lors des terrassements, nous avons aussi trouvé des pierres naturelles : 20 à 30 m3 de pierres bleues ont été nettoyées et réutilisées comme mobilier urbain, tout comme les grandes poutres en chêne de l’ancienne structure. Pour le plancher, une partie en relativement bon état a servi de coffrage perdu alors que l’autre partie en mauvais état a dû être démolie.

 

La manière de collaborer sur ces chantiers circulaires est-elle différente des chantiers conventionnels ?

Nous avons formé nos ouvriers au nettoyage des briques anciennes et à leur remise en œuvre. Pour un autre projet lauréat de « be.circular », le projet Brederode, nous avons plutôt fait de la récupération hors-site. C’était l’occasion de tester les filières de récupération de matériaux, ainsi que de tester s’il était possible de réemployer les matériaux sur un de nos autres chantiers du moment. Nous avons constaté que les filières du réemploi nécessitent un développement plus approfondi. Dans ce projet, nous avons récupéré 1500 m2 de dalles de tapis, une centaine de luminaires, une soixantaine d’appareils sanitaires et 1500 m2 d’isolation acoustique de faux-plafond. Nous avons eu du mal à trouver des filières capables de récupérer des quantités aussi grandes. Nous nous sommes heurtés aussi à recaractériser ce matériel par rapport à ses performances acoustiques et thermiques. C’est possible via des laboratoires mais cela demande de l’organisation. En plus, les maîtres d’ouvrage des autres chantiers n’étaient pas prêts à « payer » pour quelque chose de déjà utilisé. Ils voulaient absolument du neuf. Finalement nous avons quand même trouvé un architecte et un maître d’ouvrage qui étaient prêts à réutiliser les matériaux.

 

Le prix est-il une des raisons du manque d’enthousiasme des maîtres d’ouvrage ?

Il faut savoir que le coût de la main d’œuvre de récupération, du transport, du stockage et de la remise en œuvre n’est pas toujours inférieur à du neuf. Le prix qu’on peut offrir au client n’est pas spécialement intéressant ou gratuit. Ça ne coûte pas systématiquement moins cher. On a donc du mal à convaincre les architectes et les maîtres d’ouvrage.

 

Que faites-vous en interne pour rendre les chantiers encore plus circulaires ?

Pour chaque nouveau projet de démolition, de déconstruction ou de rénovation, nous faisons un inventaire des matériaux pré-démolition et nous évaluons la faisabilité de réemploi hors-site via une série de contacts que nous avons établis dans nos précédents projets circulaires. Le réseautage est un facteur clé dans notre volonté de travailler avec les bons partenaires pour réaliser des chantiers dans une « économie circulaire ». Nous travaillons par exemple avec Tomato Chili qui réalise des serres urbaines, en récupérant de grandes quantités de vitrages provenant de menuiseries extérieures traditionnelles ou de cloisons de bureaux.  Nous travaillons aussi avec Retrival, des démolisseurs et démonteurs. Ils ont intégré ce principe de valorisation et réemploi depuis longtemps. Ils démontent quasi tout. Ils ont des filières de revente, via des contacts ou via leur site web. Nous collaborons aussi avec Rotor, comme à la Gare du Nord à Bruxelles, où nous avons récupéré 45 tonnes d’éléments tels que du carrelage, des rampes d’escalier, des luminaires, des plaques de marbre, qui ont tous été revalorisés.

Notre objectif est d’arriver à des chantiers quasi zéro déchets d’ici 3 ans.

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