« Pour la conception de toitures plates, les architectes devraient se faire aider par de vrais spécialistes. »

  • image
  • image
  • image
  • image
  • image
  • image

Affirmer que le toit fait, de plus en plus souvent, office de cinquième façade n’est pas exagéré. Alors que la couverture ne servait jadis qu’à protéger l’habitation de la pluie, elle joue aujourd’hui un ou plusieurs rôles supplémentaires (esthétique, espace de loisirs, isolation complémentaire, ….). « Malheureusement, les architectes n’en tiennent pas suffisamment compte quand ils conçoivent des bâtiments et leur couverture », déplore Johan Pastuer, Manager du centre de connaissance sur les techniques de couverture chez De Boer. Dans cet article, cet expert en la matière détaille les principaux points d’attention lors de la conception de toitures plates. 

S’il est mal conçu, un toit plat peut entraîner de sérieuses complications, de simples fuites à la dégradation de la couverture en passant par des problèmes de stabilité. Les conséquences ne sont pas à négliger, surtout si l’architecte n’a pas suffisamment tenu compte de la fonction souhaitée pour le toit. Bitubel, la fédération des fabricants belges de membranes bitumineuses, constate un manque de connaissances sur le sujet. Demander conseil à temps à l’un des membres de Bitubel – De Boer, Derbigum, IKO et Soprema – semble logique mais dans les faits, ce n’est pas souvent le cas. Ce deuxième épisode de la série que Bitubel consacre aux toitures bitumineuses sur Architectura.be est donc dédié aux principaux points d’attention lors de la conception de toitures plates. Pour tout savoir sur le sujet, nous avons interrogé ir. Johan Pastuer, Manager du centre de connaissance sur les techniques de couverture chez De Boer et reconnu comme expert dans cette matière complexe.

 

Capacité portante

Johan Pastuer : « La capacité portante d’une toiture est par défaut de 1 kN, soit cent kilos par mètre carré. Pour un toit plat classique qui demande un entretien régulier, cela est suffisant. Il en va, cependant, tout autrement pour une toiture sur laquelle marchent régulièrement plusieurs personnes ou sur laquelle sont déposés des éléments lourds – par exemple des panneaux solaires, des installations d’air conditionné ou de grandes dalles en béton. Il est, par conséquent, d’une importance cruciale que l’architecte tienne compte de la destination finale de la toiture pour calculer la capacité portante de la toiture. Étant donné la forte charge que les toits plats actuels doivent supporter, certains architectes optent déjà pour une capacité portante allant jusqu’à 3 kN (trois cents kilos par mètre carré). »

 

Pente

Johan Pastuer : « En outre, nous conseillons aux architectes d’accorder toute l’attention requise à la pente. Un toit plat n’est pas totalement horizontal mais présente généralement une légère pente (2% ou plus) pour faciliter l’écoulement des eaux. D’autre part, le plancher de la toiture a tendance à fléchir légèrement au fil du temps. Le concepteur doit donc prendre en compte aussi bien la pente minimale requise que le fléchissement. S’il ne le fait pas, dans le pire des cas, des flaques pourront se former, ce qui rendra la charge sur le toit, par temps de pluie, plus importante que prévue. Il faut aussi faire attention aux couches de pente légères – comme les chapes en béton qui contribuent à l’isolation acoustique et/ou thermique de la toiture. L’humidité qu’elles contiennent est souvent emprisonnée dans des membranes très peu perméables à la vapeur et ne peut donc pas s’échapper par la surface du toit. Cela peut entraîner des problèmes d’humidité et/ou la formation de moisissure sur la face intérieure du toit. »

 

« Il est crucial que l’architecte tienne compte de la destination finale du toit pour calculer la capacité portante de la toiture. »

 

Classes de climat intérieur et pare-vapeur

Johan Pastuer : « Pour déterminer le type de pare-vapeur en fonction des classes de climat intérieur, il est important que l’architecte tienne compte d’éventuelles futures modifications dans l’utilisation du bâtiment. Dans le cas d’un nouveau bâtiment industriel avec des tôles profilées en acier et avec pas ou peu de production continue d’humidité et pour lequel aucun pare-vapeur n’aurait été prévu au départ, il peut être utile, lors du choix d’un pare-vapeur, de prévoir que le bâtiment évoluera à l’avenir vers un bâtiment avec production d’humidité. Dans le cas de toitures bitumineuses, il est préférable de remplacer les pare-vapeur constitués de feuilles de PE par des pare-vapeur bitumineux. Ces derniers garantissent un meilleur raccord avec la membrane d’étanchéité bitumineuse. En outre, la technique de compartimentage du pare-vapeur (relier étanchéité et pare-vapeur dans des compartiments séparés) est encore trop peu utilisée. Cette technique empêche que les infiltrations d’eau ne soient repérées trop tardivement et ne viennent mouiller l’isolant sur une grande surface. »

 

Hauteur du relevé et lestage

Johan Pastuer : « La hauteur du relevé des bords n’est pas toujours respectée, surtout lors de la rénovation ou de la post-isolation de toitures plates. Même s’il prévoit un lestage – comme des pavés sur la toiture bitumineuse – l’architecte doit tenir compte des conséquences éventuelles. Des granulats de petite taille sont peut-être intéressants esthétiquement parlant mais sont souvent trop peu résistants au vent et risquent ainsi de provoquer une charge irrégulièrement répartie sur le toit. Un autre problème fréquemment rencontré est la formation de mousse, bien que les toitures bitumineuses n’en souffrent heureusement pas. C’est davantage l’esthétique du toit qui en pâtit. »

 

Faisabilité

Johan Pastuer : « Il est parfois nécessaire de réfléchir à la faisabilité de certaines idées créatives. Des points de repère futuristes comme la nouvelle maison portuaire à Anvers sont, certes, très beaux mais exigent une bonne dose d’inventivité pour être étanchéifiés correctement.  Il est évident que cela n’arrange rien au coût et à la durée du chantier. Il n’est pas souhaitable que les entrepreneurs se cassent la tête sur des porte-à-faux, différences de niveau, volumes hors normes ou autres lanterneaux. Ce sont justement de telles particularités qui entraînent le plus de risques de fuite ou de dégradation. Raison pour laquelle nous lançons un appel aux architectes : faites en sorte que cela reste faisable. »

 

« Il est parfois nécessaire de réfléchir à la faisabilité de certaines idées créatives. Ce sont de telles particularités qui entraînent le plus de risques de fuite ou de dégradation. »

 

Cahiers des charges contradictoires et adaptations improvisées

Johan Pastuer : « Les cahiers des charges contiennent régulièrement des contradictions et incongruités – comme demander un système multicouche entièrement collé, alors que la couverture doit être appliquée sur une isolation en PIR qui exige un encollage partiel. Bien souvent, c’est une conséquence de l’habitude qui consiste à copier des extraits d’autres cahiers des charges. Autre exemple : exiger des sous-couches agréées ATG, alors que cet agrément ne porte que sur les couches supérieures; ce n’est bien sûr pas la règle, mais pas non plus l’exception. Le même constat vaut pour les adaptations de dernière minute. Les membranes autocollantes sont de plus en plus à la mode parce qu’elles permettent de ne pas manipuler du feu sur la toiture, mais elles ont comme inconvénient d’être plus difficiles à placer par temps froid. Sur certains chantiers, on improvise alors un nouveau système de toit pour quand même pouvoir continuer, ce qui n’est pas une bonne idée et peut avoir de très fâcheuses conséquences. »

 

Avaloirs

Johan Pastuer : “Le nombre, les dimensions et l’emplacement des avaloirs est aussi bien souvent source de créativité. Quand les avaloirs classiques viennent à se boucher à cause de l’accumulation de feuilles ou d’une très forte averse, et que le niveau de l’eau sur la toiture s’élève, augmentant la charge, des trop-pleins offrent une solution. Il s’agit de leur accorder toute l’attention nécessaire car une bonne évacuation des eaux est capitale pour la qualité de la toiture ! »

 

Membranes et isolation

Johan Pastuer : “Choisir la bonne membrane est bien sûr également important. Les bitumes SBS – élastomères – ne résistent pas aux UV et demandent donc une protection minérale. En d’autres termes, méfiez-vous des couches supérieures de type SBS avec une finition sablée ou des variantes recouvertes de talc.  Non seulement la membrane, mais également l’isolation deviennent plus importantes en fonction des poids qu’elles sont amenées à supporter. Elles doivent donc être suffisamment résistantes à la compression pour que la déformation sous l’effet de la charge corresponde à ce qui a été prévu.”

 

« Les cahiers des charges contiennent régulièrement des contradictions et incongruités. »

 

Toitures végétalisées

Johan Pastuer : « Par rapport aux toitures bitumineuses classiques, les toitures végétalisées requièrent des directives spécifiques. Citons, par exemple, la norme européenne pour la détermination de la résistance aux racines ou le compartimentage pour la résistance au feu volant  – une toiture verte doit être divisée en plusieurs compartiments ne dépassant pas une certaine taille, séparés les uns des autres par des bandes de gravier d’une certaine largeur.  Il existe, en outre, des directives concernant la distance par rapport aux vitrages, la hauteur de la végétation, le type de végétation pouvant se développer sur des toits selon une certaine pente et/ou orientation … Les notes d’informations techniques du CSTC sur les toitures végétalisées reprennent une longue liste de plantes conseillées. Les systèmes bitumineux bicouches entièrement collés sont le meilleur choix pour réaliser l’étanchéité des toitures végétalisées de manière durable et sûre. 

 

Conseil et assistance

Johan Pastuer : « Pour résumer, on peut affirmer que les connaissances qu’ont certains architectes en matière de toitures plates laissent un peu à désirer. Ce n’est pas un reproche mais un constat. Il ne faut pas mal interpréter mes propos : les architectes sont en général tout sauf fainéants, ignares ou négligents. Le toit est une composante essentielle du bâtiment, qui ne cesse de se complexifier. L’architecte doit être à l’aise dans de très nombreux domaines différents pour être un bon généraliste. Il est donc important qu’il se fasse aider par de vrais spécialistes. Quand apparaît un problème aigu, il est parfois trop tard… Bref : adressez-vous, à temps, à un expert et n’hésitez pas à demander conseil et assistance.”

 

Vous trouverez plus d’informations sur les toitures plates bitumineuses sur www.bitumeninfo.be

  • Partager cet article

Nos partenaires