Archi-militant : L'architecture est un sport de combat

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Bruxelles a été touchée par de mémorables désastres architecturaux. Cela lui a d'ailleurs valu de donner son nom à un syndrome : la bruxellisation. Heureusement, une page semble avoir été tournée. Ce qui ne doit pas nous dispenser de rester vigilants. Ainsi, récemment, la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) a tenu tête aux diplomates de l'ambassade des Etats-Unis...

 

Dans un premier temps, ceux-ci avaient imaginé pouvoir faire raser le bâtiment historique de la Royale Belge construit au boulevard du Souverain entre 1965 et 1967 par les architectes Pierre Dufau (FR) et René Stapels (BE). Ensuite, faute de pouvoir réduire en miettes ce symbole de l'architecture bruxelloise, les diplomates avaient alors envisagé d'y faire réaliser des travaux lourds par le promoteur Cofinimmo, propriétaire du bien. Grâce à la vigilance de la CRMS, le bâtiment restera intact. Et c'est tant mieux, car le bâtiment de la Royale Belge est considéré comme une des réalisations méritoires de l'architecture fonctionnaliste.

Né dans les années '60, ce mouvement n'a pas laissé que de belles traces dans le paysage bruxellois. Notamment avec le Botanic Building pourtant signé par l'architecte inspiré Henri Montois. N'était-ce pas là une bonne raison de plus pour conserver les réalisations les plus réussies de ce mouvement architectural ? Rappelons ici que l'on doit à l'architecture fonctionnaliste des immeubles comme le premier siège de Swift à la Hulpe ou le très atypique et singulier bâtiment Glaverbel, à un jet de pierre de l'immeuble de la Royale Belge. Ce faisant, la CRMS réaffirme son autorité dans une zone très convoitée par les promoteurs et où l'on craignait de voir son autorité voler en éclats. Rappelez-vous : c'était lors du chantier du nouveau CoBAT, le Code Bruxellois de l'Aménagement du Territoire.

C'est vrai : la CRMS enquiquine parfois les architectes amoureux des belles réhabilitations pour des questions tatillonnes liées à l'aménagement de bâtiments classés. Quelque part, ces architectes enquiquinés seront heureux de voir la CRMS se montrer tatillonne à l'endroit des promoteurs trop pressés de faire place « nette » pour y installer leurs projets, fût-ce au prix de la destruction d'une partie de notre patrimoine architectural.

Au-delà de ce qui pourrait apparaître comme un goût pour les batailles d'arrière-garde, le soulagement que j'exprime ici est celui d'un homme qui aime les belles choses. Rassuré de voir que les constructions fonctionnelles mais sans âme ne peuvent finalement pas détrôner aussi facilement les beaux témoignages du passé. Après tout, comme se plaît à le dire l'architecte français Rudy Ricciotti dans son livre publié en 2013, l'architecture n'est-elle pas « un sport de combat » ?

 

Journaliste indépendant et fier de l’être, Johan Debière cultive depuis de longues années une passion pour l’énergie et l’économie circulaire, mais pas seulement. Dans Archi-militant, il pose chaque mois un regard critique ET constructif sur l'actualité architecturale.

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