J'ai découvert avec amusement que le métier d'architecte avait intégré la liste des métiers en pénurie, rejoignant ainsi le métier de boucher, de comptable ou encore de développeur informatique. Cela me semble très significatif, car en 2022, le métier d'architecte avait réussi à disparaître de cette fameuse liste.
Si certains métiers reconnus pour être dangereux et/ou très ingrats semblent voués à être abonnés à vie à cette liste des fonctions en pénurie, comme le métier d’éboueur ou de conducteur de poids lourds, il est a priori plus surprenant de voir un métier d’esprit comme l’est le métier d’architecte rejoindre ce palmarès des fonctions les plus difficiles à pourvoir. Après tout, l’architecte n’est-il pas là pour puiser dans sa créativité et ses connaissances techniques pour répondre à un besoin agréable: celui de se jouer des contraintes physiques logiquement attendues pour abriter confortablement des personnes ou des biens.
Pour essayer de trouver un début d’explication, comme à mon habitude, je me suis lancé dans une petite revue de presse. A Bruxelles, la réponse m’est apparue assez clairement si je considère ne fût-ce que le titre de cet article tout frais de mes collègues de la Dernière Heure: Quand les communes “tuent” l’urbanisme bruxellois : architectes et promoteurs dégoûtés des procédures. Je poursuis mes pérégrinations, et là, que ne découvrais-je quelques secondes après? Une carte blanche publiée dans Le Soir signée par une brochette de bons architectes (notamment par Philippe Meilleur), se plaignant cette fois du manque d'ambition architecturale et du manque de courage politique, en Wallonie cette fois.
J’arrête là les frais, car la rubrique Archi-Militant ne compte pas autant de pages qu’un bon Zola…
En réalité, si l’architecte peut parfaitement se faire un plaisir de jouer avec les contraintes d’espace, avec les contraintes paysagères, voire même avec les contraintes budgétaires (construire mieux et plus beau pour moins cher peut être valorisant), les choses deviennent effectivement infiniment plus pénibles lorsqu’il doit se débattre avec les contraintes des joueurs de “poloche”, mot d’argot (peu connu, je l’admets) qui désigne si bien les minables manoeuvres du monde politique et de l’administration. Ca, tout le monde le sait; ce n’est pas un scoop. En revanche, ce qui est déconcertant, c’est de voir les pouvoirs publics (le FOREM en fait partie) pointer cette situation qu'ils ont eux-mêmes de manière ou d’une autre contribué à créer. Et le pire n'est pas encore dit, car ce manque de courage politique touche bien d'autres fonctions elles aussi essentielles au bon développement de nos sociétés: les profs, les infirmières etc. Preuve que les joueurs de “poloche” ne sont (malheureusement) pas à un paradoxe près.