Autoportrait : Joël Coupez (Bureau Coupez & Associés Architectes)

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À l'occasion de la première belge du film The Competition organisée à Namur le 5 novembre 2014, Architectura a demandé aux architectes participant à la table ronde de jouer le jeu de l'autoportrait. Après avoir présenté quatre des cinq architectes belges qui, comme Jean Nouvel ou Zaha Hadid, passent des nuits blanches dans l'espoir de remporter des concours, nous clôturons la série avec l'autoportait de l'architecte Joël Coupez (Bureau Coupez & Associés Architectes), modérateur de la table ronde.

Sa vision de l’architecture

Parmi les projets que vous avez réalisés, quels sont ceux qui vous procurent le plus de fierté, et pourquoi ?

Le plus beau projet est celui que nous enfantons chaque jour. Il reste un projet qui me tient à coeur, c’est la maison du chanteur baroque Dominique Corbiau. La charpente en décagone étoilé et tridimensionnelle reste à ce jour unique. Cette prouesse architecturale dessiné pour des compagnons charpentiers du tour de France a été réalisée au final par une entreprise clef sur porte spécialisée en bois. Ma maison privée, très organique et précurseur en écoconstruction, reste après 20 ans toujours source d’émotion architecturale pour moi. C’était l’époque où j’ai commencé l’aventure Bois et Habitat.

 

Pour quel projet en cours ou en préparation avez-vous des attentes élevées ?

Nous travaillons sur un quartier d’habitation à proximité de la gare de Libramont. Le développement urbanistique rencontre les véritables enjeux du développement durable comme jamais. Du social, de l’environnemental dans une accessibilité économique. Cela mobilise notre équipe et nous travaillons de l’échelle de la clinche à la ville. Nous cherchons quelque chose de contradictoire : une variété chaotique organisée et harmonique.

 

Quel projet d’un autre architecte belge est selon vous un coup dans le mille ?

J’aime le travail organique d’un ami de bac à sable, Damien Carnoy. Nous avons construit ensemble des cabanes en bois dans les arbres, maintenant on construit encore souvent en bois mais avec des fondations solides.

 

Quels architectes étrangers sont pour vous une grande source d’inspiration ?  

Pour l’essentiel, ils ne sont pas architectes sauf Peter Zumthor qui fut à l’origine menuisier. C’est la plastique de la lumière de Le Corbusier essentiellement en France, la richesse du détail de Carlo Scarpa en Italie. Au Japon, la chapelle sur le mont Rocco de Tadao Ando, maintenant à l’abandon, m’a inspiré lors d’un travail collectif sur l’Eglise Saint Roch du Quartier Nord réalisé avec Philippe Bultot.

 

Quels projets récents construits à l’étranger considérez-vous comme particulièrement réussis ?

J’ai eu des émotions architecturales très fortes lors de la visite du Walt Disney Concert Hall à Los Angeles, l’oeuvre majeure de Frank O Gehry. La petite chapelle de Zumthor près de Cologne ou les thermes de Valls, aussi.

 

Quel jeune architecte belge vous impressionne le plus pour le moment ?

Je ne citerai pas un nom, mais j’accueille de nombreux jeunes au Bureau Coupez, de profils, études et nationalités diverses qui ont un réel potentiel.  

 

Quels aspects du métier d’architecte trouvez-vous passionnants ? Inciteriez-vous vos enfants à vous suivre dans cette voie ?

La richesse de l’architecte est de pouvoir, sur base de la lecture d’un plan, la visiter et en éprouver émotions intenses. Le son des espaces, la lumière, les senteurs, les textures, tout est là pour l’architecte qui a appris à lire. Ensuite, il y a la richesse humaine de toutes les rencontres, car nous, architectes, ne réalisons pas, ni pour nous ni avec nos mains. Nous ne faisons que communiquer notre enthousiasme à l’espace. L’architecture est un métier qui nécessite une maîtrise universelle et généraliste. Je m’intéresse particulièrement aux terroirs, aux humains et aux matières à mettre en œuvre.  Les processus nouveaux d’exécution font l’objet de ma curiosité. Nous imprimerons bientôt nos maisons. « Il faut faire aujourd'hui ce que fera tout le monde demain », aphorisme de Jean Cocteau écrit sur le mur du Bureau Coupez et associés architectes.

Je passe mon temps à décourager les jeunes de la voie de l’architecture car c’est un apostolat, 7 jour sur 7, mal compris car métier mythique. Ce n’est pas un métier économique et rien n’est sûr pour demain. J’ai deux filles. Et pourtant l’une étudie l’architecture à la VUB, non sans avoir vérifié si je n’en étais pas fâché. Mais elle souhaite créer des espaces cinématographiques.

 

Quelle rencontre fut décisive pour votre épanouissement en tant qu’architecte ?

J’ai abouti à l’architecture par erreur mais sans regret. J’étais, adolescent, un inventeur fou en microélectronique et peintre hyperactif. La quadrature de ce cercle était ces études d’ingénieur architecte. J’ai gardé les deux facettes de ma personnalité qui travaillent avec la même énergie dans ma profession.

Les rencontres sont autant le fait d’homme que d’architecture. Je disais à mes étudiants à Buenos Aires, qu’il n’est pas possible d’éprouver une émotion architecturale sur du papier glacé. Donc voyager et visiter, c’est toujours décisif.

 

Vous reconnaissez-vous encore dans le jeune étudiant ambitieux que vous avez été ? Rêve et réalité se sont-ils rejoints ?

Nous étions cinq ingénieurs architectes dans ma promotion, nous voulions refaire le monde. Je veux toujours refaire le monde d’où mon engagement associatif; heureusement le monde change. J’ai eu la chance de réaliser ma vision à plusieurs reprises par le partage de l’idée (FEBIA, Bois et Habitat, cap2020, UWA), ce qui m’encourage à aller plus loin.

 

Un peu de tout

Quel autre métier auriez-vous voulu exercer ?

L’inventeur d’aspirateur Dyson mais il a été plus rapide que moi. J'étais alors cuisinier mais uniquement pour mes amis et sans possibilité de faire deux fois le même plat. En fait l’architecture et la cuisine procèdent du même travail, partir de bon matériaux et ingrédients, les transformer de manière juste pour émerveiller les sens et générer des émotions.

J’ai fait pendant 8 ans du théâtre d’improvisation, mais c’était une recherche pour comprendre les mécanismes de la création. J’ai animé ensuite des ateliers d’écriture. En tant qu’architecte, je change de métier tous les 5 ans pour être sûr de ne pas m’ennuyer. Ce que je fais le mieux, c’est être un homme de réseau au service des autres.

 

Où avez-vous suivi votre formation en architecture ?

A l’université de Louvain-la-Neuve, je suis ingénieur Architecte sorti en 1987.

 

Chez qui avez-vous été stagiaire ?

Chez Evraert de ’t Serclaes et surtout chez Joseph Polet, aux Ateliers de Bruxelles. J’ai apprécié son humanité et ce plaisir de la matière.

 

Quel était le titre de votre travail de fin d’études ?

« Principes d’application à l’architecture des installations d’art plastiques », un sujet assez décalé dans une faculté d’ingénieur civil avec un promoteur I. Vande Vivere, historien de l’Art et conservateur du Musée de Louvain-la-Neuve. Un jury composé d’artistes belges de premier plan dont Roulin, Tapta, Glibert, …

 

Votre livre d’architecture favori

Un livre jumbo dédicacé par mon ami, comme c’est écrit, Santiago Calatrava. J’aime en fait sa poétique et sa recherche de lignes fractionnant la lumière aux nuances de gris.

 

Votre livre favori (hors architecture)

« Le passeur de Lumière », de l’auteur de théâtre et maître vitrier brabançon Bernard Tirtiaux.

 

Votre film préféré

Peter Greenaway, réalisateur architecte,, pour sa structure « Drowning by numbers »,  l’ambiance « Meurtre dans un Jardin anglais » et le propos « Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant ». Cela correspond tout à fait à mon univers … je ne sais pas pour l’amant.

J’ai revu récemment « Diva » de JJ Beneix et ai été surpris combien ce film m’a inspiré d’espaces ou d’ambiances lumineuses.

 

Votre programme tv préféré

Le JT, tant j’y ai des amis qui y travaillent et pour mon intérêt sur la chose publique. Mais je suis plus cinéphile que télévisuel, car né dans une boite de pellicule.

 

Votre musique favorite

Je suis sourd et j’apprécie les respirations, les temps de tension entre deux phrasés. J’ai des goûts très éclectiques, de l’opéra, passant pas l’électro-jazz à la techno.

 

Que faites-vous volontiers dans vos temps libres (si vous en avez) ?

D’abord bouger, voir et visiter pour me ressourcer. Je suis un peu hyperactif (euphémisme) et recherche tout ce qui peut éveiller les sens et générer émotions créatives.

 

La ville belge que vous préférez

La Hulpe, petit village Gaulois qui m’a accueilli après Bruxelles et la Flandre natale. Il y fait tellement bon vivre et y travailler.

 

La ville européenne que vous préférez

J’ai passé des heures merveilleuses à Paris, et y ai de nombreux amis et de la famille. Je me suis fait la réflexion que c’est une ville où je pourrais enfin y vivre, car elle évolue en qualité. Ce n’était pas le cas, il y a 30 ans.

 

Dans quel pays auriez-vous voulu naître et grandir ?

J’ai failli déposer mes valises en Argentine à Buenos Aires et épouser une des assistantes avec qui j’enseignais l’architecture. J’y suis retourné récemment, les gens y sont toujours adorables, mais je n’ai aucun regret, car là-bas les architectes restent enseignants ou chauffeurs de taxi (ils savent lire les plans).

 

Êtes–vous sportif, actif ou passif ? Quel sport ?

Je faisais du squash régulièrement. Suite à un accident de ski, j’ai du me calmer et pris du poid. La voile hauturier est le meilleur ressourcement, sans gsm ou mails. J’ai cédé récemment mes parts d’un voilier commun.

 

Votre site d’architecture favori ?

Soyons nombriliste www.bureaucoupez.be présent depuis 1997.

 

D’autres sites Web que vous appréciez particulièrement ?

Je travaille beaucoup à la virtualisation de notre métier. Un des essais est www.mamaisonmonbudget.be, un devis construction en ligne pensé par des architectes.

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