Cuisines ouvertes, places assises, storytelling et réseaux sociaux

Combien de places assises ? Une cuisine ouverte ou non ? Focaliser l’attention sur les plats, sur du storytelling ou les deux ? A quel point les réseaux sociaux sont-ils importants ? Tout qui gère ou veut démarrer un établissement Horeca doit prendre des décisions organisationnelles et philosophiques. Et doit aussi s’y retrouver financièrement. Le 19 août dernier, intsite.be a posé ces questions à des experts, venus participer à une table ronde consacrée à l’Horeca.

 

Les participants à cette table ronde sont fabricants, architectes (d’intérieur) et patron dans l’Horeca : Walter Dox de DOX Acoustics, Tony Decavele de ZUMI, Laura Erens et Janine van Cann d’Isolco, Jurgen Kegels de Gyproc, l’architecte d’intérieur Lieven Musschoot, l’architecte Massimo Pignanelli (UAU Collectiv), le designer Maarten Groven (Creneau International) et Dirk Daniëls, patron de la brasserie-restaurant De Beurs à Maaseik.

Ouverte, semi-ouverte, fermée ?

Une cuisine ouverte, semi-ouverte ou fermée ? Voilà l’une des décisions que doit prendre un propriétaire d’établissement Horeca. Les cuisines ouvertes veillent à davantage d’interaction et d’animation, mais sont-elles toujours bénéfiques pour l’ambiance générale, ne sont-elles pas trop bruyantes ? Maarten Groven : « J'opte presque toujours pour une place au comptoir ou à la table du chef. Cela permet d’entendre les poêles et les casseroles… C'est de la nostalgie pure, comme si je retrouvais l’ancienne cuisinière de ma grand-mère. En Allemagne, il existe de nombreuses brasseries, où, en même temps, vous pouvez boire quelque chose et voir comment la bière est fabriquée. On m’a dit que, selon les clients, la bière avait meilleur goût lorsqu’on s’asseyait tout près des installations de brassage… »

Laura Erens nuance : « Cela dépend de l'expérience du restaurant. Une cuisine ouverte peut être un ajout, mais pas toujours. La conversation peut être gênée par le bruit et tout le monde n'aime pas cette sensation de bruit permanent. Dans une atmosphère intimiste, je trouve qu’une cuisine ouverte n’est pas l’idéal. » Dirk Daniëls le confirme : « Cela dépend du restaurant. Chez nous, lorsque c’est rempli, vous n’aurez vraiment pas envie d’être assis près de la cuisine. » C'est souvent aussi le choix du chef. « Certains chefs veulent être vus », explique Lieven Musschoot. « Je propose très souvent des cuisines ouvertes ou semi-ouvertes dans les projets que je conçois. Une cuisine ouverte est également une motivation supplémentaire pour maintenir le niveau d'hygiène. Et peut-être aussi que le chef crie moins sur son personnel… »

Storytelling vs bien manger

En 2019, le storytelling (la narration) est sur toutes les lèvres. Suffit-il simplement de servir de la bonne nourriture pour faire connaître un nouvel établissement ou une belle histoire et un décor attrayant sont-ils aussi importants ? Laura Erens : « Une histoire est importante et peut certainement attirer des clients. Un aménagement spécial, un beau concept jouent aussi un grand rôle. Mais si l'histoire est-elle belle mais que mais l'hygiène est désastreuse ou  la nourriture médiocre, les clients ne reviendront pas. »

 « Il est important de raconter une histoire et de montrer clairement que l’ambiance, l’aménagement intérieur, le design et la nourriture font partie intégrante de cette histoire », estime Maarten Groven. « Votre narration doit se refléter dans la globalité de l’établissement : dans le menu, les couverts, et même la façon de servir et d’aborder les clients. » Cette narration peut être très simple. « Regardez les restaurants grecs à Genk. Peu d’attention est portée au décor, mais ils sont pourtant remplis, car l’ambiance est bonne, la nourriture est savoureuse et l’histoire est cohérente », déclare Massimo Pignanelli. Tony Decavele acquiesce : « Il existe de nombreux exemples de restaurants qui accordent peu d’attention à l’aménagement et au concept, mais cela fonctionne pourtant extrêmement bien,  précisément grâce à ce peu d’attention. De Siphon, à Damme, en est un parfait exemple. Il y a des choses auxquelles on ne peut pas toucher... »

Places assises

Un autre sujet de discussion concerne le nombre de places assises. Le gérant souhaite-il rentabiliser l’espace ou, au contraire, laisser de la place pour proposer une salle plus calme ? Massimo Pignanelli : « Nous avons déjà expérimenté que nous pouvions arriver à une belle conception avec 40 chaises. À la fin, le client a décidé de modifier le plan et d’y installer 60 chaises. Le résultat ? L’alignement de base a été complètement détruit et les clients étaient trop proches les uns des autres, ce qui leur déplaisait. Plus de places assises ne signifie donc pas nécessairement plus de revenus. » Un argument avec lequel Dirk Daniëls est d’accord : « Le nombre de places ne détermine pas le chiffre d'affaires. Il y a suffisamment de techniques pour s'assurer que l’établissement puisse être  rempli lorsqu'il vous devez le remplir. Personnellement, j'aime un certain confort. Cela m’offre également davantage de possibilités pour modifier la disposition en cas d’annulation ou d’ajout. »

Réseaux sociaux et nouveaux médias

Aujourd’hui, les réseaux sociaux et les nouveaux médias jouent un rôle important dans l’Horeca. « J’ai un double sentiment à ce sujet », avoue Maarten Groven. « Traduire l’ambiance et l’atmosphère d’un établissement vers le monde extérieur est important, mais certaines choses ne sont conçues que pour être instagrammable. Je ne pense pas que ce soit la bonne attitude. Je recommande même de rester d'abord éloigné d'Instagram. Il faut surtout regarder le client dans les yeux et tout déterminer à partir de çà. Les réseaux sociaux ne sont qu'une des branches de l'arbre. »

 « Nous ne faisons pratiquement rien sur les réseaux sociaux », reconnaît Dirk Daniëls. « Je ne m’en occupe pas, je laisse cela à des jeunes qui, depuis deux ans, s’en occupent de temps en temps. De plus, je ne lis plus les critiques sur Resto ou TripAdvisor. » Lieven Musschoot pense que c'est une bonne idée : « Il vaut mieux ne pas les lire. Les clients sont devenus beaucoup plus responsables, en partie grâce aux médias sociaux. » L’importance des avis et des forums ne doit pas être sous-estimée pour autant. « Si vous arrivez dans une ville que vous ne connaissez pas, de telles critiques constituent un bon indicateur », affirme Walter Dox. « Mais il est vrai que les clients sont devenus plus responsables. De plus, l'envie de poster une réponse est plus grande en cas d'expérience négative que dans le cas d’une expérience positive. »

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