Des lieux pensés par des architectes, pour et avec les personnes autistes
Le projet ACTE – Autisme en Contexte. Théorie et Expérience – vient de s’installer sur le campus du Solbosch (ULB) dans des locaux flambant neufs, pensés pour et avec les personnes autistes et leurs familles. Un projet mené avec le soutien de la Fondation ULB et conçu par les bureaux d'architectes Central et V+. Des architectes qui ont pris le temps, en amont du projet, de discuter avec des parents et des adultes avec autisme et d'aller visiter plusieurs institutions qui accueillent des enfants et adultes autistes.
En juin 2017, l'équipe d'ACTE a décidé de créer un centre de recherche dédié au Trouble du Spectre de l'Autisme au sein des locaux de l'ULB. Ce type de centre, à la conception architecturale axée spécifiquement sur l’autisme et ses particularités sensorielles, vient d'ouvrir ses portes. Il n’a pas d’équivalent en Belgique.
L'objectif est d’aller au-delà d’un simple laboratoire de recherche sur l’autisme. Ce centre est bien sûr muni de salles d’expérimentation et d’observation, mais aussi d’espaces où les personnes avec autisme et leurs familles peuvent évoluer en confiance, s’informer et assister à des conférences scientifiques. Il s’agit ainsi d’une opportunité exceptionnelle pour le monde de la recherche et celui des familles d’interagir, de s’écouter et d’avancer ensemble.
Pour que les autistes se sentent bien
« Nous voulions des locaux où les autistes se sentent bien; comme ce dôme - ou l’igloo comme nous l’appelons -, où ils peuvent s’isoler s’ils le souhaitent », explique Mikhail Kissine, directeur d’ACTE, à l’origine de ces espaces de recherche et d’enseignement. « Dans ces nouveaux locaux, nous réussissons à limiter les perturbations; les personnes autistes se sentent mieux et in fine, nos observations se déroulent mieux, les biais scientifiques en sont limités. »
C’est ici que l’équipe ACTE mène ses recherches centrées en particulier sur le langage et le trouble du spectre de l’autisme : environ 50% des enfants autistes ne commencent à parler qu’entre 3 et 6 ans et 30% des autistes n’accèderont jamais au langage… Les chercheurs s’interrogent aussi sur la manière de dépister plus tôt, le trouble : aujourd’hui, la plupart des enfants diagnostiqués ne le sont que vers l’âge de 4 ans; or, plus tôt le diagnostic est posé, mieux la prise en charge peut se faire.
Une collaboration entre architectes, professionnels de l'autisme et patients
« Les architectes qui nous ont accompagnés dans ce projet ont pris le temps de discuter avec des parents et des adultes avec autisme et d'aller visiter plusieurs institutions qui accueillent des enfants et adultes autistes », explique-t-on encore chez ACTE. « Un grand travail de réflexion a été mené afin de créer un centre adapté aux spécificités des personnes avec autisme tout en répondant aux exigences propres à un environnement de recherche dans le domaine de l’autisme. En septembre 2018, nous avons invité un groupe de personnes avec autisme et de parents à venir visiter les lieux et à partager leurs impressions sur la première maquette du Centre. Sur base de ces riches échanges et d’un dialogue régulier avec l’équipe de recherche, les architectes ont proposé une version affinée des plans et des choix de matériaux. Cette sélection était cruciale, au vu des spécificités sensorielles de l’autisme : nous avons été particulièrement attentifs à la quantité d’information visuelle, au touché et à l’acoustique offerts par les matières retenues. »
Articulation autour de trois espaces
Le centre s’articule désormais autour de trois grands espaces. L’espace expérimental, au cœur du Centre, comprend une grande salle de testing complètement modulable afin de pouvoir répondre aux exigences de chaque étude en cours, un local technique dans lequel les expérimentateurs analysent les données recueillies et une salle d'entretien pour les adolescents et les adultes avec autisme et les parents. Cette salle est idéalement située de manière à ce que les parents puissent observer leur enfant en cours de testing via une vitre sans tain. L’espace conférence consiste en une grande salle de séminaire.
Ces espaces de recherche et la salle de conférence sont complétés par une zone d’accueil et d’attente dont la conception a été entièrement orientée vers le bien-être des participants : deux salles d’attente sont prévues, l’une calme, l’autre plus dynamique, pour satisfaire autant les personnes en recherche de stimulation que celles qui peuvent se sentir agressées par trop d’informations sensorielles. Un igloo central dans lequel se cache un Snoezelen, harmonisera la circulation autour de ces salles d'attente. Des sanitaires adaptés sont à disposition et l’accès PMR est garanti dans l’entièreté du Centre.
Un lieu ouvert à des étudiants 'externes'
La circulation entre les espaces a été pensée pour être la plus transparente possible. Un couloir vitré sur toute sa longueur a la double fonction de guider le visiteur à travers le plateau et de conduire la lumière naturelle vers chaque pièce. Il est également doté d’une tablette courant tout le long des fenêtres, qui offre des espaces de travail ou de détente face à la vue magnifique et qui accueille la cuisine attenante à la salle de conférence. Grâce à un partenariat avec le CEFES de l'ULB (Centre d'étude et de Formation pour l'éducation spécialisée et inclusive), ces espaces de travail sont accessibles aux étudiants avec autisme de l'université qui souhaite venir travailler au calme entre leur cours.
Enfin, e certificat interuniversitaire en trouble du spectre de l’autisme est aussi organisé dans ces nouveaux locaux. « Ce centre sera, je l’espère, un lieu de rencontre entre équipes et d’échanges d’idées, d’outils et de données », conclut Mikhail Kissine.