Feu de cheminée - responsabilité en tant qu'architecte d'intérieur

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Les incendies de foyer ou de cheminée sont des cas de sinistre qui arrivent régulièrement ; après des travaux de rénovation dans l’habitation, le foyer ou la cheminée prend feu causant d’importants dégâts à l’habitation. La jurisprudence en la matière est assez mitigée, et la décision rendue dépend souvent des faits et des circonstances de l’accident. L'architecte d'intérieur peut-il être tenu responsable ?

 

En tant qu’architecte d’intérieur, vous concevez des projets pour lesquels il n’est pas nécessaire d’introduire une demande de permis de bâtir comme, par exemple, la conception d’une cuisine ou la rénovation complète d’un magasin ou d’une habitation.

Le prescrit des articles 1792 et 2270 du Code civil ne vous concernent pas, en principe, en tant qu’architecte d’intérieur, vu qu’un architecte d’intérieur ne touche pas aux éléments structurels du bâtiment et ne prévoit pas de travaux qui pourraient faire l’objet d’un permis de construire. Néanmoins, l’architecte d’intérieur, en tant que tel, et en vertu du contrat conclu avec le maître d’ouvrage, peut être tenu responsable en cas d’erreur, et cette responsabilité peut avoir des répercussions financières très importantes. Le délai de prescription des actions en responsabilité contractuelle étant de dix ans, en cas de sinistre, sa responsabilité peut encore être engagée au cours des dix ans qui suivent la fin de sa mission.

Les incendies de foyer ou de cheminée sont des cas de sinistre qui arrivent régulièrement ; après des travaux de rénovation dans l’habitation, le foyer ou la cheminée prend feu causant d’importants dégâts à l’habitation. La jurisprudence en la matière est assez mitigée, et la décision rendue dépend souvent des faits et des circonstances de l’accident.

 

Cas 1 : Responsable de 60%

Citons par exemple le cas de la rénovation d’une habitation classée où le foyer devait être encastré et relié à une cheminée existante. Au cours de la reconnaissance des lieux, il s’est avéré que la cheminée se composait de différents conduits de fumée. L’architecte d’intérieur avait prévu de placer une pierre de parement en pierre bleue avec une ouverture, à savoir l’ouverture qui devait servir à l’évacuation des fumées provenant du foyer à placer. Des tests ont été effectués, en laissant tomber une pierre et des tests de fumée ont servi à déterminer quel était le bon conduit de fumée. Le foyer a très vite été utilisé après son placement ; et après quelques semaines d’utilisation, un incendie s’est déclaré dans la cheminée entraînant des dégâts importants à cette habitation récemment rénovée.

Après investigations, il s’est avéré que les conduits de fumée ne se présentaient pas comme l’architecte le pensait, et qu’en outre, le conduit de fumée n’atteignait pas le rez-de-chaussée mais s’arrêtait au niveau du grenier. La chaleur ne pouvant pas être évacuée, un feu de cheminée s’est déclaré spontanément après quelques temps. De plus, la personne qui avait placé le foyer n’avait pas prévu de flexible. Ce flexible n’avait par ailleurs jamais été demandé ni prévu dans les plans.

L’expert judiciaire a conclu que l’architecte d’intérieur, le fournisseur et l’installateur de la cassette avaient tous leur part de responsabilité de même que l’entreprise qui avait posé la pierre de parement.

Les causes du sinistre ont été identifiées comme étant le fait que :

  • La pierre de parement bouchait le conduit de fumée auquel était relié le foyer.
  • Le conduit de fumée était décalé au niveau du premier étage jusqu’au niveau du living
  • Il s’agissait d’un ancien bâtiment dont la cheminée montrait des signes d’usure sous-estimés/contrôlés insuffisamment par les professionnels de la construction impliqués dans ce projet.

Selon le tribunal, la responsabilité principale incombait à l’architecte d’intérieur qui devait contrôler les travaux en cours et qui devait vérifier la conformité des travaux par rapport à ses plans ainsi que le respect des règles de l’art. En outre, le tribunal a estimé que le contrôle effectué au moyen d’un jet de pierre n’était absolument pas fiable tout comme d’ailleurs le test de fumée réalisé dans le bloc maçonné de la cheminée. Le seul contrôle adéquat aurait été, selon l’expert, d’inspecter les conduits au moyen d’une caméra. Ainsi, l’architecte d’intérieur a été déclaré responsable à 60% du sinistre en vertu du rapport de l’expert.

 

Cas 2 :  1/3 du sinistre

Dans une autre affaire, la Cour d’appel de Gand a estimé en revanche qu’aucune erreur de contrôle ne pouvait être imputée à l’architecte d’intérieur.

Dans cette affaire, l’incendie est survenu à cause de la combustion spontanée de la menuiserie de toit provoquée par l’accumulation d’une chaleur excessive dégagée par le conduit de cheminée en métal auquel était relié l’insert. Selon la norme, il doit y avoir une certaine distance minimum entre la paroi intérieure du conduit de cheminée en métal et tout matériau inflammable se trouvant à proximité. Selon l’expert, il s’agissait principalement d’une erreur d’exécution dans le chef de l’entrepreneur-installateur. Le contrôle effectué par l’architecte d’intérieur et son rôle peu actif dans le cadre de l’exécution des travaux ont également été examinés. Toutefois, à terme de son investigation, l’expert n’a communiqué aucune répartition concrète de la responsabilité, et la décision en la matière a été laissée au tribunal.

Lors du jugement, il a été conclu sur la base de considérations juridiques que l’architecte d’intérieur était effectivement responsable à concurrence d’un tiers du sinistre contre deux tiers pour l’entrepreneur. Seule une appréciation factuelle de la mission de contrôle de l’architecte a été principalement invoquée. L’entrepreneur aurait dû veiller à ce que les travaux soient exécutés dans le respect des règles de l’art, ce qu’il a négligé de faire ou a fait de manière insuffisante. L’architecte d’intérieur aurait dû également contrôler les travaux et signaler les défauts qui étaient clairement visibles.

En appel, le jugement a été revu, et l’architecte d’intérieur a été entièrement libéré de toute responsabilité. La Cour d’appel a conclu qu’il incombait au maître d’ouvrage d’informer l’architecte d’intérieur du début des travaux, d’autant plus que le placement d’une cassette et d’un conduit de fumée doit être considéré comme une phase délicate du processus de construction. Bien que le conduit de fumée ait été ouvert au moment de la visite de l’architecte d’intérieur, la Cour d’appel a estimé qu’il était peu probable que l’architecte d’intérieur ait pu constater visuellement le positionnement du conduit de fumée par rapport à la structure du toit, d’autant plus que le maître d’ouvrage ne lui avait pas montré les travaux effectués.

 

Cas 3 : De nouveau responsable

Dans un troisième dossier, il s’agit également d’une combustion spontanée résultant de l’utilisation d’un matériau inflammable pour le coffrage sans revêtement de la paroi intérieure au moyen d’un matériau résistant au feu ni de la paroi de séparation en bois placée derrière le conduit de fumée en inox. La distance entre le conduit de fumée en inox et le coffrage en bois était de plus ou moins 7 cm, alors que, selon l’expert judiciaire, cette distance devait être d’au moins 15 cm. Ici, également, ont été retenues à charge de l’architecte d’intérieur une erreur de contrôle et une erreur de conception car rien n’avait été prévu pour éviter le transfert de chaleur entre la plaque de départ à laquelle était reliée le conduit à simple paroi et le conduit à double paroi allant vers les matériaux inflammables. L’architecte d’intérieur n’avait établi aucun plan détaillé et n’avait pas remarqué non plus, lors de sa visite de contrôle, le danger de la situation ni l’exécution contraire aux règles de l’art.

 

Conclusion

Nous pouvons, par conséquent, conclure que la responsabilité de l’architecte d’intérieur est/peut être tout aussi importante que celle d’un architecte «traditionnel», bien qu’il ne soit en principe pas concerné par le prescrit des articles 1792 et 2270 du code civil. De plus en plus souvent, les tribunaux ont tendance à considérer l’architecte d’intérieur au même titre qu’un architecte pour ce qui est du contrôle des travaux et de sa mission de conception, compte tenu toutefois de son expérience professionnelle. Bien qu’un architecte d’intérieur ne soit pas obligé légalement d’effectuer un contrôle, contrairement à l’architecte, il est tenu d’exécuter sa mission contractuelle correctement et dans les règles de l’art. Les tribunaux évaluent de plus en plus sévèrement le professionnalisme des missions exécutées ; il est de ce fait recommandé d’exécuter ces missions en vertu des documents requis écrits et d’un dossier de construction. Des plans, des dessins détaillés et des rapports de chantier sont de plus en plus considérés comme des conditions sine qua non pour prouver la bonne exécution d’une mission par un architecte d’intérieur.

 

Nathalie Heymans
Juriste – responsable département sinistres

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