Journée internationale des droits des femmes : autoportrait de Laura Muyldermans

PARMI LES PROJETS QUE VOUS AVEZ RÉALISÉS, QUELS SONT CEUX DONT VOUS ÊTES LA PLUS FIÈRE ET POURQUOI ?

Je suis particulièrement fière des projets « Pyloon » et Actiris.

La tour de guet Pyloon (en collaboration avec Olivier Goethals et Dirk Jaspaert) pour sa simplicité et en même temps pour la stratification que le design dégage. Pour les relations multiformes que la conception entretient avec le contexte local et social. Avec Pyloon, nous tentons d'utiliser le pylône haute tension comme archétype d'une manière différente : reconnaissable et aliénant. Avec une beauté évidente qui se situe dans la zone de tension entre le familier et le surréel.

Je voudrais également mentionner la transformation de l'ancien bureau d'Actiris en un lieu de travail communautaire pour Architecture Workroom Brussels (en coopération avec LDSRa). Le lieu de travail attire subtilement la vie de la rue à l’intérieur du bâtiment. Entre les zones les plus privées et les plus publiques, nous avons introduit un espace intermédiaire. L'ensemble donne au final un lieu de travail où l'on prête attention à la spontanéité et à l'interaction dynamique entre les pièces avant, les pièces intermédiaires et les pièces arrière. Un démantèlement minutieux, un jeu d'échecs avec le système de parois existant et l'utilisation de parois circulaires donnent lieu à un jeu de fenêtres et de murs, de coins et de colonnes.

QUEL(S) PROJET(S) D'UN AUTRE ARCHITECTE BELGE VOUS A (ONT) PARTICULIÈREMENT PLU ?

L' "intervention sur le cimetière" (en néerlandais : "interventie op de begraafplaats) de Wim Cuyvers à Rozebeke. Dans ce projet, je lis beaucoup d'empathie, de libre pensée et une lecture spatiale raffinée traduite par une intervention pointue.

Je pense aussi à Flow, avec lequel Pool Is Cool veut relancer la natation en plein air à Bruxelles. C’est plaisant de voir comment quelques architectes, impliqués du début à la fin, ont mis ce programme à l'ordre du jour politique et de constater qu'une base de soutien publique et inclusive se crée.

Ou encore Caritas des architectes de vylder vinck taillieu et Gideon Boie, parce qu'il contribue dans divers domaines à un débat social sur les soins, l'espace public, le patrimoine, l'éphémère, le cadre d'investissement, etc.

QUELS SONT LES ARCHITECTES ÉTRANGERS QUI VOUS INSPIRENT ?

La communauté ou la personne sans formation architecturale qui se trouve dans le domaine de l'architecture. Je pense par exemple à la tradition japonaise qui consiste à reconstruire les temples tous les dix ans. Le bâtiment devient ainsi la représentation physique d'une tradition. Il a quelque chose de très accessible, de fragile et de lié au lieu. Il en va de même pour le berger et son abri dans les montagnes. Ils ont une relation très spécifique entre l'intérieur et l'extérieur, une inversion d'échelle.

SELON VOUS, QUELS SONT LES PROJETS DE CONSTRUCTION RÉCENTS LES PLUS RÉUSSIS À L'ÉTRANGER ?

Les projets de construction qui ne veulent pas être des projets de construction. Des projets qui facilitent avant tout le vide : des lieux indéfinis, libres d'interprétation, libres d'appropriation.

Ou les arbres primitifs dans leur biotope naturel. Ce sont des constructions incroyablement intrigantes dans un tissu plus large et plein de vie.

QUEL(S) JEUNE(S) ARCHITECTE(S) FLAMAND(S) VOUS IMPRESSIONNE(NT) ACTUELLEMENT ?

Ce sont souvent les échanges sous-jacents qui laissent une impression. Ils élargissent un point de vue ou remettent en question la perception dominante. Il y a nombreuses personnes dans le domaine de l'architecture avec lesquelles j'aime discuter, que ce soit sur le plan de la conception ou autre. Bart Decroos, Olivier Goethals, Paoletta Holst, Sophia Holst, Dirk Jaspaert (jeune de cœur :), Sander Rutgers, Arian Schelstraete, Jan Van Gassen, Jolien Naeyaert, ...

QU'EST-CE QUI VOUS FASCINE DANS VOTRE TRAVAIL D'ARCHITECTE ? 

La diversité que vous pouvez intégrer dans votre pratique en tant qu'architecte, tant dans les projets que dans le travail. L'engagement social qui en découle. La particularité de cette profession est qu'elle se situe toujours à la frontière entre différentes disciplines, basée sur la rencontre entre le rationnel et l'émotionnel.

QUELLE(S) RENCONTRE(S) A (ONT) ÉTÉ DÉTERMINANTE(S) POUR VOTRE DÉVELOPPEMENT ARCHITECTURAL ?

Des rencontres unilatérales, avec d'autres personnes qui partagent leurs pensées :

• Apprendre à connaître Sophie Calle à travers la lettre "Take Care of Yourself" à la Biennale d'art de Venise.
• L’introduction aux observations de George Perec dans le livre "Attempt at an Inventory".
• L'introduction à Pascal Gielen dans l'article "Essayons d'accepter notre ambiguïté fondamentale" pour le Witte Raaf.
• Le voyage à travers divers expériences paysagistes dans "Philosophie du paysage" de Ton Lemaire.

VOUS RECONNAISSEZ-VOUS ENCORE EN LA JEUNE ÉTUDIANTE AMBITIEUSE QUE VOUS ÉTIEZ AUTREFOIS ? VOTRE RÉALITÉ SE RAPPROCHE-T-ELLE DE CELLE DONT VOUS REVIEZ ?

Cette question me fait penser au court-métrage Meander, réalisé pendant le confinement, en collaboration avec Eric Arnal-Burtschy. Ce film d'animation est une traduction de l'imagination dans une nouvelle réalité, c'est une ode à la crédibilité de l'imagination. L'imagination est une manière active d'appréhender la vie quotidienne. L'imagination est une réalité et la réalité aussi.

Ou comme le dit Eric Arnal-Burtschy : "Un imaginaire reste imaginaire si nous n'essayons pas de le réaliser. Si nous commençons à y croire, il peut devenir la vision d'un monde proche de nous mais avec des valeurs qui assurent sa continuité et son attention à l'autre. C'est à ce genre de prise de conscience que Meander nous invite, au fait que le monde magique qu'il décrit pourrait être le nôtre si nous le voulions."