Ce 8 mars, c'est la Journée Internationale du Droit des Femmes. Toute la rédaction d'Architectura.be a décidé de mettre en avant trois architectes qui nous avaient fait l'honneur de réaliser un Autoportrait. Voici celui que nous avait proposé Li Mei Tsien (B612associates).
Li Mei Tsien a fondé en 1997 le bureau B612associates avec Olivier Mathieu. Avant cela, elle avait étudié à l’UCL, avait fait une maîtrise en urbanisme à Taiwan tout en travaillant dans un bureau d’architecture sur place, puis une autre maîtrise à l’Architectural Association (School of Architecture) de Londres. B612 est surtout spécialisé dans les grands projets publics et participe à de nombreux concours. Pour Li Mei Tsien, l’architecture est une transmission d’émotions. Réussir à faire percevoir cette émotion, cette manière de voir les choses, est une des recherches essentielles de l’architecte, que ce soit au niveau du travail de la matière, de la lumière ou de la forme. Elle a accepté de se livrer au jeu de l’autoportrait.
Votre vision de l’architecture
Parmi les projets que vous avez réalisés, quels sont ceux qui vous procurent le plus de fierté, et pourquoi ?
Les deux projets qui me procurent le plus de fierté actuellement sont Fontainas, plusieurs bâtiments de logements et une salle de sports dans un parc à Bruxelles, et Charmille-Schuman, deux écoles et une crèche accompagnées d’un jardin biologique. Il s’agit chaque fois de processus longs - 8 ans pour le premier, 12 pour le second – avec de longs moments de conception. Les deux projets impliquent tout un quartier, ils ont commencé par la réalisation d’un master plan par nos soins, d’une analyse urbaine amenant à la proposition d’un écoquartier. Ces projets ont une ampleur, une échelle urbaine et ils vont influencer la vie des gens. Au point de vue architectural, ce sont également de très beaux bâtiments qui apportent de la vie et dynamisent l’espace public.
Pour quel projet en cours ou en préparation avez-vous des attentes élevées ?
Le centre Roovere à Molenbeek, un centre de quartier dans lequel la circularité est mise en œuvre. La commune a commandé un inventaire du bâtiment existant, qui va être démoli, à Rotor. Dans le cahier des charges, nous avons étudié l’utilisation de matériaux durables mais venant également de la filière du réemploi. Le cahier des charges prévoit également le réemploi futur du nouveau bâtiment. Ce projet représente notre première mise en pratique d’un principe que nous étudions depuis quelques temps déjà.
Quel projet d’un autre architecte belge est selon vous une belle réussite ?
Le projet Caritas de ADVVT (architecten de vylder vinck taillieu) est franchement très intéressant. Le musée de la photographie d’Olivier Bastin est aussi très inspirant, tout comme la rénovation du MAC’s de Pierre Hebbelinck, même si ces deux projets sont moins récents. Plus confidentiel, mais plein de sensibilité, j’apprécie aussi énormément le travail de Philippe Van der Maeren.
Quels architectes étrangers sont pour vous une grande source d’inspiration ?
Dans les classiques contemporains, j’aime beaucoup les architectes suisses, pour leur travail de la matérialité, comme Herzog & De Meuron et Zumthor. J’apprécie aussi tout particulièrement Steven Holl et le bureau Sanaa. Enfin, Louis Kahn et Frank Lloyd Wright m’ont fortement marquée, tout comme Le Corbusier et Mies van der Rohe.
Quels projets récents construits à l’étranger considérez-vous comme particulièrement réussis ?
Je suis allé voir le projet de la High Line de Diller Scofidio à New York. J’ai été très impressionnée par le concept du projet, mais aussi par les différentes phases de sa réalisation et par son impact. En une décennie, c’est tout un nouvel élan qui a été donné à la ville avec, tout le long de la High Line, différents projets immobiliers (entre autres par Diller Scofidio mais aussi Zaha Hadid et BIG) plus ambitieux les uns que les autres... (‘très New York’).
Quel jeune architecte belge vous impressionne le plus pour le moment ?
J’apprécie beaucoup les projets de Traumnovelle, mais aussi de Murmuur architecten. Je suis impressionnée par leur profondeur, leur simplicité et leur précision. J’aime aussi, pour leur spatialité sans prétention, le travail de Métamorphose et de Taac, deux jeunes bureaux que je connais plus personnellement.
Quels aspects du métier d’architecte trouvez-vous passionnants ?
La conception, les matériaux, le détail, la recherche, l’idée de créer quelque chose pour des gens qui vont y habiter, mais d’une manière adaptée et toujours différente. Et ces dernières années également, la possibilité d’intervenir sur un bout de quartier et de voir l’impact que cela a et aura sur la vie des gens.
J’aime aussi entrer dans ce moment de concentration où, alors que je développe une idée, je sens que cela va fonctionner, je ressens une émotion. J’adore ce sentiment que quelque chose va se passer… même si cela ne se produit pas toujours. J’aime beaucoup aussi la découverte. L’architecture, c’est faire, mais c’est aussi voir et observer...
Quelle rencontre fut décisive pour votre épanouissement en tant qu’architecte ?
Il y a eu bien sûr Bruno Albert, chez qui j’ai réalisé mon stage et qui m’a énormément appris. Mais ce qui a été décisif, ce sont mes études et les 2 écoles très différentes que j’ai fréquentées. A l’UCL, il s’agissait d’études d’ingénieur-architecte, dans une certaine ligne, classique mais solide, entourés par des enseignants très inspirants dont Jean-François Mabardi et Yves Lepère. Nous étions très peu d’étudiants dans notre année, moins de 10. Cela nous a permis de travailler d’une manière très proche de celle d’un bureau d’architecture. On regardait ce que les autres faisaient, on se montrait très souvent nos travaux. Après cela, je suis allée à Londres, à l’Architectural Association, qui propose une philosophie totalement différente, avec des enseignants tels que Foreign Office of Architecture ou Rem Koolhaas et Zaha Hadid qui venaient donner des conférences. Le contenu était beaucoup plus contemporain. Le contraste des deux parcours et des gens que j’y ai rencontrés m’a beaucoup apporté. Cela m’a permis de me confronter et de posséder deux échelles totalement différentes, qui m’ont en permanence fait réfléchir après mes études.
Vous reconnaissez-vous encore dans la jeune étudiante que vous avez été ? Rêve et réalité se sont-ils rejoints ?
Lorsque j’étais étudiante, je n’imaginais pas comment était le métier d’architecte. J’aimais les études et j’aimais apprendre. Et j’ai l’impression que c’est ce que je continue à faire : apprendre à concevoir des bâtiments. Avec une nuance cependant : j’ai commencé des études d’architecture parce que j’aimais ce qui était créatif, et je me suis aperçue que la créativité pouvait aussi être très concrète. J’ai appris l’architecture en l’apprenant et je continue à l’apprendre. Ce qui est très réel dans ce métier, c’est que l’on ne fait jamais deux fois la même chose. Chaque projet est un nouveau projet, qui n’a jamais été fait, c’est tout le temps une ‘première fois’.
Un peu de tout
Quel autre métier auriez-vous voulu exercer ? Journaliste culturel ou écrivain
Où avez-vous suivi votre formation en architecture ? A l’UCL (ingénieur-architecte), puis une maîtrise en urbanisme à Taïwan, puis une autre à l’Architectural Association (Londres)
Chez qui avez-vous été stagiaire ? Bruno Albert
Quel était le titre de votre travail de fin d’études ? Et de quoi parlait-il ? De l’école fondamentale de Tangissart
Votre livre d’architecture favori : l’autobiographie de Frank Lloyd Wright
Votre livre favori (hors architecture) : je lis beaucoup de romans et j’adore la BD.
Votre film préféré : j’adore les films. Tout récemment, j’ai apprécié Une femme d’exception et Pentagon papers, l’histoire du Washington Post.
Votre programme tv préféré : plutôt des mini-séries (Le jeu de la dame, Halston)
Votre musique favorite : en classique Bach par Glenn Gould, pour le rock/pop-rock, je citerais Sting, Tom Waits, Marilyn Manson, Amy Winehouse, Depeche Mode…
Que faites-vous volontiers pendant vos temps libres (si vous en avez) ? : je couds, je dessine, je bricole, je réalise des impressions sur t-shirts …
La ville belge que vous préférez : Bruxelles !
La ville européenne que vous préférez : Venise, qui réunit quatre choses que j’aime : la mer, l’architecture, les arts et la nourriture… Je suis une ‘touriste gastronomique’…
Dans quel pays auriez-vous voulu naître et grandir ? Je me suis toujours demandé comment aurait été ma vie si j’étais née ou si j’avais grandi à Taïwan ou en Chine. Mais je n’aurais pas voulu naître et vivre ailleurs qu’en Belgique.
Etes-vous sportive, active ou passive ? Si oui, quel sport pratiquez-vous ? Je ne suis pas une grande sportive, mais je fais souvent des balades en vélo et j’aime le ski… Et j’ai repris l’équitation depuis quelques mois.
Votre site d’architecture favori : dezeen et ArchDaily.