La construction circulaire, bien loin du recyclage

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Lorsqu’on évoque la construction circulaire, certains y associent immédiatement et exclusivement le terme de recyclage. Or, la construction circulaire est bien plus que cela, comme l’ont bien expliqué, exemples à l’appui, les intervenants du débat organisé par architectura.be à Batibouw.

 

Architectura : « 50% des ressources produites sont destinées à la construction, qui, de plus, produit 33% de tous les déchets. Catherine De Wolf, sur base de ces constatations, vous affirmez qu’il est "urgent de passer d’une économie linéaire à une économie circulaire et donc de transformer les déchets en matériaux de construction." Mais que mettre exactement derrière ce terme de ‘construction circulaire’ ?»

Catherine De Wolf (chercheuse à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL)) : « Le recyclage fait déjà partie de l’économie linéaire, celle que nous appliquons actuellement. C’est l’une des manières dont on gère nos déchets aujourd’hui. Dans la construction circulaire, c’est une des stratégies possibles, mais elle se trouve vraiment tout en bas de la hiérarchie des stratégies. Dans une économie circulaire, on va d’abord essayer d’utiliser les bâtiments ou leurs éléments le plus longtemps possible. S’il faut vraiment démolir un bâtiment parce qu’on a besoin de construire autre chose, on va essayer de réemployer, de réutiliser ces éléments dans un autre bâtiment, parfois avec une certaine délocalisation, mais en réemployant l’élément tel quel. Prenons par exemple un élément en acier : on ne devra pas dépenser à nouveau de l’énergie pour le faire fondre et le recycler. On utilisera cet élément en acier tel quel, on gardera ainsi la valeur de main-d’œuvre et l’énergie qui avaient été mises dedans pour la fabrication de l’élément d’origine. Une autre stratégie est de réduire ce que l’on utilise dans les nouvelles constructions, c’est une optimisation poussée concernant la quantité de matériaux que l’on va y utiliser, une réflexion en amont sur le fait d’avoir besoin d’un si grand bâtiment et d’autant de matériaux. Toutes ces stratégies viennent avant le recyclage. Et, si vraiment on ne peut plus rien faire d’un élément, c’est évidemment mieux de le recycler que de le mettre à la décharge. »

 

Architectura : « Y a-t-il suffisamment de débouchés pour ces matériaux récupérés, pour que ce système fonctionne et soit rentable ? Comment faire en sorte qu’il y ait assez de débouchés ? »

Catherine De Wolf : « Nous devons revoir complètement la logistique des chantiers de construction et de démolition. Nous devons davantage connecter les informations les unes aux autres, c’est ce qui se fait avec le programme européen Buildings As Material Banks (BAMB), où l’on crée des ‘passeports de matériaux’ pour savoir exactement quel matériaux se trouvent dans quel bâtiment. Il est nécessaire que tous les acteurs de la construction communiquent : quel bâtiment va être détruit et quand ? Quand un bâtiment sera-t-il construit ? Il faut connaître exactement les stocks de matériaux à disposition et en circulation. Il y a vraiment une énorme opportunité de créer de nouveaux business de stockage des matériaux, de partage et de digitalisation des informations… » 

Alain Wouters (architecte – Bureau Art & Build) : « Nous expérimentons actuellement l’économie circulaire dans la réalisation d’une crèche en Bretagne, depuis la conception jusque la fin de vie – qui n’existe pas – du bâtiment. C’est une réflexion sur la fonctionnalité, le choix, le nombre et la composition des matériaux avec des questions du type ‘faut-il ou non du parachèvement ?’, sur la transformabilité des éléments pour répondre à l’évolution des besoins. Tout cela est en train de se mettre en place. C’est un tout petit projet, mais c’est déjà une approche globale et cohérente sur l’ensemble du processus du cycle de vie d’un bâtiment. 

Je voudrais insister sur l’indispensable nécessité du travail collaboratif. C’est la base de l’économie circulaire. Ces processus doivent se généraliser partout pour arriver à des projets de meilleure qualité, qui répondent également aux attentes et aux souhaits de l’ensemble des partenaires. C’est une véritable mutation dans le travail va devoir se produire tant pour les architectes que pour les autres professionnels de la construction.

 

Architectura : « Il faut donc implémenter de nouvelles façons de travailler ensemble, suivre les matériaux à la trace pour les utiliser au mieux et développer de nouveaux modèles économiques. C’est donc un immense changement qui se profile… Ce changement sera-t-il soutenu par des innovations technologiques ? »

Alain Wouters : « En ce qui concerne spécifiquement les matériaux, nous avons lancé quelques programmes de recherche et développement basés sur le biomimétisme. Nous développons, par exemple, des éléments métalliques à mémoire de forme pour la protection solaire des bâtiments pour le Centre de recherche contre le cancer à Lyon. Nous pensons que c’est une voie très intéressante et importante à suivre. Actuellement, les architectes ne font pas assez de recherche et développement. Or, nous devons nous inspirer du vivant pour amener des réponses à des problèmes spécifiques. La préfabrication a également beaucoup d’avenir, elle est même indispensable pour répondre à cette équation difficile du prix et de la qualité. »

Bruno Busch (administrateur Neo&Ides sprl - cellule énergie du groupe Greisch) partage ce point de vue : « Nous développons également plusieurs projets basés sur le biomimétisme, sur le modèle des termitières ou des peaux perméables. Quant à la préfabrication, un de ses gros avantages, c’est qu’elle permet de travailler dès la conception, en amont, de réfléchir sur ces matériaux et sur la manière dont on les met en place, ce qui entraîne un gain de temps sur les chantiers. »

 

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