Le Conseil flamand de l'Ordre évalue la charge de travail de l'architecte

Lors de la seconde journée réservée aux professionnels à Batibouw, l'Ordre des Architectes – Vlaamse Raad a rendu publics les résultats d'une enquête de grande envergure menée au sujet du nombre d'heures de travail que l'architecte consacre à un projet. Il ressort clairement de cette enquête que la charge de travail de l'architecte est en réalité sensiblement plus élevée qu'il n'est généralement admis. Les architectes réclament d'ailleurs une revalorisation des honoraires.

Que coûte un architecte ? Pour pouvoir répondre valablement à cette question, il faut d'abord connaître la réponse à une autre question : quel est le nombre d'heures moyen qu'un architecte consacre à un projet de construction ? 

En partant de cette dernière question, la faculté d'architecture de la KU Leuven a réalisé une enquête sur les prestations des architectes, à l'initiative de l'Ordre des Architectes – Vlaamse Raad et avec la collaboration des associations professionnelles BVA et NAV, ainsi que des assureurs Protect et AR-CO. Les architectes étaient invités à mettre à disposition leurs relevés de temps de travail. 687 architectes, soit près d'un architecte actif en Flandre sur 10, ont participé à l'enquête. Plus de 2001 dossiers de construction ont pu être examinés par l'équipe de recherche. Une première européenne ! L'étude a livré un aperçu du nombre d'heures enregistrées par mètre carré de surface construite en fonction de la typologie (habitation unifamiliale, habitat collectif, logement social, ...) et  de l'importance du budget de construction. Une distinction a aussi été faite pour chaque catégorie entre construction neuve et rénovation.

 

La charge de travail de l'architecte bien plus élevée qu'attendu

La conclusion la plus frappante de l'étude est le fait que la charge de travail, et plus précisément le nombre d'heures de travail consacré à un projet, se révèle en moyenne nettement plus élevée qu'il n'est généralement admis. Les maîtres d'ouvrage et les pouvoirs publics ne sont donc pas les seuls à sous-estimer fortement la charge de travail liée à un projet, les architectes font de même. Ce qui a évidemment un impact direct sur les honoraires payés à l'architecte.

« Un architecte qui se contente de concevoir des bâtiments et de contrôler les chantiers, est aujourd'hui plus l'exception que la règle. Et pourtant, c'est cette idée que se font la plupart des gens », explique Marnik Dehaen, président de l'Ordre des Architectes – Vlaamse Raad. « Construire et rénover est devenu plus complexe que par le passé et par conséquent également sensiblement plus laborieux pour l'architecte. La masse de normes et règlementations à respecter augmente chaque année, les exigences deviennent plus strictes et c'est souvent l'architecte qui en porte la responsabilité finale. La règlementation PEB en est un bel exemple. Nous soutenons entièrement l'idée qu'il faut gérer plus sobrement notre énergie, mais c'est à nouveau à l'architecte que l'on fait porter seul la charge. »

 

Des tâches de plus en plus nombreuses

L'importante augmentation du nombre de tâches fait que, pour un projet similaire, il faut aujourd'hui presque deux fois plus d'heures de travail qu'il y a vingt ans.  « Les cahiers des charges pour des projets d'envergure sont aujourd'hui aussi épais qu'une brique. Par ailleurs, l'architecte doit s'adapter continuellement à des normes et formalités qui évoluent. » Le manque de vision dans les règlementations des différents pouvoirs publics rend également les choses inutilement compliquées.

C'est souvent aussi le cas lors du lancement de concours d'architecture. La plupart du temps, les prestations demandées sont sans commune mesure avec la rétribution qui est prévue. « Les concours d'architecture des pouvoirs publics, des communes, des sociétés de logement et autres demandent des études approfondies  – qui ressemblent presque à des missions complètes – sans prévoir le moindre dédommagement. C'est menacer de faillite tout un secteur. »

 

Que sont des honoraires corrects ?

Reste bien entenu la question à mille euros :  qu'est-ce que des honoraires corrects ? Actuellement, un architecte demande en moyenne 8% d'honoraires sur une construction neuve et 12% sur une rénovation. Ce qui revient respectivement à 24 000 euros sur une construction neuve de 300 000 euros, et 18 000 euros sur une rénovation de 150 000 euros. « Des montants considérables à première vue, mais quand on examine les heures prestées, l'image est tout autre, » affirme Marnik Dehaen : « un tarif horaire moyen de 47 euros pour la construction neuve et de 36 euros pour la rénovation. Brut, évidemment. Si on enlève tous les frais, il ne reste plus grand chose. Comparé avec d'autres professions libérales comme les avocats, les huissiers et surtout les notaires, le revenu net de l'architecte moyen peut être qualifié de modeste, et c'est un euphémisme. »

 

Honoraires honnêtes versus dumping tarifaire

« L'étude nous apprend qu'un tarif horaire entre 65 et 95 euros –  en fonction de plusieurs paramètres comme l'expérience, la taille du bureau, ... – peut être considéré comme honnête et raisonnable. Plus de la moitié donc de ce que gagne aujourd'hui effectivement un architecte. On le reconnaît pas volontiers mais c'est un fait que certains confrères pratiquent le dumping. Ou, plus exactement : sont contraints de pratiquer le dumping. En raison de la forte pression sur le marché du travail, de la concurrence grandissante et de l'absence d'honoraires minima fixés légalement, les maîtres d'ouvrage ont les mains libres. Et ce qui frappe : ce ne sont pas seulement les particuliers, mais également les pouvoirs et autorités publics qui demandent aux architectes de travailler à prix plancher. Les exemples sont légion. On ne se gêne même pas de dire que la mission sera attribuée à l'architecte qui fera la plus grosse remise sur ses honoraires. Il y donc certainement lieu de mener des actions de sensibilisation à ce propos. »

 

What you pay, is what you get

Des honoraires trop bas ne sont pas seulement désavantageux pour l'architecte, mais le sont aussi pour le maître d'ouvrage. Tout comme dans les autres secteurs, le principe ‘what you pay, is what you get’ est ici aussi d'application. La qualité a un prix : celui qui est trop bon marché, livre souvent un travail bâclé. En fin de compte, c'est le maître d'ouvrage qui est le dindon de la farce. « Les candidats à la construction et à la rénovation doivent être convaincus de la réelle plus-value qu'apport l'architecte : un meilleur déroulement des travaux, un suivi de chantier attentif, le contrôle du budget et une position forte pour négocier avec les entrepreneurs. »

Les prix de la construction ont beau avoir augmenté, se loger ne coûte pas forcément plus cher. Le fait que l'on souhaite actuellement un logement plus compact vient compenser l'augmentation des coûts de construction. Habiter plus compact signifie qu'il faut être créatif avec l'espace disponible. Là aussi, l'architecte montre sa grande valeur ajoutée. Faire des économies sur les honoraires d'architecte est donc tout sauf une bonne idée. Mieux encore : sur le long terme, le 'surcoût' de l'architecte se traduira dans une importante plus-value pour l'habitation.

 

Barêmes minima d'honoraires

L'Ordre des Architectes veut profiter de cette étude pour obtenir l'introduction de barêmes minima légaux pour les honoraires. Cela contribuera à une concurrence plus saine et à une rétribution honnête en regard des responsabilités que doit endosser l'architecte. Dans un avenir proche, l'Ordre des Architectes veut se mettre autour de la table avec différentes associations de consommateurs, groupements d'intérêts et autorités publiques. Puisse cette étude ouvrir le débat dans une ambiance constructive avec l'intérêt général comme objectif. Pour l'Ordre des Architectes lui-même, l'étude pourra servir d'outil lors de missions de médiation dans les différents liés aux honoraires entre architectes et maîtres d'ouvrage.

L'étude (en néerlandais) peut être téléchargée ici.

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