Le Préhistomuseum : architecture, histoire et paysage (atelier d'architecture AIUD)
L’homme descend du singe : la genèse de cette théorie naît à la suite de la découverte d’ossements préhistoriques à Flémalle, au début du 19e siècle. Cette révolution idéologique est aujourd’hui une expérience à vivre à travers le programme et les installations fraîchement inaugurées du Préhistomuseum. Rencontre avec Gil Honoré (atelier d'architecture AIUD), concepteur des bâtiments de ce musée pas comme les autres.
Un musée à la hauteur des ambitions
Le Préhistomuseum est la métamorphose du Préhistosite de Ramioul installé à Flémalle depuis plus de 20 ans. Les infrastructures existantes présentaient un ensemble de constructions hétérogènes, construites au fur et à mesure des besoins de l’institution. Celle-ci se sent finalement à l’étroit et envisage la construction d’un nouveau complexe à la hauteur de ses ambitions. Le centre souhaite accueillir un minimum de 60.000 visiteurs par an au sein d’un ensemble bâti de plus de 3000 m2. Un appel d’offres est lancé et est remporté par une équipe pluridisciplinaire composée de l’atelier d’architecture AIUD de Gil Honoré, de la paysagiste Mathilde Sauvillers et du scénographe Pascal Payeur. Le nouveau musée, inauguré début février, a été financé par la Wallonie via le Commissariat Général au Tourisme, la Fédération Wallonie Bruxelles, l’asbl Préhistomuseum, la Commune de Flémalle et la Province de Liège.
Clarifier la situation
« Nous nous sommes demandé ce que nous aurions proposé si le terrain avait été vide », explique Gil Honoré. Le site se situe dans une vallée. Au creux de celle-ci, un chemin emprunté depuis plus de 60.000 ans le relie, en ligne droite, à la Meuse. « Ce sentier est naturellement devenu l’axe structurant du projet » poursuit l’architecte, « nous avons inscrit les différentes constructions dans le paysage, sur un terre-plein existant, afin de souligner le profil naturel de la vallée. » Le bâtiment principal, le Conservatoire, se développe en longueur, le long du chemin. Le site est complété par un deuxième bâtiment appelé le Foyer et par d’autres petites entités accueillant les activités du musée et qui sont parsemées dans le paysage.
Le Foyer
Le premier bâtiment que l’on rencontre à l’approche du Préhistomuseum est le Foyer. Celui-ci est majoritairement vitré. « Nous avons voulons immerger les espaces de restauration dans le paysage », ajoute Gil Honoré, « le travail des obliques au niveau du plan augmente sensiblement les vues vers la partie la plus intéressante du site. » Le Foyer propose successivement une boutique, un espace extérieur organisé autour d’un feu, une cafétéria, les cuisines et locaux de service et enfin, un archéorestaurant dont les menus s’inspirent des habitudes gastronomiques anciennes. La volumétrie du Foyer est soigneusement délimitée par des surfaces pleinement vitrées ou bardées de bois. Un fin auvent métallique surmonte la construction. Son ancrage dans la toiture permet de ne pas perturber la lecture de l’édifice. Notons enfin l’attention portée à la conception et à la réalisation de la toiture, visible depuis les hauteurs du site.
Le Conservatoire
Une fois sur le site, le regard est immédiatement happé par le bâtiment principal et sa grande entrée vitrée. Contrairement au Foyer, le Conservatoire est presque exclusivement coupé de l’environnement extérieur. Ses façades en acier corten créent les conditions d’exposition et de conservation adéquates pour les collections du musée. Un seul des immeubles existants a été conservé. Il est littéralement emballé par la peau du nouveau bâtiment. Pour dégager les vues et s’inscrire au mieux dans le creux de la vallée, le volume du Conservatoire présente une brisure. Celle-ci se dilate pour créer l’entrée principale. Une fois le seuil franchi, les espaces s’articulent autour d’un grand hall qui donne accès à la grande salle d’exposition temporaire de 600 m2, aux salles d’exposition permanente, logées dans la partie existante, ou encore au CCED, le centre de conservation d’études et de documentation archéologique.
Scénographies
Le travail de scénographie a été réalisé à différents niveaux de lecture. La conception des espaces d’exposition existants a été revue et intégrée à la démarche générale. Le CCED a également fait l’objet d’une étude spécifique. L’espace d’interprétation des métiers de l’archéologie, à travers ses parois vitrées, permet au public d’observer le fonctionnement du centre tout en préservant l’activité des archéologues et des chercheurs. Le traitement paysager participe également à l’expérience muséale. Il séquence le site historique et naturel le long de parcours et de terrasses desservant les différentes activités proposées par le Préhistomuseum.
Du paysage au bâtiment
Le projet vise une intégration paysagère douce et naturelle, tout en présentant une architecture affirmée. L’atelier d’architecture AIUD a privilégié l’implantation de volumes relativement bas au creux de la vallée et une emprise au sol limitée grâce notamment à la superposition de la grande salle d’exposition et du CCED. Au niveau des matériaux, l’acier corten est prédominant. Il est apprécié par Gil Honoré pour ses qualités plastiques et sa luminosité. Ses teintes orangées sont destinées à évoluer avec le temps et se fondent dans le paysage. Pour le Foyer, le bardage vertical en mélèze wallon figure le rythme des troncs d’arbres de la forêt voisine. Des attentions concernant la durabilité et les économies d’énergie s’ajoutent aux caractéristiques du projet. Les bâtiments sont « très basse énergie ». La volonté d’employer des matériaux naturels s’exprime en particulier dans le choix d’une isolation en paille et d’un enduit intérieur en terre pour la grande salle et dans l’installation d’une chaudière à broyat de bois qui, à terme, devrait provenir du bois d’éclaircissement issu du site.