À la frontière entre la Turquie et la Syrie, un projet unique en son genre est né de l’initiative de l’université Bilkent et de Studio Cho. Sous la direction du professeur Chen-Yu Chiu, une équipe d’étudiants a transformé des murs militaires en infrastructures humanitaires. Le résultat est le Taiwan-Reyhanli Centre for World Citizens, un centre communautaire destiné aux réfugiés syriens et aux habitants de la région d'Hatay, touchée par le séisme de 2023.
Le Taiwan-Reyhanli Centre for World Citizens a été construit avec 400 blocs de béton, initialement utilisés pour renforcer la frontière turco-syrienne. Réutilisés ici, ces murs, autrefois symboles de division, se transforment en symboles de solidarité. Ils confèrent au centre une structure résistante aux séismes et aux explosions, tout en offrant un abri et un espace sûr à une population vulnérable.
Le centre a pour vocation de faciliter l'intégration des réfugiés syriens et des résidents turcs, un défi dans cette région marquée par la guerre civile syrienne et des tensions culturelles croissantes. Par cette approche, l’équipe espère favoriser l’harmonie sociale entre ces deux communautés.
L'architecture du centre est résolument inspirée par le contexte local. Composé de 52 unités standardisées orientées vers La Mecque, le centre est pensé pour divers usages : espace de prière, de jeu, de travail et de rassemblement. Le choix de la forme des toits, en catenaria, ainsi que les voûtes en acier ondulé rappellent les traditions architecturales islamiques, notamment les arches de la Grande Mosquée des Omeyyades d'Alep.
Les structures ont été assemblées en plusieurs étapes, avec une approche privilégiant la préfabrication et l’assemblage sur site. Des toitures en métal, issues de bâtiments industriels voisins, ont été réutilisées pour accélérer le processus de construction, tout en réduisant les coûts de main-d'œuvre.
Ce projet, qui s'est développé sur trois ans, a été réalisé en partenariat avec les communautés turques et syriennes. Dès le début, les équipes ont travaillé main dans la main avec les résidents, intégrant leurs besoins dans la conception et offrant des opportunités d’emploi sur le chantier. Ce processus inclusif a permis de renforcer le sentiment d'appartenance au projet, favorisant une meilleure intégration.
"Les fondements de notre approche étaient la production de masse, la préfabrication et l’assemblage sur site," explique Chen-Yu Chiu. "Nous avons travaillé avec les habitants pour créer un espace qui leur est propre et qui répond à leurs besoins."
Le Taiwan-Reyhanli Centre for World Citizens ne se limite pas à l’hébergement. Le centre propose un éventail de programmes éducatifs pour près de 2 000 enfants et des opportunités d’emploi pour environ 500 femmes, contribuant ainsi activement au développement de la communauté locale. Des ateliers, des événements culturels et des activités éducatives sont également proposés pour renforcer les liens entre les résidents.
Sélectionné dans la catégorie Projet Civique des Dezeen Awards de cette année, le Taiwan-Reyhanli Centre for World Citizens se distingue par son engagement envers l’inclusion et la durabilité. Le projet montre comment des matériaux symboles de conflit peuvent être transformés pour un usage pacifique et humanitaire, ouvrant la voie à une architecture résolument tournée vers le bien commun.
Avec le Taiwan-Reyhanli Centre for World Citizens, les murs militaires se muent en murs humanitaires, et l’architecture s’impose comme un puissant vecteur de changement et de solidarité.