Le Théâtre de Liège. Une transformation (Atelier d’architecture Pierre Hebbelinck et Pierre de Wit)
Depuis 2013, la ville de Liège dispose d’un théâtre contemporain logé, en partie, dans le bâtiment de la Société Libre d’Emulation, au service de la culture depuis 1779. L’atelier d’architecture Pierre Hebbelinck et Pierre de Wit en signe la renaissance avec la création d’un lieu ouvert sur sa ville.
Un lieu de mémoire et un théâtre contemporain
Le projet du Théâtre de Liège se crée dans un contexte aux enjeux multiples. L’aspect culturel est présent et fondamental, puisqu’il s’agit de mettre en place le théâtre de la ville de Liège ainsi que de créer un outil performant pour le théâtre contemporain. Le projet a pour origine le bâtiment de la Société Libre d’Emulation, association active depuis le XVIIIe siècle et qui a pour vocation la promotion du savoir et de la culture. Ce lieu a connu une histoire mouvementée : en 1914, 17 civils y sont fusillés et le bâtiment est réduit en cendres. Il est reconstruit en 1939 par l’architecte Koenig dans un style néo-classique, collé sur une structure en béton armé présentant un plan libre. Le bâtiment d’origine, s’inscrit dans un tissu urbain dense, en centre-ville. Partiellement classé à l’inventaire du patrimoine, il est pourtant abandonné et fortement dégradé lorsque l’atelier d’architecture Pierre Hebbelinck et Pierre de Wit est désigné pour une étude de faisabilité, en 2003, suivie, en 2011, par la phase de chantier. Patrimoine matériel et immatériel, lieu de mémoire, contexte urbanistique déterminant et création d’un théâtre contemporain dans un bâtiment qui n’y était pas destiné, voilà l’équation de base de la conception du projet.
Un bâtiment pour 3 institutions, au cœur de la ville
Le programme demandé est de grande ampleur. La surface est doublée, par rapport à l’espace disponible. L’atelier d’architecture cherche à optimiser l’espace, d’abord au sein du bâtiment lui-même, ensuite dans le tissu urbain. L’implantation du projet s’étend ainsi, à partir de l’intérieur de l’îlot, vers les rues voisines. La grande salle, l’accueil, les espaces de circulation, le restaurant, ainsi que des locaux administratifs occupent le bâtiment de 1939. La petite salle, les loges des artistes, la cafétéria et une série de locaux techniques, de stockage et de productions sont quant à eux logés dans les nouveaux volumes, présents sur la Place du XX août, et dans une rue voisine. Enfin, le projet prend également en charge la transformation des locaux de la Société Libre d’Emulation et du Cercle Royal des Beaux-Arts, dont les façades sont visibles depuis une 3e voirie.
Quand l’architecture porte le patrimoine
L’aspect patrimonial a été le moteur d’une solution architecturale et technique inédite dans le monde du théâtre. En effet, la grande salle, dénommée la Salle de la Grande Main, est équipée d’un gradin de plus de 500 places, qui paraît en lévitation. Sa forme et sa structure répondent aux contraintes patrimoniales qui n’autorisaient aucune intervention sur les parties classées, notamment les murs latéraux. Ainsi, le gradin est ancré au sol dans sa partie avant et se pose via un système d’amortisseurs en partie supérieure, sur la structure existante. L’atelier d’architecture Pierre Hebbelinck et Pierre de Wit a relevé un autre niveau de lecture patrimoniale. L’architecte Koenig, dans son projet de 1939, a instauré une logique de transparence à travers le bâtiment. Avec sa configuration et son système de plan libre, il est en effet possible de traverser le bâtiment du regard, par part en part. Cette volonté a été mise en exergue et interprétée par l’intervention des architectes. Cette transparence se matérialise entre autres par l’usage du verre en façade. Les nouvelles façades du projet sont ainsi recouvertes d’un parement en panneaux de verre présentant le plus souvent un relief qui fragmente le regard. L’emploi du verre a pour volonté d’unifier les lieux et d’en simplifier la lecture à travers le quartier, mais aussi de permettre des sensations de profondeur et de longues percées visuelles à travers le bâtiment, lorsque le vitrage est lisse.
Solutions techniques et architecture
La nouvelle fonction des lieux, transformés en théâtre, a demandé une étude acoustique précise pour empêcher le son de sortir du théâtre, mais aussi d’y rentrer. Dans cette optique, le travail sur la façade vitrée de la petite salle a abouti à une solution technique et architecturale. La petite salle est à la fois une salle de répétition et une salle de spectacle. Son positionnement sur la Place du XX août, très bruyante, et le choix de l’ouvrir sur la ville par sa façade vitrée, demandait un affaiblissement acoustique hors du commun. La collaboration entre architectes et acousticiens a donné naissance à une façade inclinée, combinant différents ensembles vitrés enfermant une lame d’air d’épaisseur variable, afin d’agir sur tout le spectre sonore. A l’intérieur, la qualité acoustique initiale de la grande salle a permis de réduire l’équipement aux systèmes classiques d’absorption acoustique (abat-son, faux-plafond acoustique,…). Dans les espaces d’accueil, la cafétéria et le grand hall de l’étage, un lattis en bois ajouré recouvre une épaisseur d’isolant en laine de roche et qui améliore l’ambiance sonore.
De l’art, de l’architecture
Une œuvre d’art de Patrick Corillon est intégrée au Théâtre de Liège. Un travail de collaboration de plusieurs mois entre l’artiste et l’atelier d’architecture a donné lieu à l’insertion d’une sélection mots et d’extraits de textes disséminés à travers tout le bâtiment. Sensible à la production artistique, l’atelier d’architecture s’est ouvert une nouvelle fois au dialogue avec le travail d’un artiste, et ce, dès la conception du projet. Le budget réservé à l’intégration d’œuvre artistique dans le cadre de projets publics trouve ici une réponse partagée, à la fois art et architecture.