Pourquoi sommes-nous fascinés par “l’architecture porn” ?
Instagram regorge de photographies d’édifices, de monuments et de formes géométriques confinant au vertige. Cette love story urbaniste a un nom : l’architecture porn. Mais jusqu’où nous emmène cette “pornographie architecturale” et pourquoi fascine-t-elle tant les internautes ? Une bonne question, que s'est posée dernièrement Clément Arbrun pour Les inrockuptibles. Voici le résultat de ses cogitations.
Aux côtés du selfie et du burger, l’architecture squatte les couloirs d’Instagram. Catalogues de papier glacé adapté aux pratiques 2.0., les comptes architecturaux regorgent d’abonnés – ils se comptent par dizaines de milliers – et la moindre image de façade “qui en jette” aligne les like. Cette lubie du design a tout du sentiment amoureux : elle déroute, séduit, obnubile. Mais pourquoi ?
A la recherche du sublime
L’essence de l’“architecture porn” se capte en un coup d’œil. Immenses bâtiments d’une blancheur diaphane aux longues façades captées du dessous (Archifound), symétries en série, ondulations en relief et diagonales à foison (@ruudvdwerf), tourbillons de spirales, effets d'accumulation géométrique et superpositions anarchiques (ArchVortex), “architecture résidentielle funky” où s’enchevêtrent tours de cristal crevant le ciel, lignes de verre sans fin, terrasses proéminentes, motifs cubiques au tracé millimétré (Superb Suburbs)… Plus que la grandeur réelle du bâtiment, ce sont les impressions vives d’accumulation et de perspectives permises par le choix de l’angle qui captivent – et confinent au vertige. L’architecture porn, ce sont toutes “ces images fortes traversées de motifs hypercomplexes et de formes cumulatives, entreposées et alignées, reconnaissables par leurs effets de profondeur et de répétitions géométriques”, détaille Olivier Leclercq, architecte connecté qui a pour habitude de partager ses trouvailles sur son compte Instagram.
Alors que notre train-train urbain nous endort par sa monotonie, ce phénomène graphique, lui, nous hypnotise. A l’intensité du tout, ces mises en scène privilégient la réitération des détails, ces entrecroisements sinueux ou réguliers de courbes et de lignes mouvantes surplombées de fenêtres, balcons, crevasses et rampes. Parfois, ce n’est plus la façade qui importe, mais les escaliers qui la jouxtent. Des marches qui nous apparaissent en mouvement circulaire et infini, comme aspirées vers les cimes, shootées en contre-plongée pour mieux nous faire tourner la tête. Cette sensation de trop-plein nous extirpe un temps de notre torpeur citadine.
“A travers l’architecture porn, nous recherchons le sublime, l’étonnant, le grandissime, ajoute Olivier Leclercq, et cette surabondance des formes procure du plaisir dès que l’œil essaie de comprendre leur logique, de capter ce qui est dévoilé avec outrance”. Ces excès géométriques, le tag sky_high en est l’ode : là, les constellations de lumières et les impressions de reflets nous font ressentir le côté bigger than life de ces villes vues d’hélicoptère. A l’instar des fonds d’écran aléatoires de Windows, illustrations carte postale de coins paradisiaques irréels, cette mouvance made in Instagram traduit une volonté d’évasion, vers un ailleurs qui passe par le regard. La sous-catégorie du forum Reddit dédiée à l’Architecture Porn regorge ainsi d’images monumentales de buildings, d’auditoriums, d’universités et d’hôtels.
Pour la suite de l'article (avec les photos, dont celle, légèrement détournée, du hall de l'Université polytechnique de Floride), rendez-vous sur le site des inrockuptibles.