Réintégrer les entreprises dans le tissu urbain à Bruxelles ? Chiche !

À l’occasion de la venue à Bruxelles du Forum Inter-Sessions d’Europan, en novembre 2018, l’équipe du Bouwmeester de la région de Bruxelles-Capitale a édité une brochure en anglais sur le thème Brussels Productive City. Elle compile 25 projets (de la brasserie au centre d’interprétation historique en passant par la centrale à béton ou des projets célébrant la mixité comme Urbanities ou Novacity) illustrant le thème de la réintégration de la production en ville,. Un catalogue qui se veut évolutif et qui sera complété dans le futur par de nouveaux projets qui émergeront à Bruxelles. 

Dans son introduction, intitulée L’industrie dans la ville post-industrielle ? (Industry in the post-industrial city?), le Bouwmeester Kristiaan Borret fait le point sur 10 années de réflexion, de planification et de construction dans la capitale belge.

Développement urbain mixte… ou pas ?

Au cours des 20 dernières années, les grandes villes européennes sont devenues beaucoup plus attractives. Des efforts ont été réalisés pour en faire des lieux privilégiés de vie, de commerce, de shopping et de détente. On a transformé des friches de l'ère post-industrielle en zones résidentielles, on a rénové des quais inutilisés et des anciennes usines. Cependant, la plupart de ces nouvelles constructions ou des rénovations sont des bâtiments résidentiels, des bureaux, des commerces et de l’Horeca. Une fonction a été omise : l’économie (semi) industrielle. Les activités de production sont sorties des villes et ont été déplacées en périphérie. Le développement urbain est en réalité moins mixte et moins varié que nous voudrions le croire, et les villes d'aujourd'hui sont incomplètes. La production doit faire à nouveau partie intégrante du tissu urbain, créer le lien avec la vie quotidienne. Ce n’est qu’à cette condition que les villes deviendront véritablement mixtes. Fameux basculement intellectuel...

Premières réflexions

A Bruxelles, la réflexion à ce sujet a démarré il y a quelques années. En 2012-2013, l’ULB et Erasmus ont notamment organisé des master classes sur les possibilités de coexistence entre logements et espaces destinés à l’industrie. L’année suivante, le think tank Architecture Workroom Brussels, avec l'association de citoyens BRAL et l’association pour un environnement durable Bond Beter Leefmilieu ont rédigé un manifeste - Productive BXL -  sur la façon dont la ville de Bruxelles et sa périphérie pourraient se développer au sein d’un seul système économique urbain.

Croissance démographique et ZEMU

Bruxelles est une ville à forte croissance démographique. Au cours de ces 10 dernières années, la population a régulièrement augmenté (environ 1,5%, soit 15 000 habitants par an). C’est la raison pour laquelle il était nécessaire de créer des logements afin de répondre à cette croissance. La Région de Bruxelles-Capitale a donc décidé, en 2013, de convertir une série de parcelles, vestiges d’une activité économique importante lors de l’ère industrielle, en zones de développement de quartiers résidentiels. L’affectation de certains terrains industriels a été modifiée et le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a créé les ZEMU (Zones d’Entreprises en Milieu Urbain), dans lesquelles les entreprises et les logements pourraient et même devraient cohabiter. Cette décision a également permis de casser la flambée des prix qui chassait bien souvent les entreprises en périphérie de la ville au profit des logements et des bureaux, plus rentables pour les promoteurs immobiliers.

Le souffle du (Plan) Canal

Parallèlement à cela, des visions stratégiques ont été mises en place pour pouvoir (ré)intégrer l’économie de production dans la ville. La zone de développement stratégique la plus importante est sans aucun doute celle du canal Charleroi-Anvers qui traverse le tissu urbain bruxellois. Le canal était LE bassin industriel bruxellois du début du XIXe siècle mais, au cours des dernières décennies, de plus en plus d'activités économiques à grande échelle s’en étaient détournées. On y trouvait par conséquent beaucoup de bâtiments vides et de terrains vagues. Néanmoins, la situation bruxelloise est tout à fait remarquable : dans quelle autre capitale peut-on trouver, à 15 minutes à pied du centre historique, une zone portuaire active (chargement, déchargement, tri et recyclage, usine de fabrication de béton…) ?

La Région a approuvé le Plan Canal en 2014. Celui-ci formule une vision globale cohérente, en mettant en avant 3 objectifs : l’utilisation de la zone du canal pour la construction de logements et d’infrastructures, afin de répondre à la croissance démographique ; la zone ne doit plus être une barrière entre les quartiers mais un élément central assurant la connexion entre les espaces publics ; l’activité économique et l’emploi doivent y être renforcés. Grâce à ce plan, qui a entretemps évolué, le nombre de projets impliquant une économie de production dans la ville a considérablement augmenté dans la zone du canal.

La recette d’une bonne urbanisation

À Bruxelles, l’opérateur immobilier public citydev.brussels travaille depuis quelque temps à la mise en place de grands projets mixtes associant vie et travail. Certains projets, tels Greenbizz, sont déjà opérationnels et donnent des résultats encourageants. Mais de nombreux nouveaux projets ont tendance à privilégier les solutions compactes et empilées, dans lesquelles les logements se situent au-dessus des activités de production. La question est de savoir si la répétition de tels formats dans un nouveau quartier créera une animation suffisante ou si elle risque tout simplement de provoquer sa mort. Pas facile en effet de trouver un modèle de bonne urbanisation…

L’équipe du Bouwmeester propose deux méthodes pour améliorer la qualité de l’intégration des activités de production dans la ville. La première est la supervision des projets en cours, qui permet de faire comprendre plus rapidement et efficacement aux propriétaires d’établissements industriels les avantages d'un projet de construction multifonctionnel. La deuxième prend la forme d’un concours d'architecture permettant de recevoir des propositions nouvelles, inattendues et de grande qualité.

Quelles entreprises ?

Dans le cadre de cette réflexion sur l’intégration, la question essentielle reste de savoir quel type d'entreprises il faut attirer en ville… Il peut s’agir de nouveaux types d’entreprises (réparation et customisation de vélos, fab labs, brasserie artisanale…) mais également de métiers plus anciens ou plus ‘traditionnels’ (réparateurs automobiles, fournisseurs de matériaux de construction, plombiers...) qui ne nécessitent pas énormément d’espaces de travail et/ou de stockage, et peuvent donc être facilement intégrés dans un environnement urbain.

L’équipe du Bouwmeester conclut en insistant sur l’importance d’intégrer ces entreprises dans la ville pour une série de raisons économiques et sociales, parmi lesquelles la création d’emplois locaux, l’emploi de personnes moins qualifiées dans l’industrie et la logistique et le maintien du caractère unique des zones post-industrielles.

Plus de détails sur les 25 projets ? Téléchargez gratuitement la brochure ici.

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