Restauration d’une fermette à colombages du XVIe siècle
Un coup de cœur, trente ans d’attente et cinq ans de chantier. Voilà en résumé la dure réalité de ce projet de rénovation hors normes. Le propriétaire de la fermette, l’architecte liégeois Luc Gabriel, n’en perd pas pour autant le sourire. Visite guidée de sa maison de campagne en compagnie de Monsieur Edouard.
Jeune diplômé en architecture avec une spécialisation en bâtiments anciens et classés, Luc Gabriel découvre que cette fermette à colombages du XVIe siècle est mise en vente publique. Nous sommes en 1980 et le bâtiment est à l’état de ruine. Une rénovation complète s’impose. Le bien étant classé, le jeune architecte est contraint d’introduire un dossier de restauration auprès du service du Patrimoine de la Région Wallonne. Le dossier est déposé en 1982 mais la mise en chantier du monument classé ne peut toutefois commencer qu’après l’aval de l’administration. Malgré de nombreuses relances, le maître d’ouvrage a dû attendre près de… 30 ans pour que l’administration donne son feu vert !
« Ma patience a des limites », déclare Luc Gabriel, tout heureux de pouvoir enfin profiter de son bien. « La situation était telle que j’avais menacé de demander le déclassement du bâtiment pour le raser si je n’obtenais pas de réponse pour 2010. Le bâtiment s’était tellement dégradé qu’il avait fallu l’étançonner et aménager des tirants sur les pignons qui s’affaissaient. Au lieu de coûter 125.000 € dans les années 80, les travaux ont finalement coûté la bagatelle de 640.000 € trente ans plus tard !».
Restauration de la structure bois pièce par pièce
Situé dans la réserve naturelle classée de la Burdinale sur la commune de Lamontzée, le bien comprenait des étables et une habitation. Vu le surcoût des travaux, le propriétaire a finalement scindé le bâtiment en deux habitations, l’une pour sa maison de campagne, l’autre comme conciergerie. La partie des anciennes étables et de la porcherie a été entièrement démontée. Chaque pièce de la structure en bois a été minutieusement numérotée et analysée en atelier afin d’être restaurée à l’identique. Le but de la restauration était de conserver un maximum de pièces originales.
Les étables n’étant qu’un grand volume vide, l’architecte a opté pour un aménagement intérieur contemporain. D’un point de vue architectural, une dalle en béton armé a été coulée sur le sol, sur laquelle une nouvelle structure portante métallique a été aménagée. Cette structure, désolidarisée des façades, reprend toutes les charges du bâtiment et la toiture. La stabilité des façades est quant à elle assurée par des tirants métalliques. « Comme au 16e siècle, le remplissage des colombages a été réalisé en argile puis peint avec un enduit à la chaux. Ce type de construction offre des qualités isolantes impressionnantes. Le coefficient U des murs est de 0,32 W/m².K. La température intérieure est relativement constante tout au long de l’année », enchaîne l’architecte.
En ce qui concerne l’ancienne partie habitée, la restauration a été différente : la structure bois a été dénudée et restaurée sur place sans démontage. L’aménagement intérieur de cet espace est classique avec des pièces plus petites et moins lumineuses.
Deux installations au mazout avec régulation et sonde extérieure
En tant que bâtiment classé, pas question d’envisager une pompe à chaleur. Initialement, l’architecte pensait aménager un chauffage par le sol. L’épaisseur de la dalle de béton ne lui a toutefois pas permis de retenir cette option car il devait conserver le niveau des pièces initial. Luc Gabriel a finalement placé un chauffage central au mazout. Selon les pièces, les radiateurs sont soit architecturaux, soit classiques. Les deux parties du bâtiment sont équipées d’une installation identique avec régulation et sonde extérieure. « Vous ne vous imaginez pas le nombre d’heures de réunion qui ont été nécessaires pour que le service du Patrimoine valide l’installation des sondes sur la façade. Il n’y avait pas de sonde au 16e siècle… », déclare l’architecte.
Des cheminées tout en discrétion
Le défi de l’aménagement des cheminées fut lui aussi relevé avec brio. La partie anciennement habitée comportait une grande cheminée carrée. Seul problème, elle ne possédait pas de couverture contre la pluie et chaque averse occasionnait un ruissellement d’eau sur les murs intérieurs. « J’ai obtenu de haute lutte une dérogation pour l’installation d’un chapeau de cheminée discret en métal », poursuit Luc Gabriel. « Idem pour les anciennes étables. Etant donné que les murs et la toiture sont classés, je ne pouvais apporter la moindre modification à ces niveaux. Or la partie des étables ne possédait pas de cheminée. Après de longues négociations au cours desquels j'ai expliqué que je ne comptais pas vivre sans chauffage comme au 16e siècle, j’ai obtenu l’autorisation de percer la toiture pour le passage de deux cheminées, peintes en noir pour plus de discrétion ».
Et si c’était à refaire ? « J’y réfléchirais probablement à deux fois, mais aujourd’hui je savoure ».
Fiche technique
- Architecte : Atelier d'Architecture Luc GABRIEL
- Lieu : Lamontzée (Burdinne)
- Chaudière : Buderus Logano GE 125 (2X) de 21 kW
- Boiler eau chaude sanitaire : Buderus SU 150 litres (2x)
- Stockage de mazout : En acier aérien en cave
- Installateur : Bailly-Hardy Sprl, Liège