Dans son ouvrage ‘Franchir le vide. A pied et à vélo’, Laurent Ney, auteur de projet, architecte et ingénieur révèle la complexité qui caractérise chaque conception d’ouvrage d’art et explique comment, grâce à une vision intégrée de l’architecture et de l’ingénierie, on peut aboutir à des objets qui s’insèrent de manière significative dans nos traditions. Coup d’œil sur certains de ces ouvrages d’art…
Laurent Ney a dû faire un choix parmi la centaine de ponts et passerelles que son bureau Ney & Partners, a contribué à construire un peu partout dans le monde. Il en a gardé 21. Et nous vous en présentons 7…
Passerelle Centner, Verviers, terminée en 2006
Cette passerelle piétonne enjambant la Vesdre a une portée de 30 m et une largeur de 2 m. Laurent Ney : « Elle devait remplacer une passerelle existante en fin de vie, dont la caractéristique principale était le nombre de réservations à prévoir pour le passage de réseaux divers. » le projet s’est donc construit autour des tubes des réseaux. « Le système structurel de la passerelle est une simple poutre en U. La semelle inférieure sert de platelage, les âmes de garde-corps et la semelle supérieure de main courante. Le contour de la passerelle forme une seule ligne fluide continue. » Sa particularité ? « Les garde-corps de la passerelle sont découpés au laser et la densité des mailles est conditionnée par les efforts dans les âmes. »
Passerelle place Verboekhoven, Schaerbeek, terminée en 2013
La passerelle (258 m de long sur 9 m de large) s’inscrit dans un projet plus global de réaménagement de la place Verboekhoven, une place en étoile appelée aussi ‘Cage aux Ours’. Laurent Ney : « Le contexte était compliqué. Cette place présentait un relief particulier et était divisée en deux par une voie de chemin de fer. Elle est également le point de focalisation de huit boulevards… La proposition réunifie la place par une passerelle en acier qui tient plus de l'espace public que de l'ouvrage d'art. Elle offre une traversée centrale de la place et, par un système de gradins, donne un vis-à-vis aux grands bancs actuellement existants et fort utilisés. »
Passerelle De Lichtenlijn, Knokke, terminée en 2008
Situé sur l'avenue Reine Elisabeth qui relie Knokke à Ostende, la passerelle remplit deux fonctions. D'une part, elle relie la dDigue à une zone verte et crée ainsi des possibilités touristiques pour cyclistes et randonneurs, d'autre part, elle symbolise l'entrée dans la commune de Knokke-Heist. « Le modèle statique est celui d'une poutre continue de 102 m de longueur reposant sur 4 appuis qui repart les travées de 28m/46m/28m de manière idéale. La forme de la structure correspond à une optimisation de la matière obtenue à l'aide d'un programme numérique. Le résultat est une forme optimalisée. Conceptuellement le pont est découpé dans une tôle métallique à laquelle le tablier est suspendu. Pour reprendre les efforts tranchants qui résultent de la forme courbe en plan, la tôle est inclinée avec une pente de 1/1. Le tablier est réalisé en béton. » Cette passerelle est pour Laurent Ney une étape importante dans sa pensée conceptuelle de conception des passerelles. « Il s’agit du premier pont d’une série d’ouvrages qui va utiliser une stratégie de conception soustractive, en opposition à la manière traditionnelle de concevoir ce type d’ouvrage. »
Passerelles Smedenpoort Bruges, terminées en 2012
La ‘Smedenpoort’, une des portes d’entrées historiques de Bruges, était trop étroite pour permettre une circulation simultanée et fluide des voitures, des piétons et des cycliste. La Ville a donc décidé de réaliser deux passerelles piétonnes (60 m de long) de part et d'autre du pont-levis existant. Laurent Ney : « Un contexte tel que celui-ci demande une sensibilité particulière, aussi bien du point de vue de l’implantation, du tracé, de la forme que des matériaux utilisés. Notre approche a de nouveau été multiple. L'option a été prise de réaliser une ‘promenade’ au lieu d'un pont. Le tracé en plan a été adapté de telle sorte que les nouvelles passerelles enserrent la porte et le pont existants. De plus, la multiplication des supports et l'utilisation structurelle du garde-corps permettent de réduire les dimensions de tous les éléments porteurs et d'obtenir ainsi une transparence maximale. Les structures portantes sont en acier auto-patinable tandis que le platelage est réalisé en dalle préfabriquées en béton flammé. L'utilisation de barres pleines en acier et les principes d'assemblages font plutôt appel à l'artisanat des forgerons qu'à l'industrie moderne de la construction métallique. »
Passerelle Parkbrug, Anvers, terminée en 2015
Cette passerelle fait le lien entre deux entités, l’Eilandje et le Spoor Noord, deux paysages urbains ayant des caractéristiques différentes. Laurent Ney : « Le contexte est particulier puisque la passerelle s’appuie sur deux bâtiments, en traversant d’une traite les 70 m du boulevard. Nous avons opté pour un objet indépendant et monolithe. Toutefois, la sous-face, les faces supérieures et latérales sont perçues de différentes manières selon la direction d’observation et les routes de circulation. La forme du pont est changeante. La volonté est également que la traversée soit une expérience merveilleuse pour les utilisateurs. Le motif d’ouvertures, la texture et la structure du pont donnent la sensation de se trouver dans un espace privilégié. Le volume se ferme et s’ouvre aux utilisateurs et joue en ce sens un rôle de charnière. Soleil et lumière proposeront au cours de la journée un jeu d’ombre et de lumière. »
Passerelle du Château de Tintagel, terminée en 2019
Laurent Ney : « La passerelle de Tintagel est probablement l’exemple extrême d’un contexte fort. Ici, c’est la légende qui remplace l’histoire et l’imagination qui l’emporte sur la réalité. Le concept du projet est basé sur le principe simple de recréer le lien qui existait autrefois et franchissait le vide. Au lieu d’introduire un troisième élément portant d’un côté à l’autre, nous avons proposé de placer deux porte-à-faux indépendants qui se rejoignent au milieu sans se toucher, ou presque... La structure de la passerelle, longue de 68,5 m et haute de 4,5 m 50 là où elle jaillit de la roche, atteint une épaisseur de 17 cm à mi-travée, avec un joint ouvert entre les deux parties. Les matériaux du pont sont simples, durables et adaptés au contexte du site. Sa structure principale est en acier peint.
Le concept du pont est intrinsèquement lié à sa méthode de montage: un système de construction en encorbellement. Cette technique permet d’avancer de manière séquentielle dans le vide à partir des culées, sans avoir besoin de supports temporaires. »
Passerelle de Poissy, prévue pour 2021
Le Pont de Poissy, qui existait déjà au 12e siècle, a été démoli, reconstruit, adapté au fil des siècles puis définitivement détruit en 1944. Depuis, seules subsistaient une amorce sur chaque rive et quatre piles au milieu de la Seine, dans une zone élargie du fleuve. Laurent Ney : « La nouvelle passerelle, d’une longue de 300 m, reprend le tracé et les principes structurels des ponts historiques, car il n’existe pas un seul Pont de Poissy, mais bien une succession de ponts à travers les époques : un pont en arcs, continu, à travées multiples. » La conception de la passerelle se couple avec celle de l’aménagement d’un îlot en une place publique, lieu d’évènements festifs et culturels. « Des gradins articulent la culée existante et la nouvelle placette. La géométrie de cet ensemble se réapproprie ainsi le langage du bâti que le pont a connu tout au long de son histoire. »